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Guerre d'Algérie et Camus

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Guerre d'Algérie et Camus Empty Guerre d'Algérie et Camus

Message par Vargas Dim 9 Sep 2007 - 15:57

Guerre d'Algérie et Camus




A) La guerre d'Algérie

Le conflit eut lieu de 1954 à 1962 entre la France et les indépendantistes algériens .
Elle se déroula durant la décolonisation, l'insurrection débutant juste après l'indépendance du Vietnam, alors que l'indépendance du Maroc et de la Tunisie était en cours de négociation.

Pour la France, garder l'Algérie est primordial pour son rang de grande puissance .D'autant plus qu'elle est son unique colonie de peuplement (1 million d'Européens pour 9 millions de Musulmans en 1955) et qu'on y exploite du pétrole et du gaz depuis 1951.
Quant à l'Algérie la lutte démontre que le pays n'a plus confiance en la France. Le droit de vote ne concerne aucun musulman malgré les promesses françaises.

En 1947, une assemblée algérienne est créée (composée de 2/3 de musulmans non citoyens et 1/3 de citoyens français) mais son vote est truqué par le gouverneur général.
Dès 1926, un mouvement nationaliste important, le P.P.A. (Parti Politique Algérien) , est présent en Algérie.
En 1945-46 , il est interdit et devient le MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) , toujours dirigé par Messali Hadj.
En 1954 une scission s'opère dans le MTLD : d'une part se rejoignent les "messalistes", partisans de Messali Hadj fondant le M.N.A. (Mouvement National Algérien) et d'autre part les "centralistes" majoritaires ainsi que le parti de Ferhat Abbas qui forment le FLN (Front de Libération National) .

La même année ce dernier se dote d'une armée: l'ALN (Armée de Libération National) qui provoque l'insurrection du 1er novembre 1954 et commet plusieurs attentats.
La guerre prend rapidement une tournure internationale malgré les efforts de la France pour réduire la dimension du conflit à un simple problème de police intérieure.
L'Algérie obtient l'aide arabe, le Maroc et la Tunisie deviennent son arrière base militaire.
La France tente de désolidariser ces états mais reçoit les réprobations internationales. En 1956 et 57, elle doit s'expliquer devant l'ONU.

Cependant des tensions apparaissent au sein du FLN.
Dès 1956 les combats concernent tout le territoire.
A partir de 1957 la France reprend les villes puis les campagnes. Le gouvernement gagne la guerre (425 000 soldats français contre 25 000 combattants algériens) sans rétablir l'ordre ; l'opinion métropolitaine lui est désormais opposée.

Les intellectuels français se mobilisent, certains aidant ou devenant "porteurs de valises" (Sartre et Beauvoir jouèrent le role d'intermédiaire par exemple) pour subventionner le FLN, quelques journaux dénoncent les "camps de regroupements"et les tortures perpétrées par l'armée française (France observateur, Le Monde entre autre).
En 1958, la loi-cadre sur l'Algérie est refusée par le FLN. La véritable lutte se poursuit. Le FLN provoque des attentats à Paris.
En France une coalition de l'opposition politique profite de cet échec de la IVème République pour la faire chuter, le Front Populaire étant divisé.

Le 1er juin 1958, De Gaulle est appelé au pouvoir, devenant le premier président de la Vème République.
Il vient en Algérie pour relancer l'idée de "l'Algérie française" tandis que le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) est créé sous la présidence de Ferhat Abbas à l'extérieur du pays.
La proposition de De Gaulle est refusée.

En septembre 1959, l'autodétermination est envisagée à condition que les armes soient déposées.
Des négociations avec le FLN sont entamées en automne 1960, ce que ne supportent pas les Français d'Algérie ni certains généraux (Challe, Salan, Zeller, Jouhaud) qui se rebellent.
Le 22 juin, leur tentative de putsch échoue, ne ralliant personne. Ils rejoignent l'OAS (Organisation Armée Secrète) qui s'oppose aux négociations d'Evian, multipliant les attentats en Algérie et en métropole. 900 000 français ont déjà quitté l'Algérie, ne supportant plus la situation.

Le 8 janvier 1961 l'autodétermination est approuvée à 75% lors du référendum.
Les accords d'Evian signés le 18 mars 1962 donnent sa souveraineté à l'Etat algérien (des accords financiers y sont aussi décidés mais ne sont pas tous appliqués).
Le GPRA transfert ses pouvoirs au FLN le 3 juillet 1962 alors qu'est proclamée l'indépendance de l'Algérie.


B)Camus dans la guerre

L'insurrection de 1954 s'est déroulée après 116 ans de colonisation française.
Aussi le début du conflit n'est pas simplement du a la volonté de quelques indépendantistes mais à une situation que beaucoup considèrent comme devenant intolérable.
L'engagement de Camus pour l'Algérie est d'ailleurs antérieur à la guerre.
Il a tenté via son métier de journaliste de retraduire aux lecteurs français le mal-être dont souffrent les Musulmans par plusieurs enquêtes dans le pays.

Parce qu'il a été l'un des principaux intellectuels français de son temps et parce qu'il se sent français et algérien, Albert Camus est doublement concerné par cette guerre.
Aussi est-il naturellement parmi les premiers journalistes à se consacrer au conflit. Quelle est alors sa position?
La neutralité est-elle possible, lui pour qui la révolte est le seul moyen d'exister, qu'elle soit historique, philosophique, poétique ou politique ?

