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Professionnels de la profession

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Message par Courtial Mar 3 Avr 2012 - 20:24

Bergame a écrit:Je crois ne pas avoir mal lu Courtial. Tu dis : "si 95 % de la population (ce n'était pas le cas, bien sûr) désire les exterminer, la mesure devient "démocratique" parce qu'elle est voulue par la majorité." Je conteste cette "expérience de pensée", ce qui est présenté tout à la fois comme une hypothèse envisageable et comme un énoncé faux. Soyons clair : Si tu ne penses pas que 95% des allemands voulaient l'extermination des juifs, pourquoi alors feins-tu de le supposer ? Excuse-moi, il y a problème.

Et pourquoi y a-t-il problème ? Parce que, tu me reproches d'avoir trouvé mon fasciste, mais je ne t'étonnerai pas outre mesure, j'en suis sûr, si je te dis que j'ai eu le même sentiment ? Oui, pour moi, ce qui est décidé à la majorité est démocratique, oui. Et tu le sais, puisqu'effectivement, nous en avons parlé. Donc, avant de qualifier ma position de "jean-marisme" , s'il te plait, montre-moi que la majorité des allemands voulaient exterminer les juifs, ou montre-moi que la majorité des allemands ont porté Hitler au pouvoir, ou montre-moi que Marine Le Pen va remporter la prochaine élection présidentielle à la majorité des suffrages. Et peut-être que je remettrai en cause également le principe majoritaire. Mais pour l'instant, je ne lis que des suppositions, auxquelles tu précises de plus ne pas croire toi-même.

Tu vois ce que je veux dire, j'en suis sûr : Ne te contente pas, stp, d'expériences de pensée, d'hypothèses à mon avis gratuites, pour révoquer le principe majoritaire. Ou alors, il me semble qu'il faut assumer.
Parce que moi, je suis désolé, je veux bien qu'on désigne le principe majoritaire comme "tyrannie de la majorité" -enfin, "je veux bien", façon de parler, c'est une énorme c...ie qui ne tient pas le route 5 mns, à mon avis- mais si ce n'est pas le principe majoritaire qui prévaut, d'une manière ou d'une autre, c'est le principe minoritaire. Ca se justifie "démocratiquement", ça, le principe minoritaire ?

OK. Compris. Les expériences de pensée, ça ne le fait pas, et mon exemple du nazisme était dans le boiteux- pas- clair, si je peux inventer la catégorie. Tu m'admets quand même à la cession de rattrapage de septembre ?
Bon, alors, je me lance.
J'ai été pour ma part traumatisé, par l'expérience du FIS, en Algérie - et je n'ai pas cité les "révolutions arabes" par hasard, il y a pas que de l'abstraction conceptuelle, dans ce que j'avais indiqué, mais passons...-, le FIS (Front Islamiste de Salut) qui avait clairement annoncé avant les élections que s'il obtenait la majorité et accédait ainsi "démocratiquement" au pouvoir, il n'y aurait ensuite plus d'élections, naturellement, parce qu'il ferait beau voir, quand même, que la Loi d'Allah dépende d'une quelconque consultation électorale. Résultat ? Raz de marée du FIS et décision du pouvoir en place d'annuler les élections.
Faudra-t-il que je m'appuie sur les merveilles de démocratie afghane ou irakienne qui mettent le plus constamment au pouvoir les régimes les plus fascistes ? Ou le Hamas en Palestine ? Des types charmants, vraiment, qui n'ont rien trouvé de plus urgent que balancer des bombes sur des cars de ramassage scolaire, mais les Israeliens n'ont pas trop de mouron à se faire, ils ont déjà tué infiniment plus d'Arabes (comme l'ami Bachar en a tué encore beaucoup plus, mais en l'espèce on trouve des tas de "démocrates" qui trouvent tout cela très bien).
Il faudrait aussi revenir sur les Tigres Tamouls et les choses très inquiétantes qui ont eu lieu au Sri Lanka.
Pour ce qui regarde la philosophie, on ne s'étonnera pas qu'un fasciste dans mon genre cite Platon et l'idée (République , livre Cool que la démocratie a une fâcheuse tendance à conduire à la tyrannie (moi, je lis bien "tyrannie", ce qui n'est pas du tout, de mon point de vue, le totalitarisme, même si on aime aujourd'hui à les confondre, ce genre de tour de passe passe, escamotages de haut vol sont plutôt dans le genre libéral, qui n'est pas du tout mon style, en tant que fasciste).

Mais si je me suis mal exprimé, je vais tenter de le corriger en reformulant autrement ce que j'ai voulu dire. J'ai voulu dire que pour que l'opinion ou le désir du plus grand nombre soit un désir démocratique, encore faut-il que cette masse soit elle-même... euh... démocratique, sinon ça ne marche pas et l'on a que des réflexes ethniques, des pogrommes, des crimes, des abominations, des Hutus sûrs de leur bon droit, etc. Moi, les masses, j'ai rien contre, mais elles ne seront pas démocratiques seulement parce qu'elles sont des masses.

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Message par baptiste Mer 4 Avr 2012 - 10:06

Décidément c’est assez étrange de découvrir en te lisant ce que je sui supposé avoir écrit. Le fait que je décrive le fonctionnement d’un système ne veut pas dire que je l’approuve. Je passe sur les procès d’intention que tu me fais pour aller à l’essentiel : c’est quoi le peuple pour toi? Lorsque l’on parle gouvernement, le peuple c’est le gouverné par opposition au gouvernant. Le peuple s’abstiens à 50% mais dans certains quartiers à 70% . Ce peuple peut être éduqué ou pas, là n’est pas la question, mais peut-être aurais tu gagné à lire les précédents messages au lieu de prétendre savoir sans lire. Il y a des gens éduqués ignorant de la chose publique et des gens peu éduqués au fait de cette même chose publique, pour la majorité (éduqué ou pas) ce n’est qu’affaire d’opinion superficielle lorsque ce n’est pas désintérêt total. Il se trouve que du côté des gouvernants nous n’avons qu’une catégorie celle des éduqués. La professionnalisation du politique s’est faites chez nous sans jamais être évoquée, ce n’est pas le cas partout. Par exemple voici un débat chez nos voisins Suisse.

http://www.hebdo.ch/la_milice_un_mythe_sous_perfusion_76936_.html

Le vote majoritaire n’est pas suffisant pour rendre compte de l’opinion quand ce peuple dans sa totalité vote à moins de 50% , quand une fraction de ce peuple ne vote qu’à moins de 30%, non il n’est pas satisfaisant. Le vote majoritaire tel qu’il est aujourd’hui n’est pas représentatif de la société il favorise la sur représentation d’une catégorie celle des « professionnels » au détriment des citoyens plus ordinaires. Personne ne te demande si tu es d’accord ou pas pour faire parti de la catégorie des « professionnels », le fait est que tu en fais parti par ton éducation, et même si tu devenais facteur tu le resterais.
La gouvernance n’est pas un phénomène de génération spontané, il est né de l’existence de carences, il est né de la nécessité et entre autre mais pas uniquement de faire face à cette professionnalisation. La principale préoccupation des partis politique ce n’est pas de faire avancer des idées mais avoir des élus non pour agir mais pour les faire rémunérer et toucher des subventions.
La gouvernance ce n’est pas le seul fait des lobbys industriels ou financiers. Qui restera un grand acteur de l’écologie Raoul Lemaire ou Eva Joly, qui restera un grand acteur de l’anti capitalisme sauvage Ignacio Ramonet, Bernard Cassen et Susan George ou Besancenot, Mélenchon et Arthaud ? La vie ne procède pas exclusivement du politique institutionnel, l’avenir ne peut-être laissé aux seules mains de gens qui conduisent le nez sur le pare-brise préoccupé par leur réélection, l’action politique peu se concevoir en dehors des partis.
Si tu avais lu mes précédents messages tu aurais pu lire que pour que le politique retrouve une place qu’il a perdu les questions premières à résoudre c’est entre autre celle de la représentativité et celle de la désignation des candidats, la démocratie dans laquelle nous vivons ne survivra que si elle résout ces deux problèmes. Pourquoi la campagne actuelle est si terne, parce que quoi qu’il advienne, la moitié des électeurs ne voteront pas, 23% voterons à gauche peu importe le candidat, 23% voteront à droite peu importe le candidat et ceux qu’il faut convaincre c’est ceux qui feront la balance c'est-à-dire 4%.
Décidément tu es fâché avec la divination perplexe , je me suis rendu une fois aux USA, arrivée dimanche après-midi départ lundi après-midi et mes amis m’accusent volontiers de faire de l’anti-américanisme primaire. J’ai beaucoup plus fréquenté les sujets de Léonid et ses successeurs que ceux de Ronald, si j’ai travaillé à l’international c’était pour une entreprise familiale française. Je suis républicain, je défends l’existence d’institutions anti totalitaires au service de tous, d’institutions fondées sur un certain nombre de concepts dont certains supérieurs à une « volonté du peuple » issu des urnes et parfois dictée par une mauvaise humeur passagère.

