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Socrate, fils de Dédale

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Message par Bergame Dim 13 Sep 2009 - 2:15

Chez Platon, je l’ai dit ailleurs, pour connaître le caractère d’un personnage, pour savoir qui il est, on se tourne souvent vers son ascendance. Savoir qui sont ses parents nous renseigne sur la personnalité d’Eros. Alors question : Qui sont les parents de Socrate ?

Il se trouve que des parents de Socrate, on a souvent retenu la mère, Phénarète. Car on sait qu’elle était sage-femme, et on sait que Socrate y fait référence dans le Théétète (150b) : Lui aussi est un accoucheur,

à cela près que j'aide à la délivrance [maieuesthai] des hommes, et non pas des femmes, et que je soigne, non les corps, mais les âmes en mal d'enfant. Mais ce qu'il y a de plus admirable dans mon art, c'est qu'il peut discerner si l'âme d'un jeune homme va produire [gonimon] un être chimérique, ou porter un fruit véritable. J'ai d'ailleurs cela de commun avec les sages-femmes, que par moi-même je n'enfante rien, en fait de sagesse ; et quant au reproche que m'ont fait bien des gens, que je suis toujours disposé à interroger les autres, et que jamais moi-même je ne réponds à rien, parce que je ne sais jamais rien de bon à répondre, ce reproche n'est pas sans fondement. La raison en est que le dieu me fait une loi d'aider les autres à produire [gennan], et m'empêche de rien produire moi-même. De là vient que je ne puis compter pour un sage, et que je n'ai rien à montrer qui soit une production [gegonos] de mon âme ; au lieu que ceux qui m'approchent, fort ignorants d'abord pour la plupart, font, si le dieu les assiste, à mesure qu'ils me fréquentent, des progrès merveilleux qui les étonnent ainsi que les autres. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'ils n'ont jamais rien appris de moi; mais ils trouvent d'eux-mêmes et en eux-mêmes toutes sortes de belles choses dont ils se mettent en possession ; et le dieu [theos] et moi, nous n'avons fait auprès d'eux qu'un service de sage-femme. Etc.
On remarquera au passage que dans ce texte, il est question de genesis, devenir / engendrement et non de poiesis.

On s'intéresse donc bien plus souvent à la mère de Socrate -et à la maïeutique- qu'à son père.
Selon Diogène Laërce, le père de Socrate s’appelait Sophronisque et était sculpteur. D’ailleurs, Socrate aurait d’abord commencé par exercer ce métier, comme apprenti. Mais à moins que je ne me trompe, Socrate ne fait jamais directement référence à son père, dans les Dialogues. En revanche, par deux fois au moins, il se présente comme « fils de Dédale ». Voila qui est tout de même étonnant.
Nouvelle question, donc : En quoi Socrate est-il fils de Dédale ? Je propose 3 interprétations.


1) D’abord, bien évidemment, c’est en tant qu’il est le patron, ou l’un des patrons de sa corporation, que Socrate se dit fils de Dédale. Il faut dire qu'il est coutumier, chez les Grecs, de se trouver des ascendances divines ou légendaires –mais chez les autres peuples également, Spinoza faisait la même remarque à propos des Juifs antiques. Les « hommes divins » sont, naturellement, fils de dieux. Ainsi, Platon, selon la légende, était fils d’Apollon.
D’ailleurs, ce n’est pas à n’importe quel moment que Socrate expose sa généalogie : Alcibiade ayant fait remonter sa famille jusqu’à Zeus, Socrate se réclame de Dédale et de là, d’Hephaïstos (Premier Alcibiade, 121a). Nietzsche sourit : Evidemment, le plébéien ne veut pas être en reste devant le jeune et bel aristocrate.

Cependant, c’est trop peu dire. Car si Socrate avait seulement voulu se hausser du col, il aurait pu choisir pour patron un autre artiste que Dédale. En effet, celui-ci n’est plus tellement au goût du jour, et les statuaires contemporains de Socrate en font plutôt un sujet de moquerie (Hippias Majeur, 282a). Entre parenthèses, lorsqu'on sait que Platon considère que Dédale a vécu entre 1.000 et 2.000 ans avant lui, on réalise la lenteur avec laquelle évoluait le goût des grecs.
Toujours est-il que Dédale présente une spécificité dans le panthéon des artistes, il est connu pour avoir inventé une nouvelle façon de représenter le corps humain. Jusque là, il semble en effet que les Grecs sculptaient leurs personnages jambes tendues et pieds droits, dans une attitude statique. Dédale aurait été le premier à séparer les pieds « à l’égyptienne », ce qui donnait le sentiment à ses contemporains que ses statues étaient en mouvement, qu’elles étaient animées.

