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Breivik

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Message par cedric Jeu 26 Avr 2012 - 11:57

En lisant le journal, je suis interpellé par cette réplique de Breivik - pas besoin de le présenter je pense -à des psychiatres l'ayant diagnostiqué de schizophrène paranoïaque. Du reste, il est intéressant de voir, mais on le sait la psychologie n'est pas une science exacte, comment son diagnostic a pu évoluer depuis son arrestation et depuis qu'il doit être soumis à une batterie de psychologues. Au début il avait été déclaré sain d'esprit, après schizo.....Bref, à ceux qui l'avaient diagnostiqué de schizo parano en Novembre dernier, il remet en cause leur jugement et leur dit qu'ils manquaient de recul car il étaient "émotionnellement sous le coup" des attaques. Ca me fait doucement marrer, car ça soulève de très lourds problèmes métaphysiques. C'est comme si le gars leur disait : reprenez-vous les gars, ne vous laissez pas emporter par vos émotions, croyez-moi, j'ai agi en pleine conscience et en plein possession de mes moyens, bref, en toute connaissance de cause. Et là les types doivent halluciner !

Je veux dire, a priori, un tel acte ne peut être que le fait d'un fou, a priori, du point de vue des psychologues, car ils présupposent le postulat humaniste selon lequel tout homme sain d'esprit ne peut faire le mal. Donc celui qui fait le mal est nécessairement fou. Mais voilà qu'un type qui a fait le mal vous dit tranquille, non non, j'ai agi en toute conscience, d'ailleurs j'aurais aimé faire plus de mal, mais je n'ai pas réussi !
Dans une "moindre" mesure, forcément ! Breivik c'est un peu Hitler revival pour les occidentaux, où on peut encore se poser la question - qui n'avait pas dû être réglé apparemment, qui peut-être ne le sera jamais - de connaître la nature du mal. Arendt avait orienté la réponse dans la banalité et l'inconscience, la psychologie dans la frustration. Bon, bon.

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Message par Bergame Jeu 26 Avr 2012 - 22:05

Je veux dire, a priori, un tel acte ne peut être que le fait d'un fou, a priori, du point de vue des psychologues, car ils présupposent le postulat humaniste selon lequel tout homme sain d'esprit ne peut faire le mal. Donc celui qui fait le mal est nécessairement fou. Mais voilà qu'un type qui a fait le mal vous dit tranquille, non non, j'ai agi en toute conscience, d'ailleurs j'aurais aimé faire plus de mal, mais je n'ai pas réussi !
Bon, tu emmènes le sujet plus loin, j'ai bien noté, mais juste là-dessus, déjà : Oui, la psychologie clinique est normative. Nécessairement, puisqu'elle envisage l'homme et la psyché selon un critère normal / pathologique.
A la limite, le problème -j'y pense, tiens, c'est intéressant- il est plutôt dans l'articulation entre juridique et psychalanyse, dans l'utilisation d'"experts psychiatriques" dans les prétoires. Parce que le Breivik qui dit : "J'ai agi en toute conscience", du strict point de vue d'un psychanalyste, ça n'a pas de sens : Pour la psychanalyse, il n'y a pas de frontière stricte conscient / inconscient. Cette dichotomie, elle appartient bien plutôt à la sphère juridique, qui cherche à imputer à un individu la responsabilité de ses actes afin de déterminer dans quelle mesure lui infliger une peine est juste ou non.
En revanche, il existe donc une frontière normal / pathologique.

Oui, c'est intéressant, comme thème. En fait, une fois qu'un accusé a été déclaré "normal" par les experts, que fait le Juge ? Il cherche à déterminer quelles étaient les raisons du meurtre, le mobile. Le problème que pose Breivik est plutôt celui-ci : Avait-il des motifs rationnels pour tuer ? Je veux dire qu'en fait, ce qui est en jeu est sans doute moins la "conscience" que la "raison".

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Message par cedric Ven 27 Avr 2012 - 11:03