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Message par euthyphron Mer 4 Avr 2012 - 11:05

Il y a plusieurs questions qui se chevauchent, alors je vais choisir les miennes.
1) suffit-il qu'une décision recueille l'assentiment du plus grand nombre pour qu'elle soit légitime?
Non, non, et cent fois non! Rousseau a tout dit là dessus, en une phrase : "D'où cent qui veulent un maître ont-ils le droit de décider pour dix qui n'en veulent point?".
2) s'ensuit-il que le suffrage universel soit antidémocratique?
Bien sûr que non, et il faut éviter de triturer les mots dans tous les sens. Si les gouvernants, les édiles, les décideurs ou que sais-je sont arrivés au pouvoir sans être élus, ce n'est pas une démocratie. Précisons que le suffrage universel, cela veut dire que tous les citoyens qui le souhaitent votent. Mais un scrutin peut être démocratique sans être majoritaire. Si par exemple le prince est élu par une assemblée elle-même élue à la proportionnelle, c'est démocratique. Donc, le suffrage universel est une condition nécessaire, mais non suffisante, de la démocratie.
3) l'exemple du référendum sur la constitution européenne est-il un cas de déni de démocratie? oui et non. Non parce que le résultat est que le projet a été rejeté, conformément à la volonté des électeurs. Que ceux-ci aient été souverainistes antiturcs, ou bien altermondialistes anticapitalistes. On ne leur a pas demandé quelle Europe ils souhaitaient, on n'a pas à se faire croire qu'ils l'ont dit. Mais oui quand même, plus subtilement. En réalité, le référendum n'était qu'un vote de confiance. Tous les arguments des partisans du "oui" allaient en ce sens, il était, souvenez-vous, obligatoire de voter oui pour faire avancer la construction européenne. Les gens ont cru qu'on leur demandait de se prononcer sur l'adoption d'un traité, ils l'ont fait, ils ont été dupes, on n'attendait d'eux qu'une caution démocratique pour pouvoir décider sans eux.
4) faut-il redouter la "professionnalisation" de la politique? Là-dessus, je rejoins Courtial, qui évoque judicieusement à mon avis dans son message initial Hannah Arendt et sa dénonciation de la réduction du politique à une technique. Mais on peut aussi poser le problème du point de vue des citoyens : le peuple n'est pas traité en acteur, pas même potentiel, de la vie politique, mais en instrument. Il paraît qu'une campagne électorale est en cours. De quoi parlent les medias? des choix de société qui s'offrent à nous? Non, mais de la façon dont l'instrument peuple réagit à l'actualité, et des sondages qui disent à qui l'instrument peuple profite. Le peuple est ainsi convié à savourer le spectacle de sa propre instrumentalisation.

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Message par Philin (varna) Mer 4 Avr 2012 - 13:39

Euthyphron (et plus ... :-) >
D'où vient que l'exercice professionnel de la politique passe par la communication d'entreprise si ce n'est en tant qu'il est infiltré par l'idéologie des affaires ? Si le pouvoir politique est lui-même ainsi (entre autres moyens) instrumentalisé (paravent de légalité démocratique), qu'en est-il de la distinction traditionnelle entre les professionnels de la politique et le peuple ? Enfin, de quoi parlons-nous alors ici même, au juste, qui puisse constituer autant de voix qui comptent, assurées de ne point verser dans l'anachronisme ?

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Message par Bergame Mer 4 Avr 2012 - 14:29

Courtial, ça fait plaisir. :) D'autant plus que je crois que ce sujet constitue un petit abcès entre nous deux. MAis je ne suis pas sûr que nous tombions d'accord pour autant.

Baptiste, tu pratiques trop le double langage pour moi. Tes posts sont parcourus par un pas de deux qui commence à m'ennuyer, je te l'avoue : Tantôt, l'évolution vers la gouvernance et la disparition de la démocratie relève de la nécessité et tu ne prétends que décrire le réel -tu sais ce que c'est le réel, toi, n'est-ce pas ?- tantôt tu t'assumes comme un acteur de cette disparition et tu revendiques le droit d'agir. Il faut choisir : Ou les choses se passent loin au-dessus de la tête des hommes -ce qui n'est rien d'autre qu'une négation de la politique- ou nous en sommes tous les acteurs. Pour l'instant, tu danses d'un pied sur l'autre quand ça t'arrange.
Quant à ta manière de tenter de m'imposer tes catégories sous le prétexte que personne ne me demande mon avis quant à la possibilité de me définir moi-même, je te réponds gentiment, baptiste, que même si personne ne me demande mon avis, tu peux compter sur le fait que je l'exprime, et affirme que personne n'est plus légitime à me définir moi-même que moi.
Incidemment, cette idée a d'ailleurs tout à voir avec la démocratie. Ta façon de prétendre définir autrui autoritairement me semble tout à fait caractéristique.

Maintenant, le principal sujet en cause, à mon avis :
euthyphron a écrit:suffit-il qu'une décision recueille l'assentiment du plus grand nombre pour qu'elle soit légitime? Non, non, et cent fois non!
Il ne suffit pas non plus de taper du poing sur la table. Moi, je dis : "Oui". Si tu dis "non", alors expose stp euthyphron ta définition de la démocratie -ou de la légitimité, puisque incidemment tu as assimilé l'une à l'autre, ce qui est compréhensible à condition qu'on s'accorde sur les définitions. Quelle est/sont la/les condition(s) de la légitimité politique, selon toi ?

A cet égard, je reprends l'exemple bienvenu de Courtial, qu'on ait une base concrète de réflexion :
le FIS (Front Islamiste de Salut) qui avait clairement annoncé avant les élections que s'il obtenait la majorité et accédait ainsi "démocratiquement" au pouvoir, il n'y aurait ensuite plus d'élections, naturellement, parce qu'il ferait beau voir, quand même, que la Loi d'Allah dépende d'une quelconque consultation électorale. Résultat ? Raz de marée du FIS et décision du pouvoir en place d'annuler les élections.
Courtial, où se situe ici exactement le problème ? Si les électeurs algériens ont voté en masse pour le FIS et l'abolition de la démocratie au profit d'un gouvernement théocratique ou que sais-je, c'est leur choix. C'est un choix que tu ne ferais pas sans doute, et moi non plus mais au nom de quoi, au nom de quel critère, au nom de quelle valeur, peut-on dire à autrui : "Le choix que tu fais en pleine conscience est un mauvais choix". Un mauvais choix pour qui ?
Où sont donc ces valeurs qui, apparemment, existent indépendamment de ce qu'en pensent ou en croient les hommes, valables universellement quelques soient les cultures, les religions, les croyances ? sont-elles ? Le Ciel des Idées, c'est une métaphore. Si vous affirmez que c'est un objet réel, une portion réelle du ciel réel, alors svp, pointez dessus une lunette astronomique et montrez-le à tous.

Moi je pense qu'il n'y a pas d'autres valeurs que celles auxquelles les hommes croient, pas d'autres valeurs que celles qui orientent effectivement leur comportement. Il est possible que les algériens, ou au moins une majorité d'entre eux, ne croient pas en la même chose que vous. Et alors ? Ils ont tort ?

Ma définition de la démocratie, elle est simple, c'est celle de De Gaulle, je n'en ai jamais trouvé de meilleure : "La démocratie, c'est l'autodétermination".

Accessoirement, euthyphron, dire que le projet de Traité constitutionnel a été rejeté est très discutable. Les citoyens français l'ont rejeté, oui, mais il a été amendé, synthétisé, "ramassé" et adopté au contraire par le Parlement.

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Message par euthyphron Mer 4 Avr 2012 - 16:34

Sur le traité constitutionnel, je n'ai rien dit d'autre. Le traité constitutionnel a été rejeté, et comme le but du jeu n'était pas de transformer le peuple français (et non européen) en acteur de la construction européenne, mais de se donner une caution démocratique, eh bien l'on a fait sans ce que l'on souhaitait faire avec. 🐷
Maintenant sur le point de désaccord, mes poings ne sont pas en train de se blesser à force de cogner une pauvre table, ce sont plutôt les bras qui m'en tombent, d'avoir à justifier l'évidence Rolling Eyes. Et je veux bien essayer de réfléchir sur ce qui constitue la légitimité politique, mais ce n'est pas l'objet, l'objet est seulement de rejeter une énormité. Une majorité qui se trompe n'oblige en rien une minorité à reconnaître qu'elle a raison.
Rien à voir, c'est ce que j'explique aussitôt, avec le suffrage universel, malgré les apparences. Dans le cas du suffrage universel, il s'agit d'appliquer les règles d'un jeu, probablement démocratique en effet. Il ne s'agit pas de s'incliner piteusement devant le grand nombre, mais de prendre une décision à partir des suffrages exprimés. Cette décision est légitime même si elle n'a été votée que par, par exemple, un tiers d'électeurs, si elle est à la majorité relative. Il ne s'agit donc pas d'une idolâtrie des masses. "Légitime" veut dire ici conforme aux règles en usage, comme on dit d'un monarque qu'il est légitime jocolor .
Exemple : toi tu devrais, selon ta logique, te demander si les Allemands approuvaient la solution finale ou pas. S'ils étaient majoritaires, la voici justifiée! oui, c'est gros, c'est lourd, c'est même idiot Embarassed , mais c'est ma négation de cette monstruosité que tu désapprouves. Selon ma logique, la question est très mal posée, puisque la solution finale n'a pas fait l'objet d'un vote.
Et si elle l'avait fait, et si elle avait été approuvée? Ce sont des si. Une mauvais expérience de pensée. Mais il m'est déjà arrivé, toutes proportions gardées 😢 , d'avoir honte du résultat d'une élection à laquelle j'avais participé. Je ne me suis pas pour autant senti obligé d'approuver ce résultat, j'ai fait avec, c'est-à-dire que j'ai eu honte d'être Français, et, confidence pour confidence, cela dure depuis cinq ans et je suis pressé que cela s'arrête. Professionnels de la profession - Page 2 3714453215

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Message par baptiste Mer 4 Avr 2012 - 22:25

Je ne revendique pas le droit d’agir, je prétends qu’il s’agit d’une obligation. Lorsque le monde politique, lorsque les partis de gouvernement (nous en avons la preuve chaque jour pendant cette campagne Sleep ) n’ont pour point de vue qu’un horizon à très court terme, lorsque les partis protestataires s’engluent dans des luttes intestines stériles, alors agir dans d’autres cadres devient nécessaire. Je ne danse pas d’un pied sur l’autre, je regrette la situation actuelle mais ne me résigne pas pour autant à n’être que spectateur. Tu nous as expliqué ton parcours professionnel international et ton travail de thèse, ce n’est pas moi qui te défini c’est toi, tu n’appartiens pas au mondes des ouvriers qui ont quitté l’école sans diplôme, cela ne te donne aucun droit supplémentaire, juste cela fait que tu ne vois pas et ne verra jamais le monde d’un même point de vue qu’eux.

