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Science intuitive et biodanza

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Message par axolotl Mar 22 Mai 2018 - 8:49

Après tout ceci, il n'y a plus qu'une question je crois: c'est où qu'on s'inscrit et combien coûtent les séances ?

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Message par Vanleers Mar 22 Mai 2018 - 14:12

Enfin quelqu'un qui pose les bonnes questions sur ce forum.

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Message par axolotl Mar 22 Mai 2018 - 14:53

Vanleers a écrit:Enfin quelqu'un qui pose les bonnes questions sur ce forum.
C'est juste parce que je dois avoir un humour bien enfoui au fond de moi mais il arrive qu'il ressorte
Non ne me dites pas que vous êtes venu ici pour recruter ???????????
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Message par Vanleers Mar 22 Mai 2018 - 14:58

Je vous laisse à votre perplexité.

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Message par axolotl Mar 22 Mai 2018 - 15:04

Vanleers a écrit:Je vous laisse à votre perplexité.
danke Schön
Ma perplexité vous remercie
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Message par Vanleers Mar 22 Mai 2018 - 15:49

you're welcome.

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Message par axolotl Mar 22 Mai 2018 - 16:19

you're welcome aussi

P.S. C'est rare un forum où on se fasse autant de politesses: d'habitude, hmmm, les forums comment dire...
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Message par Vanleers Mar 22 Mai 2018 - 16:53

Dans l’article signalé dans un post précédent :

Carole Rivière a écrit: Être Gestalt-thérapeute invite les personnes que j’accompagne à une communication essentiellement par les mots, être facilitatrice de Biodanza sollicite en priorité le corps, la mise en mouvement par la danse. Néanmoins, à la lumière de mon expérience, il me semble que ces deux pratiques, différentes dans leurs approches, s’enrichissent mutuellement. Les corpus théoriques de chaque discipline étant en cohérence, je me sens, dans mon style de Gestalt-thérapeute influencée par la Biodanza et inversement.

Je dirais également que l’Ethique et la biodanza s’enrichissent mutuellement, car l’Ethique apporte un corpus théorique plus rigoureux que celui de la biodanza et celle-ci, en sollicitant en priorité le corps, « empuissantise » (Lordon) les idées adéquates de la Raison (connaissance du deuxième genre) et de la science intuitive (connaissance du troisième genre) et les rend efficaces (affectantes).
Comme le note Pierre Macherey dans son commentaire d’Ethique V 39 :

Pierre Macherey a écrit: Il reste que cette égalité [du corps et de l’âme], qu’il faut sans cette réaffirmer, est aussi sans cesse remise en cause, ou tout au moins oubliée, d’où la nécessité de la réaffirmer : comme nous en avons déjà fait la remarque, la présence du corps est indiquée dans le texte de l’Ethique comme en pointillé, sur une sorte de ligne d’accompagnement, l’exécution de la mélodie principale restant réservée à l’âme.
Le risque de ce « pointillisme » est que l’Ethique reste abstraite, purement intellectuelle et sans effet sur la vie et le bien-être affectif des lecteurs et que « comme les flots de la mer agités par des vents contraires, ceux-ci restent ballottés, ignorants de ce qui les attend et de leur destin » (Ethique III 59 sc.)

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Message par Vanleers Jeu 24 Mai 2018 - 15:17

Notre bien-être affectif est menacé lorsque nous ne pouvons nous empêcher d’avoir des idées accompagnées d’affects tristes.
En d’autres lieux, on dira que nous sommes sous l’emprise de l’esprit de désolation.
Esprits de désolation et de consolation gouverneraient notre régime affectif : joie et tristesse, et notre propre esprit devrait être considéré comme le lieu où s’affrontent ces deux esprits.
Cette théorie peut trouver une certaine justification dans l’Ethique.
Dans son commentaire de la définition de l’idée (Ethique II déf. 3) :

