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Du risque de se gâter l'esprit.

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Message par maraud Mar 13 Nov 2012 - 12:52

Sujet inspiré par Poussbois.

[Comme on se gâte l'esprit, on se gâte aussi le sentiment ; on se forme l'esprit et le sentiment par les conversations ; on se gâte l'esprit et le sentiment par les conversations]Pascal.

Comment pourrions-nous sortir de ce cercle vicieux qui fait que l'on se forme l'esprit comme on se le gâte ; par les conversations.Si l'on considère qu'entre un auteur et son lecteur s'installe une forme de conversation, comment alors ne pas suspecter tous les auteurs ?
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Message par poussbois Mar 13 Nov 2012 - 14:38

Bon, ben si je suis source d'inspiration, maintenant, je vais payer de ma personae Wink :
Nous nous nourrissons pour vivre et la nourriture peut nous empoisonner, ou pas. Dis comme ça, on a l'impression qu'on n'en sort pas, mais il y a des façons moins mauvaises que d'autres de se nourrir. On apprend ça tout petit, qu'il faut manger équilibré, préférer la cuisine personnelle aux plats préparés. Bio, je vous le dis, c'est de la fumisterie : ce n'est pas pour la santé, c'est pour l'environnement.

Euthyphron l’a rappelé hier de mémoire, on peut aussi faire le choix de ses discussions et de ses interlocuteurs.

Suspecter tous les auteurs, dans l’idéal, oui. Il faudrait de toutes façons se méfier de toutes les déclarations, de tous les discours et de tous les écrits. Pour les écrits, je renvoie à Phèdre encore et encore. Pour les discours et les déclarations, à Spinoza. Je renverse un peu sa proposition : il ne faut pas juger sur les discours mais sur les actes. Il présentait cela dans le cadre de paroles dite séditieuses qui ne seraient pas condamnables, à l’inverse des actes. Des paroles du vulgaire pour reprendre son expression, déraisonnables, relevant du premier genre de connaissance, ne sont finalement pas condamnables. De même que celle de celui qui professe une doctrine dite séditieuse. Ce sont les actes antisociaux qui sont dangereux. Or, j’estime que ce qui n’est pas condamnable n’engage finalement personne et a moins de valeur que ce qui l’est : les actes ont de la valeur, un avis, un conseil gratuit n'en ont aucune.

Il n’y a bien que l’expérimentation personnelle et l’exemplarité qui peuvent ainsi valider les options philosophiques.
Pour l’expérimentation, il n’en tient qu’à nous de passer à la phase pratique de nos idées.
Pour l’exemplarité et pour en revenir à Guyau, lui, propose un livre étonnant, quasi révolutionnaire, libertaire, alors que dans le reste de ces œuvres, il développe des arguments qu’on dira… beaucoup plus nuancés. Son livre m’intéresse, mais il perd de sa valeur d’exemplarité.

On n'a donc le choix des auteurs, qui représentent de plus assez peu d'enjeux. C'est un moyen de dire qu'il n'y a pas de problèmes ! lol!
Bref, comme les utilitaristes, je pense qu’on a un apprentissage à avoir pour choisir ce qui nous rapproche du raisonnable et ce qui nous en éloigne. Et comme eux et les philosophes antiques et Spinoza, je pense que ces beaux discours et belles paroles n’ont que le mérite de faire travailler notre imagination, pas forcément notre raison. C’est confrontée aux actes, et aux choix qu’ils impliquent, que notre raison prend toute sa valeur.
Dans la même idée, ce qui se passe ici n’a finalement que peu de valeur. On ne se connaît que par nos écrits. Euthyphron est peut-être le dernier des salauds, Courtial un pervers à tendance masochiste, et Bergame un énorme mytho. Voila. Et pourtant, ces échanges m’ont fait progresser, m’ont donné envie de lire des choses nouvelles, mais également et surtout d’expérimenter de nouveaux rapports, de nouvelles options de vie…

J’ai donc l’impression d’avoir fait un bon choix d’interlocuteur, mais je me trompe peut-être… seuls mes actes pourront en apporter la preuve.