Dans le Ménon (97b), Socrate utilise donc cette métaphore des statues qui marchent, et il l’utilise pour qualifier les opinions. Le passage mérite d’être cité en entier :

Socrate- Sais-tu donc pourquoi tu t’étonnes, ou te le dirai-je ?
Ménon- Oui certes, dis-le-moi.
Socrate- C’est parce que tu n’as pas tourné ton esprit [noun] vers les statues de Dédale ; mais peut-être n’y en a-t-il pas chez vous ?
Ménon- Mais pourquoi donc parles-tu de ça ?
Socrate- C’est qu’aussi bien celles-ci, si elles n’ont pas été attachées, prennent subrepticement la fuite et s’échappent, alors qu’attachées, elles restent en place.
Ménon- Et après ?
Socrate- [...] Et après ? À quel propos j’en parle ? À propos des opinions vraies. C’est qu’aussi bien, les opinions vraies, aussi longtemps qu’elles restent en place, sont une belle chose et produisent des oeuvres tout à fait bonnes ; seulement, elles ne consentent pas à rester en place très longtemps, mais s’échappent de l’âme de l’homme, si bien qu’elles ne sont pas de grande valeur tant qu’on ne les lie pas par un raisonnement sur la cause. Et cela, c’est, Ménon mon camarade, réminiscence, comme il a été convenu entre nous dans les [choses dites] antérieurement. Lors donc qu’elles sont liées, elles deviennent premièrement epistèmai, ensuite fixes. Et c’est bien pour ça qu’epistèmè est plus en honneur qu’opinion droite, et c’est par un lien qu’epistèmè se distingue d’opinion droite.
Ménon- Par Zeus, Socrate, il semble bien [que ce soit] quelque chose comme ça.
Socrate- Et pour sûr aussi, moi, je parle, non pas comme sachant, mais conjecturant. Mais que ce soient deux choses différentes, opinion droite et epistèmè, je pense pour ma part ne pas du tout le conjecturer, mais s’il restait quelque chose que je dirais savoir—et je le dirais de peu de choses—, une à coup sûr, et c’est çà, je l’admettrais au nombre de celles que je sais.
Ménon- Et c’est droitement [orthôs] en effet, Socrate, que tu parles.
On a là, à mon sens, le meilleur exposé de la théorie socratique de la connaissance selon Platon. Platon qui suggère la possibilité de l’epistèmè et en expose très succinctement la méthode (réminiscence), mais qui fait dire à Socrate que lui ne la possède pas. Socrate, il conjecture, eikazon, qui signifie également –dit ma traduction- "user d’une métaphore ou d’une image". Et pourtant, ne serait-ce qu'aux fins de se diriger dans la discussion et, à l'occasion, d'orienter son interlocuteur, il faut bien que Socrate possède une forme ou une autre de savoir ? De fait, Ménon le confirme, Socrate parle par opinion droite.

Mais ce n’est pas tout. Les statues, c’est donc une métaphore pour les opinions, qui changent –càd que l’une vient prendre la place de l’autre, se souvenir du discours de Diotime-, qui se meuvent, bref qui sont animées. Mais les statues de Dédale ne s'animent pas seules, c'est bien Dédale qui les met en mouvement. Or, il semble que Socrate ait hérité de cet art :

