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La perception de l'oeuvre de Tocqueville - et d'autres auteurs.

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Message par Albâtard Jeu 22 Juil 2010 - 14:28

Voici quelque chose qui me tracasse depuis toujours: la perception de l'oeuvre de Tocqueville.
Je m'explique: dans Les étapes de la pensée sociologique, Aron le présente comme étant l'un des précurseurs de la sociologie.
Depuis, il est considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie, du moins en France. Donc il apparaît dans le programme des SES au lycée, il est enseigné dans les facultés de sciences sociales, etc. Oui, mais voilà, si l'on regarde attentivement, il est à la fois penseur, journaliste, homme politique...
De fait, j'ai toujours eu le pressentiment que Tocqueville était en quelque sorte instrumentalisé. Comme si, pour donner des fondements à la sociologie, il fallait faire appel à Tocqueville. Or, ce dernier n'est pas sociologue ! Déjà, ça n'existait pas à l'époque. Ne vous méprenez pas: Tocqueville est fin et précis dans ses analyses, mais ce n'est pas un sociologue à proprement parlé, puisque la discipline n'existait pas encore. Donc ça serait admettre que l'on puisse s'adonner à une analyse "sociologique" sans connaître et sans avoir besoin de la sociologie ? Je trouve ça quelque peu dérangeant.
Boudon, par exemple, dans ses écrits, l'admet carrément comme un sociologue. Je reviens sur l'instrumentalisation: n'y a-t-il pas une stratégie de s'approprier les auteurs afin de légitimer la discipline ? Façon, une analyse à base de "champs": il arrive de lire "Bourdieu, philosophe", "Max Weber, philosophe". Donc je suppose qu'on fait passer Tocqueville pour un philosophe, un penseur politique ou un sociologue en fonction de la discipline étudiée. Mais je reviens au constat que, si l'on admet Tocqueville comme un fondateur de la sociologie, pourquoi ne pas ouvrir la porte à une myriade d'auteurs ? Par exemple, étudier Rousseau d'un point de vue sociologique - étant donné que Durkheim le salue comme un fondateur de la sociologie ?
Ce que je me demande, c'est, pourquoi dans les programmes officiels et "formatés", en France, généralement, l'on "étudie" que ces auteurs: Durkheim, Weber, Marx, Tocqueville ? Alors qu'il y en a plein d'autres qui ne sont pas suffisamment reconnus "institutionnellement": Simmel, Pareto, Mosca, Tarde... ?
Quelles sont les raisons ?

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Message par Bergame Dim 25 Juil 2010 - 19:56

Oui, comment un auteur devient un classique, excellente question.
A mon avis, c'est souvent une méprise. Je suis chaque jour plus ahuri de voir ce que les américains ont fait de Weber, par exemple. C'est extraordinaire. En fait, je commence à me dire que le meilleur modèle d'histoire des idées, ce serait la rumeur.

Mais je crois qu'il faut aussi des qualités intrinsèques au texte, et pas des qualités de clarté. Au contraire, il faut que ce soit obscur. Les classiques sont peut-être des aventuriers, des intellectuels "héroïques", des gars qui défrichent des terrains vierges. Mais emportés par leur mouvement, ils ne s'ocupent pas de baliser le terrain, d'autres s'en chargeront plus tard, les rationalisateurs, les clercs -mine de rien, je paraphrase la théorie wébérienne du prophète, là. Je crois que c'est ça : Il faut qu'il y ait de la matière brute à tailler, il faut que ça soit un peu contradictoire, que chacun y retrouve ses petits, mais enlevé, innovant, énergique.
Elster a produit une très bonne analyse sur Tocqueville, j'en ai déjà parlé je crois, dans son Psychologie Politique. Il montre que chez Tocqueville, c'est comme à la Samaritaine, on trouve tout -et son contraire. Furet avait montré ça, aussi, en particulier l'écart qui existe entre De la Démocratie et L'Ancien Régime. Entre les deux, 20 ans, le succès, les honneurs, les responsabilités ... et la révolution de 1848. Ca aussi, je pense que c'est une clé : Un homme, ça change, ça écrit pas les mêmes choses à 30 ans et à 50. Alors chacun peut piocher dedans, on y trouvera toujours son compte. Marx est également un bon exemple, avec le revamping dans les années 70 par les oeuvres de jeunesse. Marx contre Marx, là, tu as un classique, pour sûr.

Et puis, je crois remarquer -mais je m'égare peut-être- que les classiques sont souvent des psychologues. Je veux dire : Pas parce que leur oeuvre porterait particulièrement sur la psychologie, mais parce que ce qui impressionne ou fascine, je crois, ce sont surtout les raisonnements psychologiques. C'est là le domaine éternellement vierge, autour duquel nous tournons sans cesse. Tocqueville est un grand psychologue, et c'est précisément cela qui fascine le rationaliste Boudon, par exemple. Mais Montesquieu aussi, Weber aussi, Simmel aussi, et Pareto, Mosca, Tarde -de toutes façons, toute cette époque est psychologiste, ils n'ont pas encore subi Frege et Husserl.

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Message par Albâtard Lun 26 Juil 2010 - 20:09

Je suis chaque jour plus ahuri
de voir ce que les américains ont fait de Weber, par exemple.

Comment ça ? EDIT: je viens de me rendre compte que tu avais fait un topic sur la réception de Weber.

Sinon: qu'entends-tu par "raisonnements psychologiques" ? Si je comprends si ce que tu dis, ça implique en partie que les "précurseurs/fondateurs" sont des sortes de "psychologues" ? Ce qui implique que la sociologie, en tant que discipline, se fonde sur ces penseurs, ce qui implique que la sociologie étalée sur plusieurs décennies ne soit, au final, qu'une sorte de psychologie ?
Je ne crois pas qu'ils soient tous psychologiste, sinon, étant donné qu'il y a, du moins en France, certains formés à l'école du positivisme: comme Comte et Durkheim; ce qui explique qu'ils veuillent faire de la sociologie une science qui s'inspire de la méthodologie des sciences naturelles.

Sinon, ma question portait surtout sur le rapport entretenu entre les institutions d'enseignement (lycées, facultés) - dont ceux qui font le programme - et les précurseurs/fondateurs de la sociologie. Pourquoi est-ce que, en France du moins, on "étudie": Marx, Tocqueville, Durkheim, et Weber ? Surtout que l'enseignement est, j'ai l'impression, bien souvent stéréotypé, formaté, ça sonne vraiment "étudier ça parce que c'est comme ça, ce sont les fondateurs". Surtout que j'ai du mal à voir la pertinence des idées que l'on étudie de ces auteurs, disons qu'on ne sélectionne pas forcément les plus intéressantes, ni les plus utiles, et on les simplifie à l'extrême. Par exemple, si l'on étudie Durkheim et Weber, c'est surtout pour voir l'opposition entre l'holisme et l'individualisme méthodologie. Mais en dehors de ça, bon. Pourquoi est-ce que l'on étudie surtout ceux là, et pas: Spencer, Comte, Pareto, Tönnies, Le Play, Simmel ?

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