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Message par maraud Mar 13 Nov 2012 - 16:41

Oui, l'amanite phalloïde est tout à fait bio, mais elle n'est pas bonne pour la santé.L'éducation nous dit quoi manger.Mais la vraie question, ici, n'est-ce pas de suspecter l'éducation, bien plus que la dangerosité du champignon ?La dangerosité du champignon est vérifiable, alors que tout ce sur quoi se fonde l'éducation ne l'est pas.Nous tenons de nos parents, qui tiennent des leurs ,qui eux-mêmes tiennent des leurs..., mais on ne remet pas en cause le bien fondé de ce qu'ils appliquent.Les us et coutumes seraient les premières en lice s'il fallait suspecter tout ce qui participe de la formation de notre esprit.(je passe sur l’Éducation Publique, elle est un sujet à elle seule)

Suspecter tous les auteurs, ne nous empêche pas de les lire tous, autant que faire se peut.Car il y en aura bien quelque uns pour en contredire et réfuter d'autres, c'est même une particularité des philosophes.Machiavel disait que celui qui cherche à tromper quelqu'un, trouve toujours quelqu'un à tromper.Mais on peut tout aussi justement poser que celui qui est désintéressé ne cherche pas à tromper.La question est d'envisager le degré d'intéressement de celui avec qui l'on converse.Les gourous et autres pervers ne manquent pas.( je passe sur le monde Théologique et politique, qui est aussi un sujet à lui seul)D'autant que je crois me souvenir que tu lis actuellement le traité de Spinoza.

Quant-à l'exemplarité, je vais peut-être te décevoir,mais je crains qu'elle ne nous apprenne pas grand chose .L'histoire n'a pas retenu Diogène mais Platon.De plus cela ne nous dit pas les raisons profondes qui agissent l'individu dans tel ou tel sens.L’Abbé Pierre était un type tout-à-fait exemplaire, mais dans quelle mesure agissait-il de lui-même ? On pourrait bien l'imiter dans son empathie envers son prochain, mais il se trouve que mon prochain, à moi, c'est toujours le voisin de mon voisin.Et je ne parle pas de l'ermite ou de l'anachorète...

Je conclus avec Alain, qui dit assez justement que la vérité est toujours une erreur redressée.Si l'on peut redresser nos erreurs, on peut bien espérer redresser celles qu'on tient d'autrui, d'autant qu'elles deviennent nécessairement les nôtres.


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Message par Bergame Mar 13 Nov 2012 - 18:45

poussbois a écrit:Euthyphron est peut-être le dernier des salauds, Courtial un pervers à tendance masochiste, et Bergame un énorme mytho.
Ce qui est certain, c'est que s'agissant de Courtial, j'ai eu le même sentiment. On est donc déjà deux à le penser. albino

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Message par poussbois Mar 13 Nov 2012 - 18:54

L'exemple du champignon est plutôt bon : tout les champignons sont toxiques à partir d'une certaine dose. Même le modeste champignon de Paris présente une DMA (dose maximale admissible).

Si tu veux me faire dire que nous sommes en partie prisonnier de notre bagage culturel, je te suis avec plaisir. On a eu une petite discussion avec Chut sur le sujet : nos auteurs de référence ne seraient que la marque de notre empreinte culturelle, notre habitus. Maintenant, l'habitus n'est qu'une forme de résistance, d'inclination naturelle. J'ai tout de même l'impression que la démarche philosophique, c'est bien d'essayer parfois d'aller à contre-pente, de lutter contre cette résistance au changement de culture. C'est fatiguant et souvent désagréable mais ça apporte une accuité plus grande. Une façon certainement de redresser ces erreurs comme le dit Alain.
L'habitus est une fatallité et un piège. Se vautrer avec contentement dans les auteurs qui nous renforcent nos propres certitudes, voila bien quelque chose contre lequel il me paraît difficile de lutter, mais cette lutte peut être profitable.
Ceci dit, même quand je lis des auteurs qui sortent de ma famille de pensée, j'ai bien du mal à retirer d'eux autre chose que ce sur quoi j'étais d'accord a priori... on ne lutte pas contre son éducation et son histoire personnelle. Il y a un concept chez Nietzsche également qui reprend ça, non ? me souvient plus comment il l'appelle...

Pour Courtial, je n'ai pas dit que je le pensais, j'émets une hypothèse gratuite. Je ne sais pas ce qui peut justifer ce rapprochement inconscient... peut-être son obstination à venir frayer avec nous, pauvres hères perdus au milieu des landes désertiques de la pensée du commun...
lol!