Euthyphron- Mais, Socrate, je ne sais comment t'expliquer ce que je pense ; car tout ce que nous établissons semble tourner autour de nous, et ne pas vouloir tenir en place.
Socrate- Euthyphron, tes principes ressemblent assez aux figures de Dédale, mon aïeul. Si c'était moi qui eusse mis en avant ces principes, tu n'aurais pas manqué de me dire que je tiens de lui cette belle qualité de faire des ouvrages qui s'enfuient, et ne veulent pas demeurer en place [périphrase, en fait Socrate emploie le terme « hypothèse »]. Malheureusement c'est toi qui es ici l'ouvrier. Il faut donc que je cherche d'autres railleries ; car certainement tes principes t'échappent, et tu t'en aperçois bien toi-même.
Euthyphron- Pour moi, Socrate, je n'ai pas besoin de chercher d'autres railleries, car ce n'est pas moi qui inspire à nos raisonnements cette instabilité qui les fait changer à tout moment ; c'est toi qui me parais le vrai Dédale. S'il n'y avait que moi, nos principes ne remueraient pas.
Socrate- Je suis donc plus habile dans mon art que n'était Dédale ; il ne savait donner cette mobilité qu'à ses propres ouvrages, au lieu que je la donne, à ce qu'il me paraît, non seulement aux miens, mais à ceux des autres : et ce qu'il y a d'admirable, c'est que je suis habile malgré moi ; car j'aimerais incomparablement mieux des principes fixes et inébranlables que l'habileté de mon aïeul avec les trésors de Tantale.
[Euthyphron 11b-11e]
Qu’est-ce qu’une statue ? C’est une idée, une forme, appliquée à la matière. Lorsque l’artisan taille dans la pierre, il révèle peu à peu au monde, et dans le monde, le modèle qu’il a en tête –ou bien, la réplique de celui qu’il a devant les yeux. On pourrait croire que c'est un démiurge. Mais c’est un démiurge stérile, car il ne donne pas la vie. Il l'imite, comprenons bien : il mime l'acte de procréation et d'engendrement. Alors qu’est-ce qu’une statue ? Un simulacre, un gâchis, autant dire rien, ou plutôt une chose qui ne devrait pas exister.
Nous ne savons pas pourquoi Socrate n'a pas persévéré dans la carrière de son père. Mais l'on peut imaginer qu'il a pris conscience de quelque chose. D’après Laërce toujours, il tempêtait régulièrement contre les sculpteurs qui imitaient la nature, prétendaient reproduire ce processus particulier qui consiste à faire émerger l’étant à partir de la matière inorganisée en lui appliquant une forme (la poiésis, n’est-ce pas), mais s’occupaient peu de ce qu’eux-mêmes, dans le même mouvement, ne devinssent semblables à cette matière. Magnifique théorie de la réification avant l’heure, non ? Et cependant, comme on le voit, Socrate continue, face à ses interlocuteurs, à se présenter comme un fils de Dédale. Retenons donc cela : A supposer que Socrate soit fils de Dédale, il faut comprendre qu’il possède un art qui anime l’inanimé, mais qui diffère pourtant en quelque manière de celui du statuaire, càd de l'artiste, du poète.


2) Dédale, comme chacun sait, n’était pas que sculpteur. La tradition fait également de lui un ingénieur en tout genre, inventeur, architecte, mécanicien, etc. (Lois, III, 677d). D’après Apollodore, il avait pris pour jeune apprenti son neveu. L’enfant était étonnamment doué, c’est lui qui aurait inventé la scie -en prenant comme modèle la mâchoire d’un serpent, je crois. Dédale, rongé de jalousie, le tua, et dut s’enfuir d’Athènes. Il passa en Crète où il sut se rendre utile au tyran de l’époque, Minos. En particulier, il conçut à sa demande une structure savamment agencée dans laquelle Minos cacha son fils, un monstre –c’est-à-dire un être mi-homme mi-bête.

Revenons à Socrate. Il fait une seconde fois allusion à Dédale dans l’Euthyphron (15b) :

Et en me parlant ainsi, tu t'étonnes que tes discours soient si mobiles ! et tu oses m'accuser d'être le Dédale qui leur donne [poiein] ce mouvement continuel, toi, incomparable Euthyphron, mille fois plus adroit que Dédale, puisque tu sais même les faire tourner en cercle ! Car ne t'aperçois-tu pas qu'après avoir fait mille tours, ils reviennent sur eux-mêmes ?
Avec cette métaphore, Socrate prétend donc évoquer la circularité du raisonnement d’Euthyphron : Tu as marché tout droit devant toi, certain de connaître la route, et vois où nous sommes parvenus, exactement au point d’où nous étions partis. Aussi faut-il maintenant reprendre au début ! Mais Euthyphron préfère s’éclipser, et le dialogue se termine dans l'aporie.
Il y a un autre passage des Dialogues où apparaît cette métaphore du cheminement circulaire, c’est dans l’Euthydème (291b). A Criton qui lui demande s’il a trouvé, dans sa discussion avec Clinias, à définir la philosophie, Socrate répond :