Le politique depuis les grecs c’est simplement l’art de vivre ensemble, faire d’une somme d’individualités, d’une multiplicité une unité. La démocratie est un ensemble de valeurs qui ne se réfère pas uniquement à des formes de gouvernement comme tu prétends le faire, il désigne aussi « une forme de société ayant pour valeur la liberté et l'égalité, c'est l'usage qu'en fait Alexis de Tocqueville, qui s'attache plus aux dimensions culturelles qu'au système politique en lui-même, ou de manière plus générale encore, un ensemble de valeurs, d'idéaux et de principes politiques, sociaux ou culturels. » Pour reprendre les exemples avancés par Euthryphon et Courtial comment justifies tu que la comptabilisation des votes se fasse sur la base des suffrages exprimé et pas sur la base des électeurs en âge et condition de voter ? Bien sûr, ils n’avaient qu’à aller voter, suis-je bête :idea: , mais voila il ne le font pas, pourquoi ?

L’art de vivre ensemble ne passe pas obligatoirement par le fait que toutes les décisions soient renvoyées au suffrage universel. Tu cites De Gaulle et l’autodétermination, ce mot qu’il ressuscita à contrario de la politique menée depuis la fin de la guerre pour régler un problème particulier autrement insoluble, il s’agissait en l’occurrence d’une expression visant à répondre à une question de circonstance, il ne s'agissait pas de donner un choix au peuple algérien ce choix était connu depuis longtemps mais de trouver une issue opposable. Mais bon allons pour l’autodétermination, pour en revenir à l’exemple du FIS de Courtial, la question posée au peuple algérien n’était pas celle de l’autodétermination et la réponse encore moins. La question était d’élire une chambre démocratiquement pour la première fois et la réponse du peuple algérien s’adressait au FLN, c’était « casse toi », le peuple algérien n’avait pas été interrogé sur un changement de régime. Ces deux exemples justifient pleinement que je maintienne mon point de vue, à savoir que l’ensemble des valeurs et principes d’une démocratie sont supérieurs à un vote majoritaire de circonstance.

Je rejoins Euthryphron lorsqu’il dit que le suffrage universel n’est plus acteur potentiel mais simple instrument, la professionnalisation de la politique et la disparition des idéologies en sont les causes principales, la montée en puissance de la gouvernance simplement la conséquence. La campagne actuelle n’en est malheureusement que la pire illustration. Le remède pour moi passe par une réforme de la représentation nationale et de celle de la désignation des candidats, mais je me répète.

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Message par Bergame Mer 4 Avr 2012 - 23:33

Il n'y a certainement pas de disparition des idéologies, il y a disparition des conflits idéologiques, et ce, essentiellement au niveau des élites. Comme tu l'as dit, baptiste, droite et gauche disent et font peu ou prou la même chose aujourd'hui. Cela signifie simplement que l'une des idéologies en concurrence a gagné et occupe le terrain faute d'adversaires. A cet égard, la "gouvernance" n'est rien de plus en effet qu'une étape supplémentaire dans l'application du programme libéral.
En revanche, cette union idéologique des élites n'a pas pris dans la "masse", comme tu l'appelles. Et ce à quoi nous assistons, c'est, à mon avis, à un divorce croissant entre des élites qui sont engagés dans le programme libéral, et une population qui, dans sa grande majorité, ne s'y reconnaît pas. Et je pense qu'elle n'a pas tort, et qu'elle fait preuve de beaucoup de raison : Elle voit bien, et de plus en plus clairement, que le libéralisme est d'abord une doctrine du gouvernement des élites par les élites pour les élites.


Euthyphron, ce que tu dis n'a rien d'évident. Rien du tout, c'est même un énorme problème.
Bon, d'abord, je constate que tu ne soutiens pas l'idée des valeurs universelles et réelles. Ta proposition est plus modeste :
"Légitime" veut dire ici conforme aux règles en usage, comme on dit d'un monarque qu'il est légitime
Très bien. Conséquences :

1) Les règles en usage ici et maintenant ne sont pas en usage ailleurs et en d'autres temps. Ca, c'est une évidence, mais une évidence qu'il est, je crois, toujours bon de rappeler. La question, à partir de là, c'est : Y a-t-il des règles meilleures que d'autres, et si oui, selon quels critères, et comment le justifier ? En gros, c'est la question de Guéant, n'est-ce pas : Y a-t-il des civilisations supérieures aux autres ?

2) Qu'est-ce qui fait que des règles soient en usage, ici, et qu'elles ne le soient pas ailleurs ? Qu'est-ce que ça veut dire, au fond, "en usage" ? Je fais vite, mais je pense que nous en serons d'accord : Irréductiblement, ça signifie qu'elles sont acceptées par ceux qui jouent.

Autrement dit, supposons que demain, euthyphron, la majorité des individus, par exemple en France, n'acceptent plus ce "jeu"-ci et ces "règles"-ci, et en veulent d'autres ? Pour le coup, c'est une expérience de pensée, mais qui réfère à l'exemple de Courtial : Un peuple qui décide démocratiquement de mettre fin à ces institutions démocratiques que tu appelles toi-même un "jeu", destiné à rien d'autre qu'à conférer une "caution démocratique". Hé bien je prétends que si la majorité des individus ne voulaient plus, en France, des institutions démocratiques, il n'y aurait plus de démocratie. Parce que si l'on maintenait néanmoins ces institutions contre la volonté de la majorité, le régime qui procéderait ainsi n'aurait plus rien de démocratique. Et les institutions qu'il maintiendrait ainsi par la force ou la manipulation seraient complètement vidées de leur significations. On pourrait avoir des simulacres d'élection, on pourrait conserver une justice indépendante de l'exécutif, une constitution même, ce n'aurait plus rien d'une démocratie. Tiens, un peu comme les "démocraties populaires" d'Europe de l'Est.
Et d'ailleurs, le régime qui a annulé les élections en Algérie et a ainsi allumé le feu de la guerre civile, ce régime était-il lui-même démocratique ? Ou ne ressemblait-il pas un peu tout de même à une dictature militaire ?


Maintenant, ton exemple, euthyphron. Oui, bien sûr, tu gagnes 10.000 points godwin. Mais je crois que tu as raison de poser le problème, parce que précisément, la conception de la démocratie dont nous sommes tributaires aujourd'hui dans le monde occidental dérive directement de cet évènement et de l'interpération qui en est faite -c'est ce que j'en pense en tous cas. Après Auschwitz, nous ne pouvons plus penser pareil.
Mais je récuse l'"expérience de pensée", c'est trop facile. Au prétexte que, peut-être, si ça se trouve, les allemands ont majoritairement voulu la Shoah, nous, occidentaux, devrions nous contenter éternellement de ce que tu appelles toi-même un "jeu" démocratique ? Sans même la possibilité de le critiquer et de réclamer autre chose, parce que dans ce cas, on tombe dans le populisme, la démagogie, la démolatrie, le fascisme, et j'en passe ? Ben voyons.

Première chose : Le paradoxe du régime nazi, c'est qu'on l'interprète comme une dérive du principe majoritaire alors que c'est exactement l'inverse : Hitler a été porté au pouvoir par une minorité d'électeurs d'une part, et par le jeu des institutions "démocratiques" d'autre part. Il n'a pas été élu Chancelier, il a été nommé. Précisément, si la constitution de Weimar avait prévu que le chef de l'exécutif soit élu à la majorité des électeurs au suffrage universel, et non pas issu d'une coalition parlementaire et nommé par le président -qui n'était pas plus élu au suffrage universel, d'ailleurs- Hitler n'aurait pas été Chancelier en 33. La Ve République française n'a pas d'autre origine que ce constat -parce que De Gaulle, lui, il savait que Hitler n'avait pas été élu selon un principe majoritaire. Ce qu'on ne dit jamais -et pourquoi ne le dit-on pas ?- c'est que ce n'est pas un régime démocratique à la française qui a porté Hitler au pouvoir, c'est précisément un régime démocratique à la britannique, un régime parlementaire.

Seconde chose : Hitler n'a certes pas été élu à la majorité des suffrages, mais il apparaît nénamoins (on n'a pas de chiffres) qu'il a bénéficié d'un soutien grandissant de la population allemande de 33 à 38-39, et sans doute jusqu'en 42-43. Et je risque d'être choquant, j'en suis désolé par avance : Je pense qu'il y a de bonnes raisons à cela. J'entends, je précise : Des raisons subjectives -je ne sais pas ce que sont des raisons objectives- pour un allemand moyen, de la "masse", de l'époque. Il faut voir ce qu'est l'Allemagne en 33 et ce qu'elle est en 38. Du point de vue de ce citoyen allemand moyen, je suis désolé, moi je peux comprendre que ça ait pu apparaître stupéfiant -et une bénédiction. Non, le soutien à Hitler ne m'apparaît pas incompréhensible -ce qui ne signifie pas que je le partage, bien évidemment. D'autant que les Allemands, ou une certaine partie d'entre eux, aspirent à la revanche, c'est indéniable. Bien sûr, la politique de Hitler a un coût caché, la guerre. Mais les allemands de l'époque sont-ils pacifistes ? Je ne le crois pas.

Maintenant, dire que Hitler bénéficiait d'un soutien important de la majorité du peuple allemand, sans doute même très majoritaire à certains moments, et formuler des hypothèses susceptibles d'expliquer ce soutien, ce n'est pas dire que la majorité du peuple allemand voulait la Shoah. Et personnellement, je n'ai lu aucun historien de la période qui affirme cela, ou même le suggère -vous oui ? Il y a là une croyance, une sorte de postulat jamais examiné, qui flotte dans les consciences et oriente l'analyse politique, mais qui ne résiste pas à l'examen. Ce n'est sans doute pas totalement une coïncidence si les nazis ont mis tant de soin à cacher à leur propre population la vocation des camps d'extermination. Je constate que l'ouverture des camps a été une surprise et une horreur, et je pense que personne -ou vraiment bien peu de monde- n'avait seulement envisagé cette abomination parce que, tout simplement, c'est inenvisageable, inimaginable. Que la majorité du peuple allemand ait pu vouloir la Shoah me semble une reconstruction a posteriori. Et qui plus est, pas très digne, une accusation inique, qui ne repose sur aucun élément. Mais évidemment, si on a si peu confiance en l'homme, autant ne pas lui laisser trop décider par lui-même.