Dernière édition par poussbois le Mar 13 Nov 2012 - 19:05, édité 4 fois

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Message par euthyphron Mar 13 Nov 2012 - 18:56

poussbois a écrit: Euthyphron est peut-être le dernier des salauds, Courtial un pervers à tendance masochiste, et Bergame un énorme mytho
A converser on ne se gâte pas forcément l'esprit, par contre la réputation en prend un coup. Comment diable Poussbois a-t-il pu nous deviner si bien?

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Message par Bergame Mar 13 Nov 2012 - 19:01

Ah pardon, mais sur moi, il s'est complètement trompé : Je suis vraiment Directeur des Investissements Afrique à l'OCDE.

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Message par Bergame Mar 13 Nov 2012 - 19:03

...

Ah j'vous l'avais pas dit ? Embarassed

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Message par maraud Mer 14 Nov 2012 - 0:32

L'habitus est une fatallité et un piège.

Difficile de dire jusqu'à quel point l'habitus nous détermine.Il est évident qu'il nous conditionne par les automatismes socio-culturels qu'il imprime en nous par le renforcement.
Je considère qu'être intelligent, c'est comprendre la nature et que , être Cultivé, c'est comprendre sa culture.Être Cultivé est alors le plus haut critère d'indétermination.Nous sommes naturellement déterminés par nos gènes et culturellement déterminés par nos acquis.Mais je n'ai aucune idée de la dose de déterminisme en deçà de laquelle il faut aller, ou ne pas aller ?




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Message par cedric Mer 14 Nov 2012 - 12:17

Bergame a écrit:Ah pardon, mais sur moi, il s'est complètement trompé : Je suis vraiment Directeur des Investissements Afrique à l'OCDE.

elephant La classe ! elephant Sinon je pense que Courtial est un " rat de bibliothèque ", tendance un peu masochiste et une pression interne qui peut resurgir. Mais clairvoyant et objectif, qui a besoin du labeur de l'étude. Et si on faisait le petit jeu : qui pense quoi de qui. C'est narcissique et c'est cool.

Moi je suis président d'un Etat mais je vous dis pas de quel pays.

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Message par Chut Mer 14 Nov 2012 - 13:10

Mon ami que j'ai en ce moment écrit, à propos de la conversation : "On appelle couramment et peut-être imprudemment "raison" cette logique conservatrice qui régit la pensée en commun : conversation ressemble beaucoup à conservation. Elle est là chez elle. Et elle y exerce une autorité légitime. Théoriquement, en effet, la conversation ne devrait porter que sur les choses de la vie sociale. Et l'objet essentiel de la société est d'insérer une certaine fixité dans la mobilité universelle. Autant de sociétés, autant d'îlots consolidés dans l'océan du devenir." (Bergson dans "la pensée et le mouvant")

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Message par Ataraxie Jeu 15 Nov 2012 - 20:23

Chut a écrit:Mon ami que j'ai en ce moment écrit, à propos de la conversation : "On appelle couramment et peut-être imprudemment "raison" cette logique conservatrice qui régit la pensée en commun : conversation ressemble beaucoup à conservation. Elle est là chez elle. Et elle y exerce une autorité légitime. Théoriquement, en effet, la conversation ne devrait porter que sur les choses de la vie sociale. Et l'objet essentiel de la société est d'insérer une certaine fixité dans la mobilité universelle. Autant de sociétés, autant d'îlots consolidés dans l'océan du devenir." (Bergson dans "la pensée et le mouvant")
Ce passage du livre, où Bergson développe le concept de l'homo loquax (l'homme bavard), est une critique particulièrement lumineuse ! Dans sa vision évolutionniste des choses, il pense que la fonction sociale du langage (manifestée sous la forme de la conversation) a fini par primer sur sa fonction cognitive. Ce faisant, le langage constitue une entrave à la connaissance dans la mesure où les mots, les conversations, l'activité de parole en général est la niche de tous les préjugés sociaux propres à une communauté linguistique. En fait, le langage entérine des catégories sociales qui sont des constructions de l'entendement commun. Les mots seraient donc des concepts sociaux. L'homo loquax est le résultat de cette situation puisqu'il incarne l'idée que connaître une chose c'est savoir bien en parler. "On flatte ainsi chez eux, et surtout on fortifie dans l’esprit du public, l’idée qu’il existe une faculté générale de connaître les choses sans les avoirs étudiées, une « intelligence » qui n’est ni simplement l’habitude de manier dans la conversation les concepts utiles à la vie sociale, ni la fonction mathématique de l’esprit, mais une certaine puissance d’obtenir des concepts sociaux la connaissance du réel en les combinant plus ou moins adroitement entre eux." Bergson est un penseur qui valorise la connaissance immédiate, il était donc prévisible qu'il porte un avis négatif sur le langage, médium par excellence entre le sujet et son objet. A ma connaissance, tous les penseurs qui accordent une place centrale à la connaissance immédiate ou à l'intuition (comme mode de connaissance solitaire) dans leur système ont une piètre opinion du langage, veulent le réformer à tout prix, s'en méfient comme de la peste, n'en parlent même pas ou le considèrent comme le sous-produit de la pensée, son indice ou sa version ratée.