Lorsque la guerre éclate Camus s'attaque au colonialisme, au comportement méprisant de la France et au fait que les pieds noirs (les Français installés en Afrique du Nord, spécialement en Algérie) dirigent les Algériens dans leur pays.
Cependant il affirme que les immigrations successives de Juifs, Turcs, Arabes, Français et autres rendent le terme de nation algérienne caduque.
Les réels problèmes de son pays natal sont selon lui l'injustice et la misère.
Les Algériens ne souhaitaient pas vraiment se désunir de la France à laquelle ils sont liés mais simplement qu'on leur reconnaisse une autonomie propre à tout peuple, avec leurs caractéristiques.

Suite à son enquête en Algérie, le ministre français de l'intérieur propose à Camus la préparation de réformes en Algérie.
Se désignant comme journaliste et non politicien, il refuse ce titre.
Pacifiste avant tout, il ne souhaite pas voir se séparer Algériens et Français mais voir la haine disparaître entre les deux communautés.

Aussi, lorsque la guerre éclata en 1954 était-il impossible pour lui d'avoir à choisir entre deux camps, tentant de les réunir en les informant les uns sur les autres, de créer des liens entre les opposants algériens et les Français par le biais de sa profession.
Il apporte son soutien à Pierre Mendès France qu'il considère comme le seul à même de pouvoir résoudre la crise algérienne.
Camus fait alors tout son possible pour le ramener au pouvoir par une suite d'articles (l'Algérie déchirée) en entrant à L'Express, ce qui lui attire d'ailleurs les foudres de certains de ses confrères en désaccord avec ses prises de position.

Son engagement n'est pas seulement journalistique : il a pris la défense de plusieurs militants ou simples musulmans (Ouzegane et Lebjaoui, par exemple) arrêtés voire condamnés.
Lors de la conférence au Cercle du progrès, sa déclaration pour la sécurité des citoyens algériens lui vaut de devenir la cible de nombreux attentats auxquels il échappe.
Il comprend alors que le terrorisme et la répression sont plus répandus que sa solution pacifique et que la poursuite de la guerre est inexorable.

Camus se voit sans grand soutien dans sa révolte : les intellectuels français et une partie de l'opinion publique le considèrent comme un traître ; Camus, de plus en plus pessimiste ( ce qui se retrouve aussi par ses oeuvres dans La Chute ou L'Exil et le Royaume) , perd de sa combativité lorsque les critiques viennent cette fois d'Algérie, que ce soit par Français ou Algériens.
C'est alors qu'il écrit en 1958 dans Actuelles III le parcours mouvementé sur son engagement envers l'Algérie par un texte: Algérie 58.
Plus contredit qu'écouté il cesse de s'exprimer sur le sujet la même année.


C) Conclusion

Malgré le fait qu'il soit très concerné par cette guerre (la période 1954-58 fut probablement la plus productive pour son travail de journaliste) Albert Camus n' y a pas clairement pris partie pour les camps en présence.
Et ceci tout simplement parce qu'il souhaite que son combat (de même que pour tout révolté) se fasse pour la justice, sans s'écarter de la vérité.
Il pensait que ces deux éléments pouvaient être les remèdes aux maux frappant l'Algérie. Voilà pourquoi il voulait atteindre ce but par sa profession, tentant d'informer le plus "véridiquement" possible, de façon impartiale (tentant de rester imperméable aux diverses influences) même si sa volonté de bien faire l'amène parfois à prendre position.

Cependant cette neutralité est en partie illusoire.On ne se révolte pas à moitié.
Pour s'en convaincre il suffit de comparer le Camus "avant la guerre" et celui "pendant la guerre d'Algérie".
Le premier est entièrement engagé dans chacune des luttes qu'il défend. Quant au second, parce que pris entre ses deux communautés il n'est pas libre dans son combat, reste ambiguë pour une partie de l'opinion qu'il tente d'informer et de convaincre (ou de persuader ?).
Ecartelé entre ses deux pays par le conflit, il reste étranger aux yeux de chacun.

Camus est trop impliqué personnellement pour considérer pleinement les choses en face.
Là où il parle d'une "dispute entre deux peuples" se déroule une guerre sanglante.
Voilà un exemple bien étrange que celui d'Albert Camus, homme révolté par définition qui, parce que trop situé au centre de son engagement, s'y perd et n'arrive pas à son terme.
Aussi son journalisme n'eut pas l'impact escompté au moment où il en avait le plus besoin.

Doit-on vraiment y chercher une cause ?
sa crédibilité faussée par ses doubles origines, sa volonté de bien faire le rendant parfois maladroit, deux peuples incapables de s'écouter,les enjeux politico-économiques trop importants, l'ambiguïté de certaines de ses prises de position ?
Camus n'a été en rien hypocrite durant cette période : il a autant souffert que quiconque, s'est battu comme il le pouvait.
Mais il n'était pas maître de la situation ; lui qui aurait pu, par sa position pacifique et sa connaissance du problème, aider à pencher vers un dénouement autre que celui désormais gravé dans l'histoire.
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Message par Chut Sam 8 Sep 2012 - 10:16

J'ai une question et une remarque.
La question est : quand on a proposé un poste de "pouvoir" à Camus, était-ce d'une certaine façon pour avoir un peu la main mise sur le journaliste ?
Si tel était le cas on peut comprendre sa réaction, sinon elle me semble incompréhensible.
La remarque est : dans ton court exposé tu présentes deux partenaires pour le conflit, or il me semble que c'est une partie qui s'est jouée essentiellement à trois (je ne parle pas du "monde extérieur" que tu as évoqué) : le gouvernement, les algériens et les colons qui par leurs pressions ont fait quelquefois fait capoter des avancées positives possibles.

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