Cette croyance a donc beaucoup servi à justifier des régimes "démocratiques" qui sont paradoxalement les mêmes que celui qui a permis à Hitler d'arriver au pouvoir. Et elle continue d'y servir, comme on le voit par exemple dans cette discussion, alors même que ces régimes sont de moins en moins démocratiques -ce que, pourtant, chacun constate. Je suis désolé, moi je trouve cela préoccupant. Et oui, je pense qu'il est plus que temps d'oeuvrer à "déconstruire" toute cette rhétorique accumulée pendant 50 ans.

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Message par euthyphron Jeu 5 Avr 2012 - 11:20

Tu vas voir que c'est comme d'habitude, nous allons finir par nous trouver d'accord, une fois que nous aurons compris de quoi nous parlons, ou plus précisément quelle est exactement la question.
Cela tourne manifestement autour de la notion de légitimité. J'ai employé ce mot, compte tenu du contexte, dans un sens qui n'en fait pas un synonyme de juste. "Légitime" qualifie un pouvoir obtenu selon les règles, et, j'ajouterai, aisément reconnaissable. En ce sens, Hitler était légitime.
Mais la légitimité ainsi définie ne saurait être un absolu. Je soutiens pour ma part qu'il est tout à fait permis moralement de contester les actes ou les décisions d'un pouvoir légitime. Et toi?
De plus, il faut assumer les conséquences de notre définition de la légitimité : elle n'implique aucunement la démocratie. Les légitimistes n'étaient pas des démocrates, mais pas non plus des gens qui ignoraient le sens des mots.
Mais la démocratie a ses prétentions. Le mot a cessé de désigner une forme de gouvernement parmi d'autres, pour signifier une valeur, à partir de laquelle on se pense autorisé à mesurer le degré de légitimité d'un pouvoir. Je dis bien "degré": dès lors que "démocratie" devient le signifiant d'un idéal, nous ne faisons qu'en être plus ou moins éloignés. Autrement dit, en ce sens, la démocratie est toujours un combat. Evidemment, nous retrouvons la confusion sémantique induite par le terme de "légitimité", qui prend cette fois un sens moral.
Revenons à ton expérience de pensée à partir de ces prémisses. La majorité décide qu'elle ne veut plus vivre en démocratie. Problème de légitimité au sens 1 : alors qu'un roi peut abdiquer, on ne peut dire la même chose d'un peuple. Problème aisément résolu : le tyran désiré est légitimé par l'élection qui l'a installé au pouvoir. Les puissances étrangères sauront qu'il est leur véritable interlocuteur, comme ce fut le cas avec Hitler.
Problème de légitimité au sens 2 : je combattrai ce tyran sans remords, dans la mesure de mes faibles capacités, et je ne me sentirai en rien coupable d'être en cela minoritaire.
Et si le tyran est empêché d'arriver au pouvoir, et que l'on organise de nouvelles élections jusqu'à ce que le bon peuple accepte enfin la démocratie? Les risques de guerre civile rendent plus complexe le problème de la légitimité au sens 1, disons qu'en cas de guerre civile la légitimité 1 n'est rétablie qu'avec la paix, et au profit du vainqueur. En cas de vacance de la légitimité 1, les questions de légitimité 2 sont insolubles. Disons concrètement qu'invalider le résultat d'élections au motif qu'il est déplaisant est évidemment antidémocratique.
Ces contradictions de la démocratie tendent à prouver que nous aurions bien tort de nous contenter du suffrage universel, et d'y voir l'essence de cet idéal appelé "démocratie", quand il n'en est qu'une règle du jeu bien adaptée.

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Message par Bergame Jeu 5 Avr 2012 - 14:35

"Légitime" veut dire beaucoup de choses, c'est l'un des objets de ma thèse d'essayer d'y voir clair. Mais il y a une chose de sûre, à mon avis, c'est que la légitimité est toujours reconnue.

Tu dis par exemple :
"Légitime" qualifie un pouvoir obtenu selon les règles
Je réponds : Admettons, c'est l'une des définitions possibles. Mais dans tous les cas, il ne s'agit jamais de n'importe quelles règles. Il s'agit de règles qui sont elles-mêmes reconnues comme légitimes. Ex : Les institutions démocratiques légitiment les dirigeants, mais elles ne le font que parce que ces institutions sont elles-mêmes reconnues comme légitimes.

Tu suggères également qu'il existe un second sens, moral, au concept de légitimité. Nous pourrions proposer la définition suivante : "Légitime" qualifie un pouvoir qui s'exerce dans le respect de certaines valeurs.
Si cette définition reflète à peu près ce que tu entends, j'ajouterais : Certes, c'est une autre définition possible. Mais il ne s'agit jamais de n'importe quelles valeurs. Il s'agit de valeurs qui sont elles-mêmes reconnues comme légitimes. Ex : Les valeurs démocratiques légitiment les institutions démocratiques qui elles-mêmes légitiment les dirigeants occidentaux, mais elles ne le font que parce que ces valeurs sont elles-mêmes reconnues comme légitimes.

Tu vois l'idée : Existe-t-il une légitimité en soi ? Il faudrait alors montrer qu'il existe par exemple des valeurs en soi, des valeurs réelles et universelles. Il faudrait montrer que tous les hommes partagent une conception commune de ce qui est légitime. Et en fait, on n'aurait toujours rien fait d'autre que de montrer que les valeurs légitimes, irréductiblement, sont reconnues comme telles -mais qu'elles sont reconnues comme telles par la totalité des hommes.
Donc : La légitimité peut s'appliquer à beaucoup d'objets différents et référer à beaucoup d'usage, mais une chose est sûre : Elle est toujours reconnue. Simplement, si on ne part pas du principe qu'il existe des valeurs universelles, alors il faut se résoudre à admettre que ces valeurs ne sont pas reconnues comme légitimes par la totalité des hommes.

Donc nouvelle question : Lorsqu'un dit qu'un pouvoir X est légitime, on signifie qu'il est reconnu comme légitime. Mais reconnu par qui ? C'est là que me semble être tout le problème de la légitimité.
Et je prétends qu'irréductiblement, il n'y a pas d'autre manière de répondre à cette question que : "Par le peuple". Quoique ce concept désigne. Les uns parleront d'"individus", les autres de "masse", d'autres encore de "public", etc. peu importe. Ce qui est sûr, c'est que dans tout système politique, défini par le concept de pouvoir, il y a des dirigeants et des dirigés, des dominants et des dominés, des gouvernants et des gouvernés -autrement il n'y a pas de pouvoir, et il n'y a pas de politique. Or, lorsque l'on parle de "légitimité", on parle de la légitimité des premiers : Les dirigeants, les dominants, les gouvernants. La question est donc : Si la légitimité des premiers est reconnue, par qui l'est-elle ? Je réponds donc : Irréductiblement, par les seconds.

Alors à partir de là, Courtial l'a déjà dit : Comment qualifier le "peuple" ? Et surtout, comment le quantifier ? Comment savoir que le "peuple" considère que telle "règle du jeu" est légitime et que telle autre ne l'est pas. Et à partir du moment où la volonté générale n'existe pas, quelle part du peuple ? Car le "peuple", finalement, ce n'est qu'un concept, un ensemble mal défini. Je réponds : Certes, mais ce n'est pas un concept différent de tous les concepts en sciences sociales et politiques. Dans ces disciplines, le problème est toujours le même : Passer du qualitatif au quantitatif. Or, en sciences sociales et politiques, on résoud communément ce problème méthodologique ainsi : On recueille l'opinion. Et là, coïncidence miraculeuse : C'est exactement ce que font les procédures électorales et les référendums. Ca a même un nom : "L'opinion publique".

Que la "légitimité" se confonde si souvent avec la "démocratie" n'est donc pas seulement un problème culturaliste : C'est aussi un problème logique. Il se trouve que la méthode démocratique de choix des dirigeants par le "peuple" et de consultation du "peuple" sur les grandes options politiques coïncide avec la meilleure méthodologie pour évaluer la légitimité des dirigeants et des décisions -voire la seule. Encore faut-il bien comprendre de quelle "démocratie" on parle ici : Il ne s'agit pas d'institutions du type séparation des pouvoirs, etc. Il ne s'agit pas même de "règles du jeu". Il ne s'agit évidemment pas de "gouvernance". Il s'agit du principe de l'élection et/ou du référendum, avec la base électorale la plus large possible (= suffrage universel) et la possibilité d'un véritable choix.

C'est en cela que je dis que si la démocratie définit le pouvoir légitime dans les sociétés occidentales -et c'est le cas, incidemment- ce n'est pas n'importe quelle démocratie, c'est la démocratie électorale et référendaire. Or, la "gouvernance" signifie d'abord l'évanouissement de cette démocratie-là. Elle se caractérise en particulier par la multiplication des pouvoirs non-élus -comme déjà mentionné. Je dis donc que la "gouvernance" est une évolution vers un type de régime politique illégitime, parce que non-reconnu comme tel par le "peuple". C'est ce qu'il faut entendre quand je parle de divorce entre les "élites" et le "peuple". Et je constate d'ailleurs que le problème de la "légitimité démocratique" est au coeur de la littérature sur la "gouvernance".

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Message par euthyphron Jeu 5 Avr 2012 - 19:19

Si l'on parle toujours bien de la légitimité au sens 1, au sens juridico-politique disons, un pouvoir légitime est forcément reconnu tel, je veux bien, mais sans qu'il n'y ait eu d'acte de reconnaissance. En réalité, le pouvoir est reconnu légitime dès lors qu'il est reconnaissable. C'est la tradition qui fonde sa légitimité.
C'est parce que le roi est sacré qu'il est légitime, car tant qu'il ne l'est pas on ne sait pas qui est le roi. Henri IV a conquis sa légitimité non pas à coups de sondages d'opinion le plaçant loin devant la Ligue, mais en se faisant sacrer. Le peuple ne demande rien d'autre tant qu'on en reste à cette question de la légitimité au sens 1. Ce qu'attend le peuple, c'est de savoir à qui obéir, qui lui garantisse la stabilité dont il a besoin. C'est pourquoi les questions de légitimité ne se posent véritablement qu'en temps de crise (révolutions, guerres civiles, crise dynastique, etc.).
Ceci, note-le bien, conduit à la même conclusion que toi quant aux formes de pouvoir que tu dénonces.
Ne pas oublier non plus que si l'on glisse vers le sens 2 du mot "légitimité", moi du moins je maintiens qu'il peut être parfaitement légitime de désobéir aux puissances légitimes, et je ne demande pas pour cela la permission au peuple. Là dessus tu ne t'es pas prononcé.