Bergson me rappelle Francis Bacon est ces idola fori, les "idoles de la place publique", c'est à dire toutes les fausses idées qui parasitent notre connaissance du réel et qui sont dues à l'activité linguistique. La "langue vulgaire" est entachée de préjugés populaires, d'idées préconçues, de stéréotypes, d'opinions oiseuses et colportées. Elle ignore la réalité de la nature parce son objectif premier est de maintenir les relations, pas d'être conforme à la réalité. Elle est grossière et pleine de confusions du fait qu'elle consolide les jugements populaires, donc les raisons de vivre ensemble :
« (…) les mots sont en effet des espèces de médailles qui expriment l’image et la domination du vulgaire: de fait ils associent et dissocient tout en fonction des notions et des acceptions populaires des choses, qui sont pour la plupart d’entre elles erronées et extrêmement confuses » (Novum organum). Il faut bien noter une forme de mépris assez explicite du petit peuple. D'où l'idée de développer des langues universelles de la raison pour se purger de ces idiomes de campagnards, incultes, rudimentaires, plein d'accents grasseyants et sans horizon intellectuel.

Sur ce point, je crois que les deux auteurs sous-estiment le rôle éminent de l'activité de parole dans la délibération sociale, à quel point, en tant qu'activité sociale, elle sert à fixer les opinions et à entériner des convictions partagées. De manière générale, je dirais que la parole (sous la forme de la conversation) est un agent civilisateur de premier ordre, en particulier dans un régime démocratique puisqu'elle prend la place de la violence physique, en médiatisant l'expression corporelle des passions violentes. Ce que Norbert Elias avait appelé la "pacification des mœurs" semble, en effet, indissociable d’une valorisation grandissante de la parole comme comportement civique par excellence. Mais la parole elle-même s'est policée dès lors qu’on a catégorisé l’insulte comme un comportement dégradant. Dans les guides de savoir-vivre on voit que l’art d’une conversation civilisée et polie prend une part importante. Dans Galatée, ou l’art de plaire dans la conversation (1558), Giovanni della Casa explique qu’ "il convient de faire de la volonté d’autrui son propre plaisir, quand il ne s’ensuit ni dommage ni honte, et en cela se gouverner dans ses paroles et dans ses actes plutôt selon l’avis d’autrui que selon le sien propre." De fait, il est beaucoup plus recevable d'envisager une "éthique de la discussion" (Habermas) qu'une éthique de la violence.


Dernière édition par Ataraxie le Ven 16 Nov 2012 - 0:26, édité 1 fois
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Message par Chut Jeu 15 Nov 2012 - 23:30

Salut Ataraxie, content de te lire par ici.

Je trouve que Bergson même s'il énonce des choses justes se lance dans un terrain très difficile à propos de cette critique de l'intelligence, allant jusqu'à dire qu'en philosophie "les questions posées ne relèvent plus de la seule intelligence". Poussé probablement par son idée de l'intuition il semble vouloir privilégier une possible "vision directe" qui serait alliée à "la connaissance scientifique et la compétence technique". J'entends presque, mais sans doute vais-je là trop loin et me trompe-je, une sorte d'attaque de Socrate, quand il écrit "comme si ce n'était pas l'ignorance même des choses qui donne tant de facilité à en parler". Ce n'est pas si simple, la facilité de parler des choses qu'on ignore se tarit vite.
Ce qui me semble par contre juste c'est la mise en garde, contre le risque encouru par, et que fait encourir aux autres, celui qui est "habile à parler vraisemblablement de toutes choses". Et "Habile à parler, prompt à critiquer."
Bien sûr qu'il faut tâcher d'aller au fond des choses, mais qui peut se targuer d'y aller, en quelque domaine que ce soit ? et là à mon avis le langage a un rôle à tenir, dans sa forme, afin de garder toujours une certaine distance, une certaine protection par rapport au sentiment et à l'apparence d'exprimer des vérités.
D'ailleurs Bergson n'est pas exempt de sa propre critique, il me semble par exemple avoir noté des considérations un peu discutables sur la relativité. Je regarderai ça dès que j'aurai cinq minutes (n'y a-t-il pas un Engels dans la salle qui accepterait de me financer pour que je puisse laisser tomber mon boulot et réfléchir à temps plein ? :) )

