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Message par cedric Jeu 14 Mar 2013 - 11:22

Phèdre

Et toi, étonnant ami, tu es un grand original. On dirait vraiment que tu es, pour reprendre ton mot, un étranger qu'il faut guider et que tu n'es pas d'ici. Tu es si casanier que tu n'as jamais franchi la frontière et il semble bien que tu n'es jamais sorti des murs.

Socrate

Passe-moi cette originalité, mon bon ami : c'est le désir de m'instruire qui en est cause ; car ni les champs ni les arbres ne veulent rien m'apprendre, mais bien les hommes qui sont dans la ville. Mais toi, tu as trouvé, ce me semble, le moyen de m'en faire sortir ; car comme on se fait suivre d'animaux affamés en agitant devant eux une branche ou un fruit, ainsi toi, tu n'as qu'à me présenter des cahiers de discours pour me faire faire, je crois, tout le tour de l' Attique et me mener partout où il te plaira. Mais pour le moment, comme je suis arrivé, je crois que je ferais bien de me coucher sur l'herbe ; pour toi, prends la position que te paraît la plus commode pour faire la lecture, et commence.

( p.119 )

Métaphoriquement, la figure de l'étranger est parlante. Socrate, bien qu'ils soit un grand casanier ( a priori ), dans le même temps où il semble donc enraciné plus que quiconque à sa ville, qu'il en semble un grand familier, en est également étranger. Ce paradoxe nous pousse à interroger ce que cela peut bien signifier. Or, l'originalité de Socrate tient précisément à ce que, parce qu'il philosophe, il ne tient aucunement pour acquis les mœurs et les coutumes de sa ville, Athènes, de son pays, qu'il interroge, dont il interroge le bien fondé ( la vérité ) sans cesse. Socrate est donc un étranger dans le sens où il se tient sans cesse dans une posture qui consiste à interroger, d'un œil neutre, ce qu'il voit, à se tenir en retrait pour pouvoir effectuer le geste du questionnement philosophique. En ce sens, Socrate, étant le plus enraciné, est dans le même temps sans lieu, nulle part, utopos, c'est à dire qu'il se tient au niveau du questionnement et de la pensée. On a ici le paradoxe assez remarquable entre un enracinement géographique fort et une pensée philosophique qui interroge et ne se tient dans aucun lieu, c'est à dire dans aucune « certitude », mais dans l'acte même d'interroger.

Lorsque Socrate répond à Phèdre, il souligne sa démarcation d'avec le monde extérieur ( encore une fois ), disant ni les champs ni les arbres ne veulent rien lui apprendre, mais seulement les hommes. Ici, nous voyons que Socrate n'est en rien naturaliste et que sa philosophie n'est pas une philosophie de la nature dans le sens d'une botanique. Ce qui l'intéresse, ce ne sont pas les sciences de la nature, mais au contraire ce sont les hommes et les discours qu'ils tiennent, c'est à dire, encore, le niveau Ehtique lié à la pensée, à l'âme, c'est à dire ce qui anime les hommes et la manière dont ils se comportent, en fonction de ce qu'ils pensent.


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