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Message par baptiste Ven 6 Avr 2012 - 11:20

Décidément je rejoins Courtial, tes réponses sont horripilantes, non seulement tu prêtes aux autres des intentions qu’ils n’ont pas manifesté mais maintenant tu leur prêtes des mots qu’ils n’ont pas prononcés. Je n’ai jamais parlé de « masse » mais de peuple et la définition que j’en ai donnée est identique à la tienne, de même pour la définition de l’élite.

Euthryphron, tu as raison de souligner la différence nécessaire entre fondement d’une légitimité politique et morale. Compte tenu que le débat sur la première est déjà complexe y introduire un point de vu moral me paraît de nature à le complexifier encore plus. Ceci étant dit, le fondement du droit d’ingérence si cher à Bernard Kouchner ne procède que de très loin d’un processus démocratique, quand à la notion de désobéissance civile dont tu parles, elle a été théorisée par Thoreau dans la « Résistance au gouvernement civil » dés 1849 même si elle n’a été popularisée en France que depuis peu par José Bové entre autre. Le paradoxe c’est que bien qu’elle soit simplement anti-démocratique puisque le gouvernement auquel on s’oppose est censé représenter la volonté du peuple, elle ne peut naître et s’exprimer que dans un régime démocratique. Le droit d’ingérence et la désobéissance civile sont donc bien anti-démocratiques au sens ou nous employons ce mot.

Bergamme lorsque tu parles de l’existence d’une gouvernance dirigée par une élite à son seul profit et que tu incrimines uniquement le libéralisme comme facteur causal, tu oublies que ce même libéralisme est le seul système capable de s’auto réformer et générer ses propres contres poisons. La question cruciale que pose la gouvernance n’est pas tant son existence que le fait qu’elle ait pu exister et les disfonctionnements du système qui l’ont permis. Le chiffre le plus important dans les sondages aujourd’hui n’est pas le score de tel et tel candidat mais le taux d’abstention, si une partie de la population s’estime non représentée par les forces politiques en présence elle se tourne alors vers la protestation désorganisée, les mouvements des indignés en sont juste une caricature, mais comme toutes les caricatures elle est révélatrice, en l’occurrence, du divorce entre les élites et le peuple. Ceci dit le problème d’une élite qui monopolise le pouvoir à son seul profit n’a rien à voir avec le libéralisme, à ce que je sache le mot « nomenklatura » n’est pas issu de l’argo New-Yorkais.


Le libéralisme comme tous les systèmes politiques est bourré de défauts, cependant il possède quelques qualité, il reste malgré tout démocratique et donc réformable. Sa légitimité il l’a tiens du suffrage universel, point à la ligne, je trouve ton discours sur les valeurs universelles à priori et bien biaisé. Crois tu que tu as apporté une réponse ? Si un peuple décide démocratiquement de se soumettre à un régime théocratique ou féodal c’est son droit, maintenant si ce résultat est obtenu au détour d’un suffrage biaisé par une question sous-entendue alors le régime qui en ressort n’est pas légitime.

L’état aujourd’hui est perçu par le commun des mortels comme envahissant tous les domaines de la vie quotidienne, j’avais coutume de dire que la seule chose que l’on puisse faire sans autorisation c’est aller ch… , ce n’est même plus vrai, on a désormais un service de contrôle des ANC qui contrôle les chiottes. L’état sur administre et sous gouverne, mais est-il en capacité de gouverner autrement si les gouvernants ne sont pas représentatif de la population ? Soyons sérieux, le retour de l’état dans certains domaines est peut-être nécessaire mais si cet état ne représente qu’une élite, pourquoi faire ?

Lorsque j’ai voté aux législatives pour la première fois, les candidats en présence étaient un représentant de la droite, maire de son village et agent d’assurance, le représentant de la gauche un maire, communiste cette fois-ci, ancien ouvrier devenu cadre du parti, la biodiversité on dirait aujourd’hui. Aux prochaines législatives j’aurais selon toute vraisemblance le choix entre une IEP ancienne fonctionnaire territoriale et assistante parlementaire et un ingénieur ancien fonctionnaire territorial et assistant parlementaire, est-ce que ces gens là sont à même de transformer le système qui les a fait roi ?

Toute évolution passe par une réforme de la représentativité, tant que la moitié de la population se sentira exclue du débat, elle ne participera pas et tant qu’elle ne participera pas l’élite éduquée gouvernera en appliquant les mêmes réponses aux mêmes questions.

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Message par Bergame Ven 6 Avr 2012 - 21:38

Je peux parfaitement comprendre que mes réponses te semblent horripilantes, baptiste, mais je pense que tu n'as pas encore mis le doigt sur ce qui t'horripile. Ce qui t'horripile, ce n'est pas que je te lise mal, c'est que je te lise au contraire trop bien. Par exemple :
baptiste a écrit:Je n’ai jamais parlé de « masse » mais de peuple et la définition que j’en ai donnée est identique à la tienne, de même pour la définition de l’élite.
Te serait-il possible de vérifier ce que tu as écrit toi-même avant de proférer des âneries ? Il suffit d'un simple CTRL+F, tu sais :
baptiste a écrit:en quoi les masses ignorantes seraient-elles les mieux à même de prendre les décisions les plus appropriées? La légitimité républicaine doit-elle tout soumettre à l'approbation des masses ignorantes?
Non, moi je n'ai pas défini le peuple comme une "masse ignorante".

Je comprends ton problème, baptiste. Je t'incite à prendre conscience des implications de ce que tu écris, et ce n'est jamais agréable. Mais oui, c'est un fait : Il est logiquement impossible de penser la démocratie à partir de la représentation anthropologique que tu as commencé par poser. La démocratie nécessite un demos, c'est-à-dire un peuple composé d'individus cognitivement autonomes -pour ne pas dire "rationnels". A partir d'une représentation du "peuple" comme un ramassis de crétins, on ne déduit pas la démocratie, mais la tyrannie. Si tu le souhaites, je pense que je peux t'en faire la démonstration, mais il me semble que ça doit être accessible à l'intuition.

Pour le reste :
ce même libéralisme est le seul système capable de s’auto réformer et générer ses propres contres poisons.
Je n'oublie rien du tout, je ne partage tout simplement pas cette proposition. Comment la justifies-tu ?

Le libéralisme comme tous les systèmes politiques est bourré de défauts, cependant il possède quelques qualité, il reste malgré tout démocratique et donc réformable. Sa légitimité il l’a tiens du suffrage universel, point à la ligne
He bien voila ! Tu viens d'admettre que toute légitimité procède d'une reconnaissance par le "peuple", et coïncide en effet avec le suffrage universel. Tu vois, je suis désolé, mais tu es absolument typique : Tu as commencé par essayer de démontrer qu'on pouvait penser la démocratie sans référence aux "masses ignorantes" -Moravcsik qui pense effectivement comme toi a théorisé cela sous le nom d'"insularisation" : La nouvelle démocratie (= la gouvernance) consiste à insulariser les lieux de pouvoir de l'influence des masses :) -et devant les objections, hop, tu te retranches sur la conception classique de la démocratie, reconnaissant donc qu'il n'y a pas d'autre légitimité que celle qui est reconnue par le "peuple".
Nous sommes donc maintenant d'accord. Il te reste simplement à reconnaître que, précisément, la "gouvernance" ne correspond pas à cette définition classique de la démocratie, parce qu'elle repose sur des pouvoirs non-élus -ce que, incidemment, tu as déjà admis.

Alors en revanche, tu as raison ici :
Si un peuple décide démocratiquement de se soumettre à un régime théocratique ou féodal c’est son droit
En tous cas, oui, c'est ce que je pense aussi, je l'ai dit. Et incidemment, je comprends que nous serons d'accord si je dis que l'horizon de la "gouvernance", c'est en effet un régime de type féodal. A vrai dire, ce n'est pas moi qui le dis, et comme tu connais manifestement le sujet, tu dois le savoir.
Sauf que : A-t-on demandé leur avis aux individus ? Tu as entendu ça quelque part, toi ? Comme tout bon libéral, tu blâmes le "peuple" -le "peuple", pour un libéral, c'est comme l'"Etat", il a toujours tort quoiqu'il fasse- et tu fustiges son absentionnisme. Mais tu as entendu parler d'un référendum ou l'on demande aux citoyens français de choisir entre la démocratie et le féodalisme ? Tu as entendu, même, un parti à une quelconque élection, déclarer -à l'image du FIS évoqué par Courtial- que s'il gagne, c'est le retour à l'Ancien Régime ? Et tu crois qu'on ne te voit pas venir à 10 kms avec ta proposition de réformer le principe de représentation sur la base des "intérêts" ? Tu crois que tu es le seul à avoir lu Burke ? Ca aussi, c'est typique : "Ca ne marche pas ? C'est parce qu'il y a pas encore assez de libéralisme."

Accessoirement, baptiste, tu te fais beaucoup d'illusions quand tu dis que "L’état aujourd’hui est perçu par le commun des mortels comme envahissant tous les domaines de la vie quotidienne". Ca, c'est typiquement le genre de choses qu'on lit dans la littérature. Mais lorsque tu découvres les enquêtes de terrain et les sondages d'opinion, tu es étonné. Tiens, regarde seulement l'Eurobaromètre, à l'occasion, c'est accessible sur le net. Ca aussi, c'est le divorce entre nos "élites" et le "peuple".