Pierre Macherey a écrit: Aussi bien, concevoir, ce qui est ici rapporté à l’âme [mens] elle-même, signifie d’abord contenir ou absorber, accueillir en son sein, non pas féconder mais être fécondé, ce qui paraît réintroduire, au niveau de l’âme cette fois, la représentation d’une réceptivité, et restitue à l’idée, comme « formation » de l’âme, sa dynamique intrinsèque : à ce point vue l’idée est active dans l’âme, et non par l’âme, au sens où cette dernière serait elle-même le sujet volontaire de l’acte dont l’idée ne ferait que résulter. Toutes ces ambiguïtés seront définitivement levées lorsque la proposition 11 démontrera que l’âme est elle-même une idée : c’est comme idée qu’elle agit à l’égard des idées qu’elle « forme » en tant qu’elle en constitue la cause, en ce sens qu’elle constitue le terrain sur lequel ces idées s’élaborent. (pp. 27-28)

Autrement dit, toute idée que forme un esprit (mens) est la résultante de la composition d’idées extérieures à cet esprit et de l’idée qu’est cet esprit lui-même (analogie possible avec la somme de vecteurs en géométrie).
Lorsque l’idée formée peut s’expliquer par l’esprit seul, on dira que l’esprit en est la cause adéquate ; et cause inadéquate dans le cas contraire (cf. Ethique III déf. 1)
D’un point de vue pratique, il peut être efficace de considérer les idées extérieures qui entrent dans la composition de nos pensées comme des esprits qu’on appellera de désolation ou de consolation selon la tonalité des affects qui les accompagnent (tristesse ou joie).
En proie à des pensées tristes, nous dirons que nous sommes sous l’emprise de l’esprit de désolation, ce qui est un moyen de prendre de la distance par rapport à ces pensées et de commencer à s’en libérer.
Nous pouvons aussi appeler le secours de l’esprit de consolation, c’est-à-dire mettre en œuvre concrètement la proposition 7 de la partie IV de l’Ethique :

Spinoza a écrit: Un affect ne peut être réprimé ni supprimé si ce n’est par un affect contraire et plus fort que l’affect à réprimer

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Message par Vanleers Ven 25 Mai 2018 - 10:35

Je donne un exemple de recours à l’esprit de consolation. Il s’agit d’une hymne de l’Eglise orthodoxe qu’on peut écouter en :

https://www.youtube.com/watch?v=mA6_a6TbMcw

Voici les paroles :

Roi céleste
Consolateur
Esprit de Vérité.
Toi qui es partout présent
Et qui remplis tout.
Trésor des biens et donateur de vie.
Viens et demeure en nous.
Purifie-nous de toute souillure
Et sauve nos âmes
Toi qui es bonté.


Ce qui est étonnant, c’est qu’il est possible de faire une lecture spinozienne de cette hymne en assimilant le Roi céleste consolateur au Dieu-Nature de Spinoza.
Bien entendu, il s’agira d’une lecture particulière qui ne prétend pas dire la vérité de cette hymne, ni remplacer la lecture qu’en font les fidèles eux-mêmes.
On ne cherchera pas à donner ici les équivalents spinoziens de chaque expression car ils sont fonction de notre compréhension de l’Ethique.
Je me bornerai à noter que la musique accroît le pouvoir affectant des paroles, comme l’évoque Clément Rosset à propos d’Orphée dans le petit livre paru après sa mort en Mars 2018 : l’endroit du paradis.

Clément Rosset a écrit: Chanteur, instrumentiste, compositeur, improvisateur enclin à la danse, il est une sorte de demi-dieu qui invite, et contraint, l’ensemble des êtres vivants à abandonner tout souci et toute querelle au profit d’un entrain à la vie, au calme et à la joie. Orphée interrompt par son chant toute tristesse et à plus forte raison toute catastrophe. (p. 43)

Il est clair que le mythe d’Orphée est central dans la biodanza dont l’efficacité se fonde sur la puissance de la musique et du mouvement en groupe.

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Message par Vanleers Sam 26 Mai 2018 - 14:18

Le sujet de ce fil est d’examiner les rapports entre la connaissance du troisième genre, ou science intuitive, selon Spinoza, c’est-à-dire un système d’idées, et une pratique psychocorporelle, la biodanza.
Nous avons vu plus haut (page 5 du fil) avec Frédéric Lordon que la science intuitive restait lettre morte si elle n’était pas liée à des affects.
Compte tenu de l’importance de cette question (concrétiser l’abstrait), je cite un peu longuement deux exemples donnés par F. Lordon dans le même ouvrage : sur la cure analytique et sur la relative absence de réaction politique au changement climatique.