Comment, trouvé, mon ami ? Nous ne prêtions pas moins à rire que les enfants qui courent après les alouettes. Quand nous pensions en tenir une, elle nous échappait. Je ne te répéterai pas toutes celles que nous avons examinées ; mais, arrivés à l'art de régner, et considérant s'il était capable de rendre les hommes heureux, nous nous vîmes tombés dans un labyrinthe [labyrinthon] où, croyant être à la fin, nous étions obligés de retourner sur nos pas, et nous nous retrouvions, comme au commencement de nos recherches, aussi dépourvus que nous l'étions d'abord […] Aussi, Criton, nous voyant tombés dans cet embarras [aporia], etc.
Ses interlocuteurs disent suffisamment ce que Socrate fait aux pensées les plus sûres : Il les perd, il les égare dans le labyrinthe de sa dialectique. Cette conviction à ce point solide qu’elle était inspirée par les dieux eux-mêmes (et en qui peut-on avoir confiance, si ce n’est en les dieux ?), cette certitude qui guidait la conduite du fier Euthyphron dans l’existence, et qui lui inspirait même, reconnaissons-le, des actions courageuses, puisqu’elle l'incitait à dénoncer son propre père comme meurtrier : Aux yeux des dieux, affirmait-il, aucun meurtre n’est tolérable, fut-il celui d’un serviteur, fut-il perpétré par mon propre père ! cette assurance, Socrate la réduit à rien. Evidemment, ce n’est pas le même rien que celui du sculpteur, puisque c’est un rien débarrassé des statues, c’est un rien vide. Et qui pourrait être rempli. Mais Euthyphron préfère partir.
Parce que tout de même, si lui, maintenant, est vide, ce n’est pas le cas de Socrate.

Ce qui est assez terrifiant, chez Socrate, c’est qu’à proprement parler, il ne force personne. On entre volontairement dans le labyrinthe, on y pénètre même d’un pas décidé et confiant. Socrate sait en effet trouver les mots de la séduction. Il possède une étonnante connaissance de la psyché des hommes, il sait jouer sur le ressort qui fera se mouvoir son interlocuteur : L’ambition, la vanité. Euthyphron fait profession de divination, il prétend savoir ce que pensent les dieux ; Euthyphron est pieux, il prétend savoir ce qu’est la piété ; et Euthyphron est fier de ce savoir divin qui le hisse « au-dessus des hommes ». S'il te plait, enseigne-le moi, dit Socrate, ainsi pourrai-je me défendre au procès d’impiété qu’on me fait. Et Euthyphron s’avance dans le labyrinthe. Socrate est un prédateur.

Qu’y a-t-il au fond du labyrinthe de Socrate ? Quelque chose qui, dit-il, parle à sa place, qui manie le Logos, qui se meut dans le Logos. Si l’on en croit ce que dit Socrate dans le Second Alcibiade, ce n’est pas lui qui appelle, ce n’est pas lui qui séduit, ce n’est pas lui qui fait ces discours magnifiques, déstabilisants et séducteurs, ce n’est pas lui non plus qui enseigne, c’est ce « quelque chose ». Quoi ? Monstre, theos ou daïmôn, on ne sait, sans doute Platon ne le sait-il pas, mais manifestement, il ne cesse de se poser la question, et témoigne ainsi de la fascination que Socrate exerça sur ses contemporains. Reste la description du philosophe par Diotime :

il est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est brave, résolu, ardent, excellent chasseur, artisan de ruses toujours nouvelles, amateur de science, plein de ressources, passant sa vie à philosopher, habile sorcier, magicien et sophiste. (Banquet, 203d)


3) Dédale est père d’Icare.