Oui d'accord la psychologique clinique est normative, en tout cas on voit bien que cette normativité pose problème, puisque 1) il a été jugé normal, et ensuite 2) il a été jugé pathologique, et pourquoi pas indéfiniment des jugements différents....a priori c'est encore et toujours une histoire d'interprétation, qui devient plus difficile à mesure que le sujet d'étude est complexe, en l'occurence Breivik a l'air assez complexe, donc il rentre plus difficilement dans les grilles d'analyse. Je veux dire, poussée à fond, cette distinction entre le normal et le pathologique est aporétique, car elle renvoie toujours à une autre normativité qui en dernier recours est quand même une prise de position face au monde. J'exagère, mais le problème c'est qu'une fois classé dans le côté "pathologique", alors la voix du pathologique cesse d'exister, on ne l'entend plus que comme une voix malade qui ne sait pas ce qu'elle dite, à la limite on ne peut plus l'entendre, elle est décrédibilisée. Je veux dire : ne pourrait-on pas simplement entendre ce que dit Breivik et tel qu'il l'entend, sans présupposer tout un tas de choses sur le normal et le pathologique ? Le problème c'est que ce genre de cas renvoie directement à la mort et la destruction, et il est très difficile de répondre à la mort et la destruction. On parle de l'interner à vie dans un asile ? Dans quel but, pour l'humaniser ? Pour le mettre au ban de la société ? Pour lui permettre de prendre conscience de son acte ? Au final, en trame de fond, on est dans la logique du pardon, on est dans le christianisme, pourquoi pas, mais ça ne va pas de soi. Est-il plus cruel de le laisser en vie interné à vie, ou de le supprimer pour une raison purement pragmatique ? Nos sociétés ne peuvent plus envisager la mort, aussi bien dans la violence que dans le processus naturel. Je pense que la mort est le grand point noir des sociétés modernes et leur plus grande peur. D'ailleurs c'est pas la thèse de Foucault de dire que le sexe est devenu tendance et la mort tabou ? Bon, ceci dit il est clairement plus humain de ne plus donner la mort, mais c'est vraiment problématique, car parfois, on a l'impression que la mort et la destruction surgissent de manière très assumée et très lucide.

Je ne sais pas si comme tu le dis le problème repose sur les raisons du meurtre, s'il avait des motifs rationnels. Conscience, raison, c'est quand même indissociable. Bien sur qu'il avait sans doute plein de raison de tuer, comme on peut tous en avoir, des mobiles ça court les rues. Mais de là à mettre un plan d'action en oeuvre, il y a le filtre de la conscience de ses actes et d'autrui. Pour moi le problème est celui de la conscience, et c'est très problématique. Car s'il a conscience, alors c'est "juste" un monstre, qui s'est peut-être choisi tel quel, mais un monstre quand même. Et un monstre, il faut le stopper, c'est tout. Des "motif rationnels" tu dis, mais qu'est-ce que ça signifie ? Ca renvoie nécessairement à la conscience de soi, d'autrui et de la portée de ses actes.


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Message par cedric Ven 27 Avr 2012 - 11:19

Je veux dire, au final, en le classant dans le pathologique, on ne lui permet pas d'assumer ses actes. On ne lui permet pas d'être responsable à proprement parler.
Alors, c'est peut-être de la sagesse de ne pas lui permettre ça, car pour le coup ce serait l'éjecter de l'humanité, mais c'est un jugement, un jugement qui considère ce genre d'actes comme les actes d'un enfant qui a été beaucoup trop loin et pour qui il faut prier pour le salut de son âme.

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Message par euthyphron Sam 28 Avr 2012 - 9:42

S'il y a besoin d'experts, c'est bien pour évaluer la responsabilité de l'accusé, et non pas le caractère délirant ou non de ses actes. Je veux dire par là qu'aucun acte, parût-il monstrueux, n'est suffisant à lui seul pour qualifier son auteur d'irresponsable.
Or, ceci semble poser problème dans le cas de Breivik. Pour certains d'entre nous, spectateurs lointains, un tel homme ne peut qu'être fou, du fait de ses actes. Or, un accusé ne peut être déclaré irresponsable, selon le point de vue des experts, que du fait de sa personnalité. Mais qu'est-ce que la personnalité pour un psychologue?
Et puis, du point de vue de la société qui juge, il y a aussi la question du caractère "irrécupérable" de l'accusé. Il entre en contradiction avec l'abolition de la peine de mort. Ce qu'on peut aussi dire comme ça : le caractère progressiste de l'abolition de la peine de mort tient à ce que tout être humain est jugé susceptible de s'amender. Or, Breivik refuse clairement cette perspective. C'est dérangeant.

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Message par Bergame Sam 28 Avr 2012 - 12:52

cedric a écrit:Je veux dire, poussée à fond, cette distinction entre le normal et le pathologique est aporétique, car elle renvoie toujours à une autre normativité qui en dernier recours est quand même une prise de position face au monde.
C'est bien clair. Sur Philoforum, lorsqu'il était question de psycho clinique, j'insistais toujours sur le fait qu'en dernière instance, le critère, c'est la souffrance du sujet. Au fond du fond, c'est le dernier critère "objectif" qui caractérise le pathologique -par "objectif" j'entends : qui soit relativement indépendant de l'interprétation du traitant.
(c'en est où, Philoforum, d'ailleurs ?)
C'est d'ailleurs un critère médical : Les organismes ne sont pas parfaits. On est tous "malformés" à la naissance pour ansi dire. Mais tant que ça nous empêche pas de vivre, que ça ne produit aucun dysfonctionnement majeur, il n'est pas nécessaire d'opérer. On est "normal", c'est-à-dire dans la norme.