Frédéric Lordon a écrit: Que la raison, en tant que telle [et, sans doute, la science intuitive aussi – note Vanleers], c’est-à-dire à elle seule, soit impuissante à produire des effets dans nos existences, tous ceux qui passent par la cure analytique le savent parfaitement, qui peuvent très bien avoir l’intellection rationnelle de leur névrose (supposé que cet énoncé ait un sens… ce qui est en réalité assez douteux) sans parvenir pour autant à s’en libérer. Et précisément, s’en « libérer » (avec la même réserve que précédemment) demande davantage : un renouage d’affects, un retraçage des plis – dont le principal opérateur est le transfert.
Mais ça n’est pas tant la raison elle-même qui est en question ici – sinon pour fournir un argument a fortiori – que, très généralement, la nature idéelle des idées. Où se confirme une nouvelle fois que la politique, contrairement à la présentation complaisante qui en est souvent faite, n’est pas une affaire « d’idées », mais une affaire de production d’idées affectantes – ce qui suppose de leur adjoindre un supplément. De cette impuissance des idées en tant qu’idées, fussent-elles vraies, il n’est sans doute pas de meilleure illustration que la question du changement climatique, dont les données objectives sont maintenant très sûrement établies, les anticipations parfaitement inquiétantes… sans pour autant susciter la moindre réaction politique à la mesure de la gravité de la situation. Nombreux sont ceux, tel Jean-Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain – Seuil 2004), qui s’interrogent sur l’incapacité d’une catastrophe annoncée – et de quelle ampleur – à produire la moindre correction de trajectoire. Comment comprendre que la claire figuration du désastre soit si incapable d’en empêcher l’advenue, puisque cet empêchement ne dépend que de nous ? C’est précisément que cette figuration n’est peut-être pas si claire que ça. Il faudrait même dire davantage : c’est peut-être que la pensée du désastre n’est pas encore passée à l’état de figuration, c’est-à-dire d’imagination – d’images vives. Or les images des choses, non seulement les images instantanées mais celles qui sont restituées par la mémoire ou plus généralement produites par l’imagination, sont des affections du corps qui, comme telles, et à l’inverse des idées (pures), ont, elles, le pouvoir de déterminer des désirs et des mouvements. Qu’il y ait des idées sans images, on le sait bien, ces idées qu’on dit « abstraites », et qui ne se mettent à nous parler que si elles peuvent en quelque manière nous devenir sensibles – c’est bien, par exemple, toute la fonction du schématisme chez Kant que d’organiser la présentation des concepts à l’intuition, c’est-à-dire sous une forme sensible. L’étymologie même du mot « théorie » – de theorein, qui signifie voir – n’atteste-t-elle pas indirectement, elle aussi, cet effort en vue de la sensibilisation des idées ? Mais « sensibiliser » les idées, c’est bien les doter de puissance puisque c’est leur associer des affections du corps, par exemple des images, et les rendre alors capables d’affecter. Pourvu du moins qu’elles soient d’intensité suffisante. Car en ces matières tout est question de degré de puissance et de rapport de forces (passionnelles) (Ethique IV 7) pp. 57-58

Ces deux exemples montrent en quoi consiste le véritable intérêt de la raison et de la science intuitive dans la philosophie de Spinoza, ce qu’on reprendra dans le post suivant.

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Message par Vanleers Dim 27 Mai 2018 - 9:40

L’approche de l’Ethique de Frédéric Lordon, illustrée par les deux exemples rapportés dans le post précédent, souligne que la véritable importance de la raison et de la science intuitive est de susciter des affectifs actifs qui réduisent, voire suppriment les passions tristes.
Spinoza en mentionne très peu.
Concernant la raison, c’est-à-dire la connaissance par notions communes, ce sont :
1) Les deux désirs constituant la fortitudo (force d’âme, fortitude) : l’animositas (fermeté, vaillance, courage) et la generositas (générosité).

