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Le Banquet, Analyse

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Message par cedric Lun 11 Mar 2013 - 10:15

- Après avoir entendu ce discours, je lui dis, plein d'admiration : « C'est bien, très sage Diotime ; mais les choses sont-elles bien réellement comme tu le dis ? »
Elle reprit sur le ton d'un sophiste accompli : « N'en doute pas, Socrate. Aussi bien, si tu veux considérer l'ambition des hommes, tu seras surpris de son absurdité, à moins que tu n'aies présent à l'esprit ce que j'ai dit, et que tu ne songes au singulier état où les met le désir de se faire un nom et d’acquérir une gloire d'une éternelle durée. C'est ce désir, plus encore que l'amour des enfants, que leur fait braver sous les dangers, dépenser leur fortune, endurer toutes les fatigues et sacrifier leur vie. Penses-tu, en effet, dit-elle, qu' Alceste serait morte pour Admète, qu' Achille se serait dévoué à la vengeance de Patrocle ou que votre Codros aurait couru au-devant de la mort pour garder le trône à ses enfants s'ils n'avaient pas pensé laisser de leur courage le souvenir immortel que nous en gardons aujourd'hui ? Tant s'en faut, dit-elle, et je ne crois pas me tromper en disant que c'est en vue d'une louange immortelle et d'une renommée comme la leur que tous les hommes se soumettent à tous les sacrifices, et cela d'autant plus volontiers qu'ils sont meilleurs ; car c'est l'immortalité qu'ils aiment.

Et maintenant, continua-t-elle, ceux qui sont féconds selon le corps se tournent de préférence vers les femmes, et c'est leur manière d'aimer que de procréer des enfants, pour s'assurer l'immortalité, la survivance de leur mémoire, le bonheur, pour un avenir qu'ils se figurent éternel. Pour ceux qui sont féconds selon l'esprit..., car il en est, dit-elle, qui sont encore plus féconds d'esprit que de corps pour les choses qu'il convient à l'âme de concevoir et d'enfanter ; or que lui convient-il d'enfanter ? La sagesse et les autres vertus qui ont précisément pour pères tous les poètes et ceux des artistes qui ont le génie de l'invention. Mais la partie la plus importante et la plus belle de la sagesse, dit-elle, est celle qui a trait au gouvernement des Etats et des familles et qu'on nomme prudence et justice. Quand l'âme d'un homme, dès l'enfance, porte le germe de ces vertus, cet homme divin sent le désir, l'âge venu, de produire et d'enfanter ; il va, lui aussi, cherchant partout le beau pour y engendrer ; car pour le laid, il n'y engendrera jamais. Pressé de ce désir, il s'attache donc aux beaux corps de préférence aux laids, et s'il y rencontre une âme belle, généreuse et bien née, cette double beauté le séduit entièrement. En présence d'un tel homme, il sent aussitôt affluer les paroles sur la vertu, sur les devoirs et les occupations de l’homme de bien, et il entreprend de l'instruire ; et en effet, par le contact et la fréquentation de la beauté, il enfante et engendre les choses dont son âme était grosse depuis longtemps ; présent ou absent, il pense à lui et il nourrit en commun avec lui le fruit de leur union. De tels couples sont en communion plus intime et liés d'une amitié plus forte que les père et mère parce qu'ils ont un commun des enfants plus beaux et plus immortels. Il n'est personne qui n'aime mieux se voir de tels enfants que les enfants selon la chair, quand il considère Homère, Hésiode et les autres grands poètes, qu'il envie d'avoir laissé après eux des rejetons immortels qui leur assurent une gloire et une mémoire immortelles aussi ; ou encore, ajouta-t-elle, lorsqu'il se remémore quels enfants Lycurgue a laissés à Lacédémone pour le salut de cette ville et, on peut le dire, de la Grèce tout entière. Solon jouit chez vous de la même gloire, pour avoir donné naissance à vos lois, et d'autres en jouissent en beaucoup d'autres pays, grecs ou barbares, pour avoir produit beaucoup d’œuvres éclatantes et enfanté des vertus de tout genre : maints temples leur ont été consacrés à cause de ces enfants spirituels ; personne n'en a obtenu pour des enfants issus d'une femme.

( p.78-79 )

Plus un homme est meilleur ( Diotime pose ici clairement un jugement de valeur, une hiérarchie ), plus l'immortalité qu'il vise se situe au niveau, non plus de la perpétuité de sa chair dans l'enfantement, mais de l'immortalité concernant la mémoire d'une vertu qui l'anime. C'est par exemple en vue de la vertu qu'incarne le courage qu' Alceste, Achille et Cordos ont bravés tous les dangers, en vue de louer cette vertu pour la mémoire des générations futurs. Pour ainsi dire, ils se sont sacrifiés pour une vertu, c'est à dire une idée.


A la suite de quoi Diotime opère une distinction entre ceux qui sont féconds selon le corps, et ceux qui sont féconds selon l'esprit, afin de montrer en quoi diffère leur tension vers l'immortalité.

Ceux qui sont féconds selon le corps, leur manière d'enfanter se réalise au niveau du corps, par le biais de la procréation des enfants. C'est leur manière de s'assurer l'immortalité.

Ceux qui sont féconds selon l'esprit, et le philosophe est un de ceux-là, leur manière d'enfanter se situe au niveau de l'âme. Or, l'âme enfante, non pas des enfants de chair, mais la sagesse et les vertus. En d'autres termes, ceux féconds selon l'esprit, leur enfantement se situera à un niveau éthique.

Diotime souligne que la partie la plus belle et la plus importante de la sagesse est celle qui à trait au gouvernement des Etats et des familles. On retrouve ici la dimension politique à laquelle aboutie comme naturellement la quête de l' Amour. Or, il existe des commentateurs de Platon, je pense à Deleuze il me semble, qui proposent une critique selon laquelle toute la philosophie de Platon serait dirigée, orientée, manipulée, créée en fonction de ce niveau politique. Pour ainsi dire la philosophie platonicienne ne serait qu'une rampe de lancement rhétorique vers la politique. Or, il me semble qu'il convient plutôt de comprendre que ce rapport à la politique vient plutôt tout naturellement dans la philosophie de Socrate, qui possède une cohérence d'ensemble, qui du reste ne comprend pas le niveau politique comme le niveau dernier et comme le but de la philosophie, mais comme une simple implication.

Les vertus, enfants spirituels des hommes, assurent l'immortalité spirituels des hommes par le travail de mémoire.


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