Je ne sais pas si comme tu le dis le problème repose sur les raisons du meurtre, s'il avait des motifs rationnels. Conscience, raison, c'est quand même indissociable.
Indissociable peut-être, mais je crois que ce n'est pas équivalent. Qu'est-ce que la raison, c'est quand même un sacré sujet. D'ailleurs, il faudra qu'on l'aborde, un jour, peut-être, ça me semble assez passionnant.


Bien sur qu'il avait sans doute plein de raison de tuer, comme on peut tous en avoir, des mobiles ça court les rues. Mais de là à mettre un plan d'action en oeuvre, il y a le filtre de la conscience de ses actes et d'autrui.
Ok, je ne conteste pas, je suggère simplement que là, par exemple, par "conscience", tu sembles signifier une instance morale. Peut-être quelque chose qui ressemble au Surmoi. Ce qui, du coup, devient paradoxal.

La morale est-elle consciente ou inconsciente ? Ce qu'on entend par "normal", en psychanalyse, c'est, disons, et entre autres choses, une instance morale inconsciente qui joue bien son rôle de filtre sur les pulsions. C'est ce que je veux dire lorsque je dis qu'à mon avis, ce n'est pas vraiment la "conscience" qui est en jeu ici. Ca n'est peut-être qu'une question terminologique, mais je n'en suis pas sûr.


euthyphron a écrit:S'il y a besoin d'experts, c'est bien pour évaluer la responsabilité de l'accusé, et non pas le caractère délirant ou non de ses actes. Je veux dire par là qu'aucun acte, parût-il monstrueux, n'est suffisant à lui seul pour qualifier son auteur d'irresponsable.
Oui, je pense aussi. Je pense qu'il faut bien distinguer entre, disons l'autonomie cognitive d'un individu au moment où il agit, et le "contenu" de cet acte, sa signification. Et là, il faut encore distinguer entre le contenu significatif qu'il donne lui-même à son acte, et la signification qu'on peut lui attribuer en tant qu'observateur et juge.

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Message par cedric Sam 28 Avr 2012 - 14:04

Le sujet de la raison, ou de la Raison, je ne sais pas, disons que j'ai de plus en plus l'impression que les thèmes les plus "lourds" ne peuvent s'approcher qu' indirectement - en tout cas philosophiquement parlant, c'est à dire sans faire le saut dans le vide de la croyance. La psychologie me paraît une bonne approche, car elle est plus "immanente" et moins connotée philosophiquement. Alors qu'au final on traite de la même chose : de la pensée, au sens large.

Bergame a écrit :
Ok, je ne conteste pas, je suggère simplement que là, par exemple, par "conscience", tu sembles signifier une instance morale. Peut-être quelque chose qui ressemble au Surmoi. Ce qui, du coup, devient paradoxal.

La morale est-elle consciente ou inconsciente ? Ce qu'on entend par "normal", en psychanalyse, c'est, disons, et entre autres choses, une instance morale inconsciente qui joue bien son rôle de filtre sur les pulsions. C'est ce que je veux dire lorsque je dis qu'à mon avis, ce n'est pas vraiment la "conscience" qui est en jeu ici. Ca n'est peut-être qu'une question terminologique, mais je n'en suis pas sûr.

Oui c'est vrai que je dois bien admettre que, "naturellement", j'envisageais la conscience comme recelant par elle-même une perception naturelle du bien et du mal, ce qui évidemment est loin d'aller de soi.

En tout cas, deux positions possibles, il me semble, sur le sujet. 1 ) Soit la conscience est en soi une instance morale, et dans ce cas là ne pas écouter sa voix est une sorte de transgression métaphysique, religieuse, 2 ) Soit la morale est purement immanente et s'apparente à de "simple" règles pragmatiques permettant une survie optimale des hommes entre eux, et dans ce cas elle s'apparente à tout un ensemble de codes qui sont transmis et suivis "inconsciemment". En ce sens, s'en dégager n'est répréhensible qu'en tant que l'individu devient un danger concret pour la vie des individus du groupe.

Donc ok, tu partais sur l'analyse de la morale envisagée dans le 2). Donc a priori tu dis que la psychanalyse est naturaliste. Ce qui s'accorde bien au fait que Freud était clairement un positiviste, qui du reste envisageait la psychanalyse, son avenir, comme une science exacte.



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