2) L’acquiescentia in se ipso (satisfaction de soi, assurance en soi-même)

3) L’amor erga Deum (amour envers Dieu)

Concernant la science intuitive : l’amor intellectualis Dei (amour intellectuel de Dieu) qui n’est autre que l’amor erga Deum conçu sub specie aeternitatis.

On a dit que le spinozisme était un rationalisme « absolu » (Gueroult).
Mais, en réalité, ce rationalisme ne sert qu’à initier quatre affects actifs : deux désirs et deux joies.
L’essence de la raison, mais on en dira autant de la science intuitive, c’est notre esprit en tant qu’il comprend clairement et distinctement (Ethique IV 26 dém.).
Cette clarté dans notre esprit n’est pas directement opérante, elle n’a d’effet concret qu’en suscitant des affects, c’est-à-dire en tant que le corps y est associé (cf. la définition de l’affect – Ethique III déf. 3)
Le corps (précisons : le corps affectif et non le corps organique) à propos duquel :

Spinoza a écrit: Qui a un Corps apte à un très grand nombre de choses a un Esprit dont la plus grande part est éternelle (Ethique V 39)

Un esprit clair dans un corps sensible : telle pourrait être la traduction spinozienne de mens sana in corpore sano.

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Message par Vanleers Lun 28 Mai 2018 - 16:30

Dans l’expression « Un esprit clair dans un corps sensible », énoncée dans le post précédent, il faut entendre le corps au sens du corps affectif, c’est-à-dire le corps en tant qu’affectable, ce que Spinoza appelle aussi l’ingenium, que l’on traduit par « complexion ».
L’ingenium ou complexion se modifie au cours du temps comme l’écrit Frédéric Lordon dans le livre déjà cité :

Frédéric Lordon a écrit: Au demeurant il faut distinguer deux manières d’être modifié. La forme faible de la modification consiste en l’affect lui-même. Un affect, nous dit Ethique III déf. 3, est une affection qui fait varier la puissance d’agir du corps – et cette variation est bien en soi une modification. Une modification en un sens faible cependant, puisqu’elle est enregistrée à structure d’affectabilités (à complexion) invariante. La modification au sens fort, c’est celle qui touche l’ingenium lui-même. C’est non pas la modification par affect, donc faisant jouer des affectabilités données, mais la modification des affectabilités elles-mêmes. Bien sûr il y a toujours une affection et un affect au départ de la modification forte. Mais une affection suffisamment intense pour laisser une trace structurante dans le corps. C’est-à-dire pour ajouter un pli nouveau à l’ingenium qui n’est, rappelons-le, que la récapitulation des traces dont le corps a été marqué au fil de ses expériences – l’ingenium, en définitive, ça n’est rien d’autre que le corps tracé. Nouvelle trace, ou nouveau pli si on s’autorise un écart au lexique spinozien, en tout cas nouvelle affectabilité. Et le mode est modifié – au sens fort. Littéralement parlant, il réagit d’une nouvelle manière, il est, par exemple, devenu sensible à d’autres choses qui le laissaient indifférent, ou différemment sensible à des choses qui l’affectaient autrement. (pp. 176-177)

Vivre sous la conduite de la raison ou dans l’inspiration de la science intuitive ne sera effectif que si le corps est tracé d’une certaine façon.
C’est ce que Spinoza dit lui-même dans le scolie d’Ethique V 10 en préconisant d’imaginer souvent des situations où nous serons offensés ou mis en danger et d’imaginer les meilleurs moyens d’y faire face (générosité, vaillance, présence d’esprit, fortitude). Rappelons que Spinoza appelle « images » les traces corporelles et leurs idées (Ethique II 17 sc.). Ce qu’il préconise est donc de tracer le corps conformément aux principes de la raison.
La biodanza, quant à elle, vise également des modifications fortes du corps affectif, de l’ingenium (son créateur, Rolando Toro, visait même des modifications du corps organique).
Le traçage du corps affectif par la biodanza est cohérent avec la science intuitive et contribue à rendre celle-ci opérante.