Euthyphron, je ne comprends pas bien ton dernier post. Mais puisque tu m'invites à m'exprimer sur la question de la désobéissance volontaire, je vais essayer.
J'ai fait deux propositions :
1) La légitimité du pouvoir, irréductiblement, est reconnue par le "peuple".
2) Le "peuple" est en ensemble d'"individus", présupposés différenciés donc.
Par conséquent, tout pouvoir n'est pas reconnu légitime par tout un chacun au sein du "peuple". Le principe de tout pouvoir est, et a toujours été, d'être reconnu comme légitime par le plus grand nombre -c'est une condition de sa pérennité.
Maintenant, supposons un pouvoir reconnu légitime par le plus grand nombre et que je ne reconnaisse pas comme tel, moi, que puis-je faire ? Ou que dois-je faire ? C'est ta question, n'est-ce pas ?
Ben comment veux-tu que je te réponde ? Tu fais ce que tu veux. :) Ou ce que tu peux, ou ce que tu dois, ou ce que tu penses que tu dois, etc. Mais c'est une décision individuelle. Ce n'est pas un problème politique.

Y a-t-il un droit à la désobéissance ? Y a-t-il un droit à la lutte contre le pouvoir légitime (= reconnu comme tel par le plus grand nombre) ? Ben non. Moi ça me semble évident. Mais lorsqu'un pouvoir te semble, toi, individuellement, véritablement contraire à tes principes et à tes valeurs, hé bien je suppose que tu ne te demandes pas si tu es en droit de le combattre, ou quelle est ta légitimité à le faire. Tu le combats, point. Ou tu t'exiles, d'ailleurs, je ne sais pas, mais c'est une décision individuelle. En somme, nous sommes d'accord : Dans ce cas, on ne demande pas la permission.

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Message par euthyphron Ven 6 Avr 2012 - 21:50

Bergame a écrit:Maintenant, supposons un pouvoir reconnu légitime par le plus grand nombre et que je ne reconnaisse pas comme tel, moi, que puis-je faire ? Ou que dois-je faire ? C'est ta question, n'est-ce pas ?
Non, ce n'est pas ma question. Déjà à cause d'un point de détail : ce n'est pas le plus grand nombre qui rend légitime, mais c'est la légitimité, au sens juridico-politique, qui est soutenue immanquablement par le grand nombre, voir mon post précédent.
Mais surtout ma question concerne un pouvoir que je reconnais moi aussi pour légitime, je ne parle pas des situations extraordinaires de guerre civile, mais du quotidien. Ai-je le droit de désobéir à un pouvoir dont je reconnais la légitimité au sens que j'ai appelé 1? Oui, dis-je. Même en l'absence de toute velléité révolutionnaire.

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Message par Bergame Ven 6 Avr 2012 - 22:11

Je ne vois pas ce que tu veux dire : Une légitimité juridico-politique qui serait immanquablement soutenue, forcément reconnue par le grand nombre ? Ca n'a pas de sens, pour moi. Je ne vois pas pourquoi ni comment un arrangement institutionnel particulier serait nécessairement légitime.

Encore une fois, je ne suis pas sûr de bien comprendre ton exemple, mais si le sacre rend Henri légitime, c'est parce que le sacré est lui-même légitime. Je veux dire : Ce qui est sacré ici ne l'est pas là-bas, et inversement. Peut-être veux-tu dire que, de toutes façons, il faut bien un chef ? Admettons. Mais la question est : Pourquoi ce chef-ci et pas un autre ? Pourquoi celui-ci est-il légitime, et pas celui-là ? Pourquoi un type de régime politique est-il légitime ici et ne l'est pas là-bas ? Le conflit des légitimités est au coeur des rivalités politiques, hier comme aujourd'hui.
J'ai le sentiment que tu penches tout de même toujours du côté d'un réalisme axiologique Wink Pourquoi pas, mais je ne vois vraiment pas comment le justifier.

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Message par euthyphron Sam 7 Avr 2012 - 10:02

Je n'ai pas dit "nécessairement" mais "immanquablement". Ce n'est pas si compliqué. Ta thèse, si j'ai bien compris, est qu'en dernière analyse la légitimité repose toujours sur l'adhésion populaire. C'est le peuple qui confère la légitimité. A cela je dis d'abord qu'il faut bien comprendre la question. Parle-t-on de morale? Veux-tu dire que, qu'importe la réalité, seule la volonté du peuple est respectable a priori? Ce n'est pas ainsi que j'ai interprété ta pensée. Il m'a semblé au contraire que tu revendiquais la neutralité axiologique, et que tu voulais dire que c'est le peuple, qu'on le veuille ou non, qu'on le blâme ou qu'on le loue, qui en fait de compte conférait la légitimité. Ton argument principal est que la légitimité n'a de sens que si elle est reconnue.
Mon objection : la légitimité n'est reconnue que si elle est d'abord reconnaissable, ce qui en pratique signifie authentifiée par une tradition. C'est la tradition qui est la source de la légitimité au sens 1. On peut faire une analogie avec la monnaie. Le peuple, pourrait-on dire, détient le véritable pouvoir financier puisque il suffirait qu'il n'accorde plus aucun crédit à la monnaie pour que celle-ci ne vaille plus rien. Bien entendu ce n'est pas vraiment ainsi que les choses se passent. Le peuple, c'est-à-dire de vrais êtres humains et non une entité abstraite ou mystique, utilise la monnaie parce qu'elle est là, sans en décider la valeur. De même, il reconnaît la légitimité du prince car le prince est déjà là, authentifié par les lois et coutumes du pays.
Il s'ensuit que toute légitimité est fragile, comme toute économie, puisqu'elle nécessite, si tu veux, le consentement populaire, mais n'en émane pas. C'est pourquoi le peuple est ordinairement légitimiste, et même immanquablement dans la situation normale. La stabilité est ce qu'il demande en priorité, et la guerre civile est le plus grand des maux.
Maintenant si l'on glisse sur le terrain des valeurs, comme tu dis, la question qui se pose en priorité selon moi est celle du respect que l'on doit aux puissances légitimes. J'accorde qu'il existe, sinon il n'y aurait aucune différence entre un pouvoir légitime et un qui ne le serait pas. Mais, et si tu veux ici je me sépare nettement de Hobbes, que jusqu'à ce point j'acceptais comme compagnon de route, ce respect n'est pas inconditionnel. Je n'ai à aucun moment parlé de "désobéissance civile", car je trouve cette expression confuse, du fait de sa vogue. Mais je persiste à prétendre que l'on fait bien parfois de désobéir aux autorités légitimes.

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Message par Bergame Sam 7 Avr 2012 - 15:37

D'accord, je comprends mieux. Mais selon moi, tu ne fais que proposer une nouvelle définition particulière de la légitimité, la légitimité en vertu de la tradition, de "ce qui a toujours été" comme disait Weber. Oui, bien sûr, c'est aussi une définition possible de la légiitmité, mais je prétends que cela ne change rien au raisonnement : Ou tu considères que la tradition est un objet réel, qui s'auto-reproduit indépendamment des hommes et s'impose à eux -les hommes sont alors à nouveau considérés comme des êtres hétéronomes- ou tu considères que la tradition n'est que l'ensemble des préceptes, institutions, coutumes, valeurs peut-être *, etc. que les hommes d'une communauté (/société) donnée reconnaissent comme légitimes à un moment T. Dans ce cas, la tradition légitime le pouvoir parce qu'elle est elle-même légitime (= reconnue comme telle).
En somme, ce n'est pas "qu'importe la réalité, seule la volonté du peuple est respectable a priori", c'est que je ne conçois pas un réel social -puisque c'est de cela dont nous parlons- qui soit autonome vis-à-vis des hommes et s'impose "immanquablement" à eux.

Et il me semble que, empiriquement, cette hypothèse ne tient pas. Pour au moins deux raisons :
1) Parce que, diachroniquement, la tradition n'est pas immuable, et que les fondements de la légitimité changent : La révolution, justement, en est l'exemple le plus flagrant -mais ce n'en est que l'exemple le plus flagrant.
2) Parce que, synchroniquement, même au sein d'une même société et à instant T, tous les individus ne reconnaissent pas le pouvoir comme légitime, ou ne le reconnaissent pas comme légitime en vertu des mêmes principes. Il est d'ailleurs caractéristique que tu aies choisi un exemple d'Ancien Régime : La société d'Ancien Régime a tendance à nous apparaître, rétrospectivement, comme relativement homogène culturellement et axiologiquement. Mais d'abord, les conflits de légitimité y existaient tout autant, et ensuite, si l'on replace le problème dans notre contemporanéité, je pense qu'il devient plus difficile de référer la légitimité à une tradition.


Mais ton objection introduit un autre questionnement : Est-ce que la légitimité émane du consentement populaire, ou est-ce qu'elle constitue une sorte d'adhésion à un état de fait ? Je l'ai dit : Pour moi, la légitimité est reconnue. Ce qui signifie bien qu'elle n'est pas première. D'abord, il y a le pouvoir, et avec le pouvoir, il y a la légitimation, c'est-à-dire la prétention du pouvoir à la légitimité. La légitimité est donc à comprendre comme une "réponse" positive à la légitimation, une adhésion.
Mais, ce qui me semble fondamental -et la raison de cette construction un peu sophistiquée- c'est que l'articulation entre légitimation et légitimité n'a rien d'"immanquable", précisément. C'est qu'elle est toujours "fragile", comme tu l'admets in fine. Or, un peu à l'image de ce que tu proposes -tout de même- la littérature académique présente une propension étonnante à escamoter la contingence au sein de cette articulation. Tout se passe comme si les théoriciens avaient beaucoup de mal à accepter l'idée que, ben oui, irréductiblement, cette articulation est fragile. En somme, la littérature sur la légitimité est essentiellement normative -ce qui ne signifie pas grand-chose d'autre qu'elle participe elle-même à la légitimation des objets politiques.



* Je ne vois pas bien pourquoi tu distingues entre "valeurs" et "tradition", on a plutôt tendance à considérer que ce qu'on appelle "tradition" est un ensemble (d'ailleurs vaguement défini) qui intègre entre autres les "valeurs" d'une société, les "valeurs" étant elles-mêmes les représentations communément partagées de ce qui est juste, bien, bon, etc. En aurais-tu d'autres définitions ?