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Message par Morologue Lun 6 Aoû 2018 - 19:44

Dédale est père d'Icare, ça semble vouloir dire ce que ça veut dire, mais Icare ne voulait pas que fondent ses ailes. Singulier dans ce cas, que Socrate ait voulu (contre Athènes) "se brûler les ailes". Il avait quelque chose à prouver, je pense, et il n'est jamais aussi "sans sagesse" qu'il le prétend : au contraire, il raisonne beaucoup, et avec fondement. Mais du coup, ça le fait retors, et un prédateur (comme vous dîtes) retors, aujourd'hui, on appelle ça "un pervers narcissique" ^^
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Message par maraud Lun 6 Aoû 2018 - 20:36

Morologue a écrit:...mais Icare ne voulait pas que fondent ses ailes.

Socrate "fils de Dédale", pour moi, cela signifie que Socrate se revendique de Dédale par ce qu'il a de mesuré ( Dédale est symboliquement l'exemple de la mesure dans tous les sens du terme) or, de la mesure née la démesure ( Icare).

Icare ne voulait pas, en effet, que ses ailes fondent, mais il a été victime de sa vanité en montant trop haut vers les dieux. Le soleil étant le symbole de l'intellect, le mythe nous dit que dans l'ordre des choses de l'esprit aussi, l’hybris est fatale.

Le pendant du mythe d'Icare, c'est le mythe de Tantale ( l'excès dans l'ordre des choses terrestres).



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Message par Morologue Lun 6 Aoû 2018 - 20:45

Non mais c'est juste que se faire fils d'Icare laisse effectivement la porte ouverte à l'identification. Est-on sûr qu'être frère d'Icare vaut mieux (Icare, au moins, n'a rien voulu prendre à son père ^^).

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Message par maraud Lun 6 Aoû 2018 - 20:55


Faut comprendre que ce revendiquer du héros d'un mythe , c'était quelque chose d'autrement plus profond que de ce revendiquer , pour ses influences, d'un groupe de rock quand on fait du rock par exemple.

Dédale fait une recommandation à son fils or son fils n'en tient pas suffisamment compte, partant on peut aussi prêter à Socrate, l'idée ironique qu'il donne des conseils que personne ne suit....( Il avait peut-être de l'humour)

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Message par Morologue Lun 6 Aoû 2018 - 21:20

Oui ?

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Message par Bergame Mar 7 Aoû 2018 - 9:42

Morologue a écrit:Dédale est père d'Icare, ça semble vouloir dire ce que ça veut dire, mais Icare ne voulait pas que fondent ses ailes. Singulier dans ce cas, que Socrate ait voulu (contre Athènes) "se brûler les ailes". Il avait quelque chose à prouver, je pense, et il n'est jamais aussi "sans sagesse" qu'il le prétend : au contraire, il raisonne beaucoup, et avec fondement. Mais du coup, ça le fait retors, et un prédateur (comme vous dîtes) retors, aujourd'hui, on appelle ça "un pervers narcissique" ^^
D'abord, je ne vois pas en quoi on peut dire que Socrate ait voulu quoique ce soit contre Athènes. Je ne vois pas ce qui pourrait supporter cette hypothèse dans les textes, et surtout, elle a l'inconvénient -à mes yeux- d'escamoter l'une des parts d'ambiguïté du personnage. Au contraire, Socrate est fermement attaché à la Cité, il le dit textuellement dans sa plaidoirie, il n'y a pas plus attaché que lui à Athènes -et ses actes plaident en faveur de cette argumentation, personne ne niant le courage et l'engagement de Socrate sur le champ de bataille, par exemple.
Socrate est d'ailleurs tellement attaché à Athènes qu'il n'en a jamais franchi l'enceinte -au contraire de ce que font ses contemporains "philosophes" qui voyagent de cité en cité afin de multiplier les rencontres, les enseignements, et les occasions de faire leçon. C'est l'un des points qui, au fond, distinguent Socrate des sophistes, qui sont en quelque sorte des maitres-compagnons du Logos.
Et pourtant, il est étranger au sein de sa propre cité. "Atopos" plus précisément, "sans lieu" -et c'était l'un des éléments qui m'avaient intéressé dans un autre texte : En quoi peut-on dire que Socrate est "atopos" ?