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Message par Vanleers Mer 30 Mai 2018 - 11:57

Pour illustrer le traçage du corps affectif (par la biodanza ou autre chose), je cite encore Frédéric Lordon à propos de ce qu’il appelle l’imagination intellectuelle.

Frédéric Lordon a écrit: Elle réside dans la capacité à lier richement des images aux signes par lesquels arrivent les idées. Celui qui a ainsi une vive imagination intellectuelle, son corps rappelle en abondance des images dont l’intensité suffit à l’affecter comme si les choses dont elles sont les images étaient présentes. Et ceci simplement à partir des signes – phonèmes ou graphèmes. Je lis les mots « état d’urgence » ou « loi de surveillance », et aussitôt m’arrivent des images d’intrusion électronique, de policiers à l’autre bout des tuyaux, lisant et regardant des choses de ma vie, des images si vives que c’est comme si tous ces faits étaient là, sous mes yeux. Alors oui, ce ne sont plus seulement des mots : littéralement parlant – puisque j’ai des images – je vois, et par conséquent je vis, dans mon corps, ce dont ils sont les mots. J’entends les sons qui disent « violence policière sur un lycéen » et, par l’effet de mon imagination intellectuelle, c’est comme si le lycéen était battu devant moi.
Des gouffres d’incompréhension séparent ceux qui ont des images et ceux qui n’en ont pas. Des scènes entières s’animent devant les yeux des uns quand les autres, n’ayant entendu que des phonèmes, mais incapables de les lier à rien, en tout cas rien de vivace, en restent à des idées abstraites, sans pouvoir d’affecter, et sont dans l’impossibilité de saisir ce qui fait toute l’agitation des premiers. Pourvu qu’elle se généralise, l’imagination intellectuelle est alors une arme politique : elle est le seul antidote aux vilenies des puissants. Car ce que les mots portent à la connaissance, elle le porte à la sensibilité, c’est-à-dire au corps, qui s’en trouve affecté. (pp. 172-173)

La lecture de l’Ethique n’aura aucun effet sur le lecteur si ce que les mots portent à sa connaissance n’est pas porté à sa sensibilité, c’est-à-dire à son corps, pour reprendre les mots de F. Lordon.
D’où l’importance du traçage du corps par l’imagination, l’image selon Spinoza étant une trace sur le corps et, dans l’esprit, l’idée de cette trace.
Rappelons que Spinoza ne sous-estime pas l’imagination, l’ars imaginandi, et distingue la situation dans laquelle « nous imaginons simplement » (simpliciter imaginamur) (Ethique V 5 dém.) de celle dans laquelle « nous imaginons plus distinctement et avec davantage d’énergie » (distinctius et magis vivide imaginamur) (Ethique V 6 sc.).

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Message par Vanleers Sam 2 Juin 2018 - 14:59

Comme déjà indiqué ci-dessus, on constate qu’au fil des séances de biodanza, les exercices corporels proposés induisent progressivement un sentiment d’empathie mutuel entre les participants au groupe.
On pourrait presque parler d’« intrication affective » (au sens de l’intrication de particules en mécanique quantique !).
Joue à plein le mimétisme des affects décrit en Ethique III 27 :

Spinoza a écrit: De ce que nous imaginons une chose semblable à nous, et que nous n’avons poursuivie d’aucun affect, affectée d’un certain affect, nous sommes par là même affectés d’un affect semblable.

Ceci arrive, notamment, lorsqu’un participant est en souffrance, ce qui suscite la tristesse des autres participants.
Toutefois la tristesse peut coexister avec la béatitude dans le même individu, comme l’écrit Pascal Sévérac (Spinoza Union et Désunion – Vrin 2011) :

Pascal Sévérac a écrit: La béatitude est satisfaction de l’esprit, jouissance de perfection, réjouissance de son union avec Dieu ; elle ne saurait donc être, en elle-même, diminution de puissance, passion de tristesse. Mais si nous la comprenons dans l’unité concrète de la durée et de l’éternité, la béatitude peut alors se concevoir comme contemporaine d’une tristesse, puisque pour diminuer en perfection, il faut en être doté : s’il est possible de jouir de sa perfection en même temps qu’on en perd, alors on peut être béat et triste à la fois. Cette béatitude est alors vécue comme un pôle de résistance à tout amoindrissement de la vie en soi : amour envers Dieu, elle affirme la puissance infinie du réel en notre être singulier. Bien plus, amour de notre esprit pour Dieu, la béatitude se comprend et se vit comme participation à l’amour infini que Dieu se porte à lui-même. Le réel, en toutes ses dimensions, pensée et matière à la fois, est aussi affect, c’est-à-dire puissance d’amour éternel et infini dont tout être vivant, à la mesure de son esprit et de sa conscience, fait l’expérience. (p. 252)