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Message par Ataraxie Ven 16 Nov 2012 - 1:01

Sa critique est pertinente pour épingler ceux qui se payent de mots, qui savent donner le change et ceux réfléchissent sur les mots en faisant croire qu'ils réfléchissent sur les choses. Sa conception de l'intuition est casse-gueule : « Nous appelons intuition la sympathie par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un objet, pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquent d’inexprimable ». Evidemment avec une définition pareille, le langage n'a aucune place. Le langage ne peut pas, par nature, exprimer l'unique puisque son seul moyen de prendre en charge la diversité des expériences (et c'est peut-être son intérêt) c'est de la catégoriser au moyen du lexique. Et par définition, il ne peut pas non plus exprimer l'inexprimable. S'il y a interpénétration de sujet dans l'objet, de facto, il n'y a aucune place à la médiation par un discours, une explication, des désignations ou même des concepts. Il attribue l'intuition à la philosophie, l'intelligence à la science (ou la matière) et le langage à la "pensée en commun".

Pour renforcer la citation de Pascal, il dit : "La nature se soucie peu de faciliter notre conversation."

Chut a écrit:Salut Ataraxie, content de te lire par ici.
(C'est réciproque. Vous vous êtes assagi non ? :))
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Message par Chut Ven 16 Nov 2012 - 13:08

Ataraxie a écrit:
Vous vous êtes assagi non ? :))
C’est vrai : nous sommes à présent tout à fait maître de nous-même et parfaitement sensé, et ne tenons que des propos empreints de la plus profonde sagesse qui soit.

Le langage ne se contente pas de lire et comprendre le réel, également il le crée et l’agit : le gendarme dit le mot « stop » et l’automobiliste s’arrête, il lui dit : « vous êtes un bon conducteur » et le voilà aussitôt un meilleur conducteur. Comme pour la science, on n’a pas fini de découvrir sa richesse et sa puissance, l’impossible n’est pas pour lui. On dit des fois des politiques : « assez de discours, des actes », mais c’est oublier que si les choses sont absentes du discours, les actes ne peuvent un jour émerger, c’est pour ça qu’on voit au fronton des mairies les mémos sur la liberté, l’égalité, la fraternité, ce qui est terrible, c’est quand certaines choses disparaissent même du discours, cèdent la place à d’autres.

Tu écris : Bergson écrit :« Nous appelons intuition la sympathie par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un objet, pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquent d’inexprimable ». Evidemment avec une définition pareille, le langage n'a aucune place. Le langage ne peut pas, par nature, exprimer l'unique puisque son seul moyen de prendre en charge la diversité des expériences (et c'est peut-être son intérêt) c'est de la catégoriser au moyen du lexique.

Je réponds d’une part que le langage a totalement sa place dans la citation de Bergson que tu donnes en tant que tentative d’exprimer l’ »inexprimable » , d’autre part qu’on ne peut totalement connaître le réel, l’unique, la science quantique le montre , on ne peut au mieux que l’approcher de façon asymptotique, et les mots permettent cela comme la science (sculpter un petit truc en le peaufinant peut prendre des centaines de pages), d’ailleurs mots de la littérature et mots de la science, même combat, comment envisager une science sans un lexique approprié ?

Le langage n’est pas chose morte, il est reflet de la vie, et logiquement obscur comme notre connaissance de la vie.
Sans doute en tant que bavard ignorant invétéré, je veux défendre les mots, je ne suis pas convaincu par exemple que comme dit Bergson (décidément) le rythme et la ponctuation soient primordiaux et qu’on soit mis en « communication directe avec la pensée de l’écrivain avant que l’étude des mots soient venue y mettre la couleur et la nuance ». Comment bien lire à voix haute sans avoir auparavant compris le texte ? ça me parait impossible, et «l’art de la diction » sans l’art de la compréhension a même toutes les chances de devenir inapproprié et même grotesque, il n’est que d’écouter l’expression des discoureurs dans les médias.