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Message par euthyphron Sam 7 Avr 2012 - 19:12

Bien sûr que la légitimité est fragile, puisqu'elle émane d'une tradition. Une tradition est contingente, tout en apparaissant nécessaire à celui qui est plongé dedans. Elle paraît forte, mais elle est fragile, dès lors que sa contingence est révélée, ce qui finit forcément par arriver.
Une tradition n'est donc pas indépendante des hommes qui y vivent, mais la réciproque est vraie aussi, un homme n'est pas indépendant de sa culture.
Il s'ensuit que toute légitimité est relative. Ceci ne doit évidemment pas nous surprendre. Comment le pouvoir qu'un homme a sur un autre pourrait-il recevoir une légitimation absolue?
Tenter de fonder une légitimation absolue est une des caractéristiques du totalitarisme, quand bien même on prétendrait la fonder sur la volonté du peuple.
Bien sûr, ceci repose le problème du suffrage universel. Est-il l'absolu enfin trouvé? Au nom de quoi? Il est, selon moi, le mode de désignation du pouvoir qui s'harmonise le mieux avec la tradition républicaine. Rien de plus, mais c'est déjà beaucoup. Et s'il est bafoué, ou, ce qui pourrait bien arriver, s'il démontrait ses défauts par l'abondance de résultats aberrants du point de vue de cette tradition, alors les temps seraient mûrs pour une révolution, puisque celle-ci n'a de réelle possibilité de survenir que lorsque survient un problème de légitimité, et que ce problème survient lorsque la tradition qui fondait cette légitimité a perdu sa crédibilité.

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Message par baptiste Dim 8 Avr 2012 - 8:00

Tu as raison Bergame et je suis bien à l’origine de la confusion. Il existe différents niveaux de langage, le mot « peuple » est une réalité tout autant qu’une idéalité tandis que le mot masse n’est qu’une réalité sociologique (cf Baudrillard), et le mot masse ne peut être employé dans ce sujet puisqu’il est susceptible d’être confondu avec les masses populaires chères à Georges et Arlette, je n’aurais pas dû. Cependant si dans un dialogue sur les fondements du pouvoir nous employons le mot peuple avec une définition consensuelle idéalisée cela ne signifie pas que les masses n’existent pas. Le recours par les politiques aux publicitaires, aux slogans simplistes serait-il justifié si les masses n’existaient pas ? alors autant être clair sur ce point.

Le recours à la publicité, au marketting politique, aux idées-forces pour former une image de marque est plus fréquent dans les campagnes actuelles que celui à des citations de Marx ou Ricardo. La politique a adopté le langage de la publicité non par nécessité mais par soucis d’efficacité, de rentabilité, si les masses n’étaient pas les masses pourquoi faudrait-il faire appel à la propagande ? Le langage politique actuel s’adresse aux masses. Le contenu du discours politique n’est plus que recherche de la séduction, phénomène amplifié par les médias moderne type internet, info continue en radio et TV. D. J. Boorstin,(universitaire américain) prétends que le génie de Barnum, ou de Hitler, fut de découvrir non pas combien il est facile d'abuser le public, mais combien le public aimait être trompé. Les problèmes les plus sérieux que pose la publicité ou la propagande viennent moins du manque de scrupules de ceux qui nous trompent que de notre plaisir à être trompés : ils procèdent moins du désir de séduire que du désir d'être séduit.
Le discours politique actuel comme celui de la publicité ne s’appuie plus que sur des détails ex : il vaux mieux faire l’annonce fracassante d’un taux d’imposition exceptionnel, alors que l’élite qui nous gouverne majorité et opposition confondue sait qu’il suffira par la suite de créer des niches fiscales pour compenser cette augmentation, dire il faut repenser dans son ensemble la fiscalité et les prélèvements sociaux en supprimant les niches fiscales, cela n’est pas porteur. Le discours politique est devenu un discours de propagande orchestrant des aspects sélectifs de la réalité, étrangers, riches, puissants, syndicats, corps intermédiaires chacun son bouc émissaire pour construire des pseudo idéologies totales. Où est passé l’articulation dialectique ? Tous ces procédés mettent le discours politique hors d'atteinte du jeu de la raison logique, d'une dialectique du sens et de la contradiction. C'est en cela qu'il est terroriste, car c'est en cela, par cette manipulation du langage au niveau du code même, qu'il interdit toute réciprocité de la communication et toute réponse à ses messages (autre que déjà codée selon ses propres signes). Bien sûr, publicité et propagande véhiculent aussi des contenus idéologiques : valeurs morales dominantes, dogmes politiques mais au fond personne n’y croit.


Reprenons l’exemple du FIS, prétendre que la volonté du peuple s’est exprimé sur le fait de changer ou non la constitution au détour d’une question parallèle, c’est à dire : voulez-vous une alternative au FLN, c’est dans ces conditions un acte terroriste. Non je n’ai pas pensé la démocratie sans recours au peuple, mais le recours au peuple dans un monde réel peut-être construit comme une illusion quand celui qui pose la question impose la réponse. La gouvernance n’est pas une idéalité elle est une réalité, une nécessité à la façon Monod peut-être, la gouvernance est née de la multiplication des lieux et des acteurs de la décision, je conteste l’idée avancée par certains et que tu reprends que la gouvernance serait contraire à la notion de bien commun. Par contre j’accepte volontiers quelle puisse poser le problème de la légitimité.

A propos de légitimité Euthyphron tu as écrit « Il s'ensuit que toute légitimité est fragile, comme toute économie, puisqu'elle nécessite, si tu veux, le consentement populaire, mais n'en émane pas. » Dans un système démocratique le référent suprême restant le vote populaire et le suffrage universel, je ne comprends pas comment tu peux dire qu’il n’en émane pas. A moins bien entendu que toi aussi tu sois un esprit dévoyé qui pense masse plutôt que peuple. Wink
« Je n'ai à aucun moment parlé de "désobéissance civile", car je trouve cette expression confuse, du fait de sa vogue. Mais je persiste à prétendre que l'on fait bien parfois de désobéir aux autorités légitimes. » Non tu n’as pas parlé de désobéissance civile mais de référence au sacré, je ne pense pas que la désobéissance civile soit confuse, elle est au contraire très claire, c’ est le refus de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent. Contester une loi au nom d’une prise de conscience morale laïque ou bien religieuse dans une démocratie c’est contester le principe même de la démocratie, le principe de la démocratie étant la légitimité de la majorité, je ne comprends pas comment tu articules les deux. Soit tu es démocrate et tu admets la légitimité du vote populaire qui fonde en droit en justice et en équité (dictionnaire). Il y a une différence à concevoir la désobéissance civique à la manière d’Habermas mise en pratique par José Bové et ses amis et la fonder sur la liberté de conscience religieuse. La désobéissance » civique par une action pacifique, en appelle à la « conscience endormie des peuples » c’est comme le dit Hannah Arendt « loin de procéder de la philosophie subjective de quelques individus excentriques la désobéissance civile résulte de la coopération délibérée des membres du groupe tirant précisément leur force de leur capacité d'œuvrer en commun. » La désobéissance civique n’est pas confuse, elle reste démocratique en ce sens qu’elle vise in fine à obtenir l’assentiment du peuple, elle ne procède pas de la légitimité démocratique mais vise à l’obtenir. Ta revendication me paraît d’un autre ordre, celle que Hannah Arendt qualifie de « philosophie subjective ». Tu te revendiques démocrate et en même temps le droit à t’exonérer de l’obligation démocratique au nom d’un sacré subjectif. Est-ce cohérent, sur quelle légitimité te fondes-tu ? La tradition, mais la tradition n’est qu’une innovation qui a réussie. Tu parles de l’ancien régime, qu’est ce que cela signifie ? Il n’y a que peu de points communs entre la capacité de pouvoir d’un Philippe Lebel et celle de Louis XVI. La légitimité divine ou le droit divin n’est qu’un alibi inventé par un petit-nombre pour s’approprier le pouvoir, à la différence de ce qu’ont fait les marxistes-léninistes de s’appuyer sur une rhétorique rationnelle pour prétendre exercer seuls le pouvoir les rois se sont réclamés d’une légitimité irrationnelle. La tradition est une référence intellectuelle, on peut y puiser de l’inspiration mais elle ne peut fonder une légitimité, sauf à prétendre que tout est immuable.
« Comme tout bon libéral, tu blâmes le "peuple" -le "peuple", » dis-tu Bergame. Je ne blâme pas le peuple mais les élus qui nous ont conduit où nous en sommes, je constate que l’abstention grandissante est la marque d’une défiance de plus en plus grande envers ces élus et qu’elle rend l’état (n’oublions pas que dans un monde réel ce sont les élus) de moins en moins apte à agir et je ne propose qu’une réflexion visant à ramener le peuple vers les urnes de façon à donner à l’état une représentativité qu’il n’a plus. L’état est une entité théorique incarnée dans les élus, et nous n’avons que les élus que le mode de désignation permet d’avoir. La légitimité des élus est largement contestée par l’abstention d’une part mais aussi par le vote extrémiste ce qui fait un total de 75% de la population, il me semble que ce n’est pas très démocratique que de ne pas voir cette réalité et essayer d’y remédier.
Mais pour paraphraser De Gaulle en conférence de presse « Bien entendu on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant le retour de l’état, le retour de l’état… » mais qu’est ce que cela signifie pour toi concrètement « le retour de l’état »? scratch


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Message par euthyphron Dim 8 Avr 2012 - 10:10

Je réponds rapidement sur les deux points.
Non, la légitimité du suffrage universel n'émane pas du peuple, on n'a jamais fait voter le peuple pour lui demander s'il souhaitait voter. Plus exactement, le suffrage universel est un excellent moyen de donner à la république la légitimité qui lui manque. Après une révolution, difficile de savoir qui est le maître. Les élections résolvent avantageusement ce problème, avec une sérieuse chance de mettre fin à la guerre civile. Même Bonaparte y a eu recours, ainsi qu'au sacre (deux précautions valent lieux qu'une!).
Quant à la désobéissance civile, tu as excellemment démontré que c'est bien une expression confuse comme je le disais, puisque à peine tu me l'as prêtée, tu es parti dans un délire interprétatif dont en un sens je suis flatté mais dans lequel il faut bien dire que je ne reconnais plus rien de ce que j'ai écrit. Wink Je veux bien essayer d'éclairer ce que j'ai dit d'obscur, mais là il y en a trop d'un coup. Je rappelle juste l'essentiel de mon propos : la légitimité au sens 1 émane d'une tradition mais cette catégorie n'a rien de moral, et ne vaut que comme description et non justification. Au sens 2, je prétends qu'il est parfois légitime de désobéir aux puissances légitimes. C'est tout.