L'idée selon laquelle Socrate en sait toujours plus que ce qu'il prétend est typiquement et originellement une idée de Nietzsche. Mais là aussi, et même si Nietzsche nous a beaucoup aidé à développer un autre point de vue sur Socrate que son portrait académique, elle ne tient pas à la lecture des textes -du moins, aussi longtemps qu'on accorde crédit à ce que dit Socrate lui-même. Et là encore, il me semble que c'est beaucoup plus intéressant : Non, Socrate ne sait pas. D'ailleurs, s'il savait, l'autre ne se ferait pas piéger : Il n'entrerait pas dans le labyrinthe. Ce qui lui donne l'impulsion à entrer, c'est qu'il voit bien, il sent bien que Socrate ne sait pas non plus. C'est l'un des points les plus intéressants selon moi, et cela rejoint d'ailleurs -étonnamment- l'un des principes de base de la théorie habermassienne : Il ne peut y avoir dialogue que parce que les deux parties sont véritablement et sincèrement engagées dans un échange dont le résultat pourrait être l'accord intersubjectif. Si je sens que l'autre, qui m'invite à échanger, en fait cherche à se servir de ce que je vais dire contre moi, ou pour l'utiliser à ses propres fins d'une manière ou d'une autre, alors je n'entre pas dans la situation de dialogue, ou bien j'en sors rapidement.

Dès lors, le cas de Socrate est -à mes yeux- extrêmement subtil et profondément intéressant : Lui est véritablement en recherche, il le dit, le répète, le clame : tout ce qu'il sait c'est qu'il ne sait pas. Il pense seulement par "opinion droite". Et du reste, on le voit chercher, dans les Dialogues, on voit bien qu'il prend une voie, puis revient sur ses pas, en prend une autre, etc. -c'est là, d'ailleurs, et entre autres éléments, où on peut mesurer le propre génie de Platon. Mais l'autre en revanche, celui avec lequel Socrate converse, fait très souvent une expérience qui semble tout à fait détestable, et dont les textes rendent également compte : Il est pétrifié, se sent rabaissé, vidé, désemparé, il traite Socrate de "sorcier", etc.
C'est beaucoup plus intéressant, selon moi : Ce qui se passe alors n'est pas le résultat de la volonté de Socrate. Il y a "quelque chose" en Socrate -et manifestement, par un effet de miroir, en l'autre aussi- qui engendre ces réactions éruptives.

D'une manière générale, ma conviction est que nous ne comprenons plus les Dialogues. Que du moins, une large part échappe à nos esprits rationalistes modernes, éduqués au libre-arbitre et au calcul fin-moyens. "Zurück zu Platon" ! Socrate, fils de Dédale 3438808084

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Message par Morologue Mar 7 Aoû 2018 - 10:40

Vous me comprenez mal ^^
Je n'ai pas dit que Socrate voulait quelque chose contre Athènes tout court, mais qu'il aurait pu vouloir (ça fait quand même beaucoup de "si") se brûler les ailes contre elle ou, pour le dire sans ambiguïté : vouloir s'y brûler les ailes.
Icare s'élève vers le soleil, vers le sommet. Socrate, "cet original", recherche à sa manière le soleil athénien, le sommet d'Athènes, un pouvoir moral qu'il a d'ailleurs vue sa renommée dans le(s) texte(s). Pour quoi on lui en voudra et le condamnera. En somme, icarien, il est devenu ombrageux, ce que confirme l'Histoire ou ce qu'on en sait.

Cela fait globalement beaucoup de "si", mais ma dernière réponse à maraud (Oui ?) veut signifier la même chose : son hypothèse en comporte autant, et je pense que votre commencement de même, se hasarde. Mais il est agréable de se hasarder ainsi, non ? De toutes façons, dès que le mythe s'en mêle ... ^^

Je ne sais pas si Nietzsche juge Socrate en savoir plus que ce qu'il ne dit. Je le lis dans le texte. Socrate est au fait des théories de l'époque ^^ Il raisonne sur elles, à partir d'elles, etc. comme n'importe quel philosophe. Il y a une epochè et une zetetis socratiques, voilà tout (en plus de la maieuesthai). Il en sait plus que ce qu'il prétend ne pas savoir, cela je le lis "zurück zu Platon" tout seul comme un grand ^^

Tout cela n'est pas probe de sa part ^^ Se connaissait-il lui-même ? La filiation dédalienne soulignerait-elle l'impossibilité d'un qui je suis explicite ? Et quand et comment intervient le Minotaure dans l'équation ?
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