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Message par Courtial Ven 16 Nov 2012 - 17:09

Bienvenue, content de te retrouver, Ataraxie :D

Touchant Bergson, ce que tu évoques est tellement lié à l'ensemble que l'on ne peut pas "jouer" (au sens de bouger, comme qu'on on dit qu'une pièce de machine a "du jeu") beaucoup, il me semble.
Son intuitionnisme ne fonctionne qu'avec du réalisme : j'intuitionne parce que je me transplante, je transplane, dirait Harry Potter, complètement dans l'objet ? Mais ceci suppose une ontologie, d'où il ressort que cet objet est un absolu, sinon ça foire très vite.
On objectera : mais non, vous vous transportez, mais vous, dans l'objet, vous n'intuitionnez que votre propre intuition, etc.

Si on fait abstraction de cela, je trouve très juste - je n'aurais pas osé le formuler si hardiment, peut-être - ta remarque sur le statut accordé au langage selon que l'on se fait une conception plus ou moins intuitionniste (pour faire court). Les nominalistes (on pourrait citer Hobbes, aussi) n'ont que faire d'une intuition. Et ne parlent que des mots.
Même chose naturellement avec Habermas : puisque la vérité n'existe pas, que la pensée n'existe pas (1) (et que l'idée d'une intuition quelconque ne peut plus qu'être le début d'une bonne blague, il n'y a plus que des mots.
Ils font tout, ils sont tout puissants ; on suppose tout au plus quelques ectoplasmes (le cadavre de "L'homme") pour les faire circuler et roule ma poule.

(1) ça ne change pas un iota au positivisme, cela. Au contraire.

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Message par Ataraxie Ven 16 Nov 2012 - 21:32

Dans Essai sur les données immédiates de la conscience, il illustre à quel point le langage ne peut pas convenir avec sa conception intuitionniste et demeure un simulacre des "données immédiates": "Chacun de nous a sa manière d'aimer et de haïr et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes; aussi n'a-t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l'âme. Nous jugeons du talent d'un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. Mais de même qu'on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d'un mobile sans jamais combler l'espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage." Il se plaint du langage qui écrase et défigure les "les impressions délicates et les nuances fugitives de notre conscience individuelle" parce qu'il les conventionnalise, la mise en mots rend impersonnelles toutes les sensations uniques, les mots sont des catégories d'une pensée commune, ils moyennisent toutes les expériences particulières (j'emploie "expérience" dans un sens très large).

Alors que Bergson se désespère de cette situation, Locke s'en émerveille parce qu'il se rend compte de l'économie mémorielle que cette catégorisation représente et de ses bénéfices pour le succès d'une bonne intercompréhension entre sujets singuliers : "Ce n’est pas assez pour la perfection du Langage que les sons puissent devenir des Idées, à moins qu’on ne puisse se servir de ces signes en sorte qu’ils comprennent plusieurs choses particulières ; car la multiplication des Mots en aurait confondu l’usage, s’il eût fallu un nom distinct pour désigner chaque chose particulière. Afin de remédier à cet inconvénient, le Langage a été encore perfectionné par l’usage des termes généraux, par où un seul mot est devenu le signe d’une multitude d’existences particulières (...) "