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Message par Bergame Dim 8 Avr 2012 - 16:21

C'est cool, baptiste, ça arrive à tout le monde, dans le feu de la discussion. Wink

euthyphron a écrit:Plus exactement, le suffrage universel est un excellent moyen de donner à la république la légitimité qui lui manque.
Hé oui, mais ce dont tu parles, c'est d'une sorte de cachet démocratique, un semblant de démocratie. En fait, tu parles de légitimation, et non de légitimité. Or, tout pouvoir cherche à se légitimer, bien sûr, mais que cette prétention à la légitimité soit reconnue ou non, voila ce qui est contingent. D'une manière ou d'une autre, tu cherches à réifier la légitimité. Baptiste a donc bien raison -à mon avis- de te faire noter le paradoxe dans lequel tu te mets : Chercher à fonder la légitimité de la démocratie dans la tradition, voila qui est rigolo.
Typiquement anglo-saxon, remarque. Tu me fais penser aux théoriciens britanniques qui affirment que la démocratie "réelle" se justifie par la tradition aristocratique ! :)

Non, on n'a jamais fait voter le peuple pour lui demander s'il souhaitait voter. Mais ce n'est pas un argument, parce que si cela avait été le cas, tu aurais contesté que ce vote représente la voix du "peuple". En revanche, il n'y a peut-être pas complètement de hasard dans le fait que le suffrage se soit toujours imposé soit à la suite d'une révolution, soit à la suite d'une guerre. Dans ces moments charnières et tragiques où les dirigeants réalisent soudain que le "peuple" existe.
D'ailleurs, ce n'est peut-être pas complètement un hasard non plus si la procédure électorale trouve son origine dans le principe de l'élection du chef par l'armée.

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Message par euthyphron Dim 8 Avr 2012 - 17:57

Sans doute, ce ne sont pas des hasards. Ce qui est contingent n'est pas forcément aléatoire. Si tu veux me faire dire que le suffrage universel n'intervient pas par hasard dans le processus de légitimation, nous sommes d'accord. C'est plus crédible que les saintes huiles, pour l'homme démocratique au moins.
Mais il faudrait savoir. Est-ce que le suffrage universel constitue l'essentiel de la démocratie, ou pas? cette question s'adresse aussi à Baptiste (ou à tous ceux qui voudront bien y répondre d'ailleurs).
Si oui, je ne vois pas ce qui t'autorise à parler de semblant de démocratie quand j'évoque la période révolutionnaire et ses suites, sinon peut-être une répulsion intime et tout à ton honneur envers la famille Bonaparte.
Si non, thèse qui a de très loin ma préférence, alors c'est un tort de se focaliser sur la question de la désignation des hommes au pouvoir, même si elle a son importance je suis d'accord, mais il faudrait plutôt réfléchir aux conditions de son exercice, non?

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Message par Bergame Dim 8 Avr 2012 - 19:49

"Répulsion" ? Euthyphron, je risque d'élargir considérablement le hiatus entre nous deux, mais à l'âge où les jeunes gens affichent des posters de groupe de rock dans leur chambre, moi j'accrochais des portraits de l'Empereur -c'est plus tard, seulement, que j'ai découvert les Stooges. :)

Ben, c'est-à-dire que nous avons vu des régimes se donner en effet un semblant de démocratie en adoptant la procédure électorale. Par exemple, les "démocraties populaires" d'Europe de l'Est. Donc lorsque tu parles de "donner de la légitimité à la république" par le suffrage, tu es dans une sorte de manipulation des masses, tu décris un théâtre d'ombres : Ton institution du suffrage n'est qu'un instrument de légitimation.
Or, dès lors, la question se pose : Cette légitimation est-elle efficace ou non ? Cette institution du suffrage est-elle reconnue comme légitime ou pas ? A l'évidence, dans les démocraties populaires d'Europe de l'Est, elle ne l'était pas. Et ce que signifie l'abstentionnisme sur lequel Baptiste insiste tant, c'est peut-être qu'elle l'est de moins en moins également ici et maintenant.

L'idée est toujours la même : La légitimation n'implique pas immanquablement la légitimité. C'est dans cette articulation que s'introduit la contingence -et l'empirie.

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Message par Courtial Dim 8 Avr 2012 - 23:13

Quelques remarques détachées sur la conduite de ce sujet :

Bergame a écrit:Non, on n'a jamais fait voter le peuple pour lui demander s'il souhaitait voter. Mais ce n'est pas un argument, parce que si cela avait été le cas, tu aurais contesté que ce vote représente la voix du "peuple".

Il y a ceux qui font des expériences de pensée, mais ils ne sont pas les plus forts. Il y a et il y aura toujours au-dessus d'eux ceux qui savent ce qu'auraient pensé les autres si la réalité n'avait pas été ce qu'elle est.
Et qui le savent mieux que les autres.
Et en outre si cela aurait été ou non un argument.
Trop balèzes, les mecs...

baptiste a écrit:« Comme tout bon libéral, tu blâmes le "peuple" -le "peuple", » dis-tu Bergame. Je ne blâme pas le peuple mais les élus qui nous ont conduit où nous en sommes, je constate que l’abstention grandissante

Cette discussion sur le "libéralisme" semble parfaitement dispersante et leurrante, à mon avis. Bergame a progressé, puisqu'il a honnêtement reconnu son bonapartisme comme une erreur de jeunesse, n'a pas professé depuis d'attirance envers le fascisme ni proposé le retour aux Soviets, se renvoyer ainsi le "libéralisme" à la tête est parfaitement grotesque.

euthyphron a écrit:Quant à la désobéissance civile, tu as excellemment démontré que c'est bien une expression confuse comme je le disais, puisque à peine tu me l'as prêtée, tu es parti dans un délire interprétatif dont en un sens je suis flatté

Baptiste a évoqué Thoreau, je crois, mais de façon allusive, et je ne sais rien de cet auteur, pour ma part.
Je me demande seulement - et prie ceux qui ont des lumières de m'éclairer - si c'est différent ou non de ce que les Constituants de 1789 (et 1793) appelaient, eux, la "résistance à l'oppression", la mettant au nombre des Droits de l'Homme. (art.2).


Bergame a écrit:Je ne vois pas bien pourquoi tu distingues entre "valeurs" et "tradition", on a plutôt tendance à considérer que ce qu'on appelle "tradition" est un ensemble (d'ailleurs vaguement défini) qui intègre entre autres les "valeurs" d'une société, les "valeurs" étant elles-mêmes les représentations communément partagées de ce qui est juste, bien, bon, etc. En aurais-tu d'autres définitions ?



Ce point m'a aussi intrigué et je serais fort aise, aussi, de savoir ce qu'Euthyphron met sous le terme de "tradition" au-delà de l'aspect minimal qu'il fait valoir, càd, je dirais, en gros : le déjà-là, qui se transmet du seul fait qu'il précède, etc. (une forme de positivité, il semble ?).
Une suggestion, que je tirerais, pour changer, non d'un philosophe, mais d'un musicien : Wilhelm Furtwängler, qui était le plus grand chef d'orchestre du 20 ème siècle dans le répertoire classique et romantique allemand, s'était une fois un peu impatienté alors qu'on lui parlait (pour l'en louer, d'ailleurs) de "La Tradition" et aurait répondu : "la tradition ? Vous voulez dire le mauvais souvenir du concert de la semaine dernière" ?

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Message par euthyphron Lun 9 Avr 2012 - 9:46

Ah! des questions de vocabulaire qui reviennent!
Bon, je veux bien y répondre, mais ce n'est pas vraiment ma spécialité. Un mot que je n'emploie pas assez, un mot que j'emploie trop, voyons cela.
Je déteste le mot "valeur", qui sous ses airs de concept sérieux véhicule à chaque fois une confusion inextricable. Exemple de "valeurs" : un portefeuille boursier, le jambon d'Aoste, l'esprit sportif, la charité, le vrai en soi, et bien sûr la tradition elle-même. Mettre tout cela dans le même sac pour la simple raison qu'il ne s'agit pas de faits risquerait d'augmenter encore le manque de rigueur de ma pensée. En plus, à tort ou à raison, je n'éprouve pas le besoin de parler des "valeurs" pour traiter ce sujet.
Quant au mot "tradition", je l'ai employé en effet a minima pour désigner le déjà-là qui se transmet et perdure. En clair, je n'y attache aucun jugement de valeur. Dans la tradition c'est comme dans tout il y a du bon et du mauvais. L'avantage du mot, c'est qu'il me semble impliquer une certaine relativité, une positivité aussi comme tu le dis, mais aussi du sens. Les trois. La même chose dite de façon négative : ce n'est pas une tradition si c'est universel, si ça n'existe plus que dans les rêves de vieux réactionnaires, ou si c'est purement conventionnel sans signification pour ceux qui y sont immergés. Donc, à la question : "Qu'est-ce qui justifie que l'on préfère le suffrage universel à tout autre mode de désignation des pouvoirs?" je réponds "la tradition républicaine". Le point de friction, il me semble, est qu'en disant cela j'assume l'idée que le suffrage universel n'est pas le fondement de toute légitimité.

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Message par Bergame Lun 9 Avr 2012 - 14:49

Courtial a écrit:Bergame a progressé, puisqu'il a honnêtement reconnu son bonapartisme comme une erreur de jeunesse, n'a pas professé depuis d'attirance envers le fascisme ni proposé le retour aux Soviets, se renvoyer ainsi le "libéralisme" à la tête est parfaitement grotesque.
Je n'ai rien reconnu du tout ! Et je m'élève contre cette façon d'attribuer à autrui des idées que etc. :)

Mais à mon tour, j'aimerais comprendre ce que tu entends par là : Pourquoi te semble-t-il que cette discussion sur le "libéralisme" est égarante ?


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