Courtial a écrit:Son intuitionnisme ne fonctionne qu'avec du réalisme
L'intuitionnisme réaliste de Bergson le contraint à se résigner sur la question l'inexprimable. Son absolu n'est pas un universel ou un immuable, bien au contraire, c'est un particulier ultime, un mouvant fugitif. L'opposition est sous-tendue par ce qu'il appelle le "moi superficiel" (la part de nous-mêmes la plus commune-forcément liée au langage), et le "moi profond" (notre singularité irréductible-inexprimable par le langage). Sur ce point, il est intéressant de noter que les tenants d'un intuitionnisme moins soucieux de réalisme mais plus logicien, plus mathématicien ou plus rationaliste répondent tout autrement à la question du langage. Chez Descartes, Pascal et Leibniz, on voit apparaître les prémisses pour des "mots primitifs", indéfinissables par le langage car leur sens et leur vérité seraient immédiatement donnés à la conscience. Par ce moyen, ils entendent résoudre ce qui leur pose peut-être le plus problème dans la médiation par le langage, à savoir le risque d'une régression à l'infini. On le voit clairement chez Leibniz : "Si rien ne peut être compris en soi, rien du tout ne sera jamais compris, car ce qui ne peut être compris qu'à travers autre chose ne sera compris que dans la mesure où cette autre chose pourra être comprise, et ainsi de suite (...)."Dans ce cas, des idées primitives dont nous avons une compréhension immédiate apparaissent comme la seule solution pour stopper la régression sans fin et la circularité. Pascal le dit : "Aussi, en poussant les recherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir, et à des principes si clairs qu’on n’en trouve plus qui le soient davantage pour servir à leur preuve. (…) On voit assez de là qu’il y a des mots incapables d’être définis ; la nature nous en a elle-même donné, sans paroles, une intelligence plus nette que celle que l’art nous acquiert par nos explications." Descartes : "En outre il y a bien des choses que nous rendons plus obscures en voulant les définir, parce que, comme elles sont très simples et très claires, nous ne pouvons mieux les connaître ni les percevoir, que par elles-mêmes." Cette idée de "primitifs" n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd puisque certains linguistes les recherchent actuellement. Ils les appellent "les primitifs sémantiques" et rêvent d'établir une sorte de tableau périodique des éléments sémantiques primitifs et minimaux, un "alphabet universel de la pensée" (Leibniz), des atomes cognitifs déduits à partir des langues. Plusieurs listes ont même été proposées (voir "natural semantic metalanguage"). Le problème est que ces primitifs sont indémontrables (puisqu'ils sont censés être des évidences avant lesquels il n'y a rien) et d'autre part, il ne s'agit plus d'une théorie du langage mais de l'esprit ou de la raison. Dans ce cadre, l'inexprimable équivaut à un indéfinissable ou un inanalysable qui ne pose pas problème puisque, de toute façon, il est quand même su, connu et compris de tous, ce qui est bien différent de la stratégie critique de Bergson.

Courtial a écrit:Bienvenue, content de te retrouver, Ataraxie Very Happy
Moi aussi je suis content :)
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Message par Chut Sam 17 Nov 2012 - 1:09

Génial, alors, si tout le monde est content. :)

Très intéressant, merci Ataraxie. Juste deux remarques sur la fin : les primitifs, tout le monde saurait à quoi ça correspond, ok, mais de là à savoir ce que ça veut dire en soi c'est une autre histoire, et on retombe facilement sur de l'inexprimable et des sujet difficiles : I, you, live, die, true, there is etc etc.
Et l'inexprimable qui est "quand même su, connu et compris de tous" je ne comprends pas bien, l'inexprimable, c'est aussi ce qui est intransmissible, non ?

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Message par Chut Sam 17 Nov 2012 - 10:55

Courtial a écrit:
Son intuitionnisme ne fonctionne qu'avec du réalisme : j'intuitionne parce que je me transplante, je transplane, dirait Harry Potter, complètement dans l'objet ? Mais ceci suppose une ontologie, d'où il ressort que cet objet est un absolu, sinon ça foire très vite.
On objectera : mais non, vous vous transportez, mais vous, dans l'objet, vous n'intuitionnez que votre propre intuition, etc.
Je trouve qu'il y a même chez Bergson un petit côté amour et sexe dans cette histoire d'intuition. Un côté : mettons de côté le langage, des faits ! Si on considère que le rapport à l'objet n'est à la base que connexion, il s'ensuit une illusion de la connaissance totale possible de l'objet basée uniquement sur des informations mises en concept et en mots, celle-ci ne pouvant advenir peut-être que dans une intuition fusion et où donc il n'y aurait plus de distinction entre être et objet, qui ne formeraient plus qu'un nouvel être pouvant donner naissance à un nouvel objet ou être, actualisé par exemple par l'enfant qui parait de ses parents avec un décalage temporel, où plus généralement, en considérant peut-être une intuition partielle, par l'apparition d'une oeuvre d'art ou d'une création quelconque. Ce qui placerait l'intuition au coeur du processus de fécondation de l'évolution créatrice. L'intuition ne serait pas que connaissance, elle serait création (certains diraient évidemment co-naissance).
Et le sexe dans tout ça ? ben, ça me rappelle le Robinson des "Limbes du pacifique" et aussi cette petite "pensée" du matin vient de la lecture de : "(...) ne devrions-nous pas plutôt (sans renoncer, cela va sans dire, à l'exercice des facultés de conception et de raisonnement) revenir à la perception, obtenir qu'elle se dilate et s'étende ?" (...) Mais supposez qu'au lieu de vouloir nous élever au-dessus de notre perception des choses, nous nous enfoncions en elle pour la creuser et l'élargir. Supposez que nous y insérions notre volonté, et que cette volonté se dilatant, dilate notre vision des choses." (...) Nous aurions une philosophie (...) (qui) aurait tout pris. Elle aurait pris tout ce qui est donné, et même plus que ce qui est donné, car les sens et la conscience, conviés par elle à un effort exceptionnel, lui auraient livré plus qu'ils ne fournissent naturellement." lol!


(désolé, pas sur la tête svp)

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Message par Chut Dim 18 Nov 2012 - 13:42

C'est donc finalement une conception assez violente et destructrice, on pourrait dire limite machiste (dans tout philosophe il y a un Attila qui sommeille), de la connaissance par intuition qu'on peut lire chez Bergson. Une volonté holiste et proprement possessive d’une connaissance absolue de l'objet, une radicale "investigation métaphysique de l'objet dans ce qu'il a d'essentiel et de propre" qui n'envisage pas ou ne se satisfait pas d'une connaissance partielle et respectueuse de l'essence.
On en est au même point dans la science quantique : pour connaître complétement l'objet on le détruit tel qu'il est et on ne connait finalement au mieux que soi-même, que l'empreinte qu'on laisse sur l'objet qui n'est plus dans son essence même et est donc perdu.

Ce n’est donc pas pour rien qu’il utilise le mot « sympathie », le Littré nous donne « Sorte de penchant supposé par les Anciens entre différents corps ; aptitude à s’unir, à se pénétrer. ».
On est là en plein dedans, si j’ose dire : « Nous appelons ici intuition la sympathie par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un objet pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquent d’inexprimable. » S’il y a bien unicité, soyons cohérent : l’objet n’existe plus, par cette opération de parasitisme « phagocyteur ».

Il n’y a probablement en plus qu’une illusion spéculative dans cette conception de l’intuition de l’objet, la seule chose à peu près vraisemblable (mais là du coup se produit un glissement sémantique sur l’intuition) c’est qu’ « Il y a une réalité au moins que nous saisissons tous du dedans, par intuition et non par simple analyse. C’est notre propre personne dans son écoulement à travers le temps. C’est notre moi qui dure. Nous pouvons ne sympathiser intellectuellement, ou plutôt spirituellement, avec aucune autre chose. Mais nous sympathisons sûrement avec nous-mêmes. »

Là, j’ai envie d’ajouter : et satisfaisons nous déjà de ce travail d’intuition, il y a de quoi s’occuper.

On ne peut prétendre connaître que si on respecte, qu’on ne détruit pas. Accepter l’objet et prétendre le connaître, c’est donc d’abord un renoncement.

Existerait-il cependant une forme d’intuition partielle satisfaisante ? quelle image à la Bergson , qui en est grand amateur, pourrait-on en donner pour approcher cette notion ?

Il faut quand même à mon avis conserver le fait que pour connaître, s’il ne faut pas détruire, il convient cependant de bousculer un peu (dans certaine limites, car le roseau peut finir par casser).
Que produit cette bousculade ? : ce qui se passe quand on trinque : le verre fait entendre sa fréquence propre (plus les harmoniques à linfini, formant un spectre rendant compte de l’identité de l’objet), si on l’écoute cette fréquence propre peut entrer en résonnance avec certaines fréquences qui nous sont propres, et si on est à l’écoute de ces vibrations, on connait un peu l’objet, soit on est directement « sur la même longueur d’onde », ça signifie que la résonnance est forte avec l’objet, soit la résonnance est ténue, se produit avec une harmonique d’un rang élevé, se produit une réorganisation de notre répartition spectrale qu’on appelle comprendre et connaître. C’est pour ça aussi que notre identité se conserve malgré les modifications apportées par la connaissance, il y a arrangement, réorganisation, mais le spectre propre reste grosso modo respecté en tant qu’ensemble continu de fréquences, superposées localement dans l’espace, notre signature est une équation Schrödingerienne.

Au total, en terme de vocabulaire, on est aussi plus proche de l’empathie que de la sympathie.




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