La biodanza remplace le mot Dieu par Vie. On parlera donc d’union avec la Vie, d’amour envers la Vie, d’amour de notre esprit pour la Vie, de l’amour infini que la Vie se porte à elle-même.
Ce que la biodanza appelle Vie a fait l’objet d’une élaboration rigoureuse et claire dans l’Ethique sous le nom Dieu.
La science intuitive, connaissance par idées adéquates et point culminant de cette élaboration, apparaît dès lors comme un garant intellectuel de la pratique psychocorporelle de la biodanza.

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Message par Vanleers Lun 4 Juin 2018 - 7:09

Loin d’être une simple technique de développement personnel, la biodanza, la danse de la Vie, conduit à faire l’expérience, en situation, que « Ce n’est pas moi qui vit, c’est la Vie qui vit en moi » (cf. Galates 2, 20).
Cette expérience concrète est également celle de la science intuitive qui conduit à voir la vie et sa propre existence d’une autre façon, en prenant conscience qu’un être humain n’est pas une monade isolée et que son existence n’est autre qu’une expression particulière de la puissance de la Vie, que Spinoza appelle Dieu, car :

Spinoza a écrit: La puissance de Dieu, par laquelle lui-même et toutes choses sont et agissent, est son essence même (Ethique I 34 dém.)

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Message par Vanleers Mar 5 Juin 2018 - 8:45

Je relie ce qui est dit dans le post précédent à la notion de « grande santé » chez Nietzsche.
La grande santé, c’est l’autodéploiement irrésistible de la Vie, de ce que les anciens Grecs ont appelé la Phusis.
Il ne suffit pas de prendre conscience que chaque être est une manière singulière de l’autodéploiement de la Vie, il est nécessaire d’en éprouver le sentiment pour que cette connaissance ait des effets réels.
Ce sentiment, c’est l’amour intellectuel de Dieu (cf. Ethique V 36 sc.)
On retrouve ce même sentiment en biodanza sous forme de l’agapé entre participants.

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Message par axolotl Mar 5 Juin 2018 - 20:45

Je ne suis pas d'accord avec vous pour assimiler le Dieu-Nature de Spinoza à un dieu transcendantal comme vous l'avez fait au-dessus.
Juste ça: les autres points je suis pas assez calé... Ni sur Spinoza ni ailleurs. Ceci dit ce qui est bien dans la philo, c'est que ce n'est précisément pas une science exacte. Et son mérite et intérêt, qu'elle ne procède pas du tout par constructivisme (et empilement méthodique et systématique suivant le critère draconien du binaire, le vrai/faux ce qui est bizarre car il existe bien d'autres logiques que celle du tiers exclu) comme les sciences exactes sauf pour des philosophies-systèmes comme Kant, Hegel aussi... Mais que les philosophies sont un endroit où l'on peut piocher dans quasiment n'importe quel ordre pour en extraire ce qu'on veut et où l'on veut, à moins que l'on fasse de l'histoire de la philosophie où là c'est différent forcément et la précision devient obligatoire du coup: je dis cela parce que je fréquente aussi un forum de sciences et si on dit pas les trucs formulés exactement comme eux le voient et tel qu'ils le voient, comme c'est écrit dans les articles de sciences ou les livres référents, on se fait mitrailler à vue. On n'a rien compris à la physique, on est des ignares et ils se privent pas de vous le faire remarquer. Exit le pluralisme et des gens comme Feyerabend sont vécus par eux comme des sorciers ou des monstres même....
Alors que si on n'a rien compris à la philosophie d'Untel ou autre, ce n'est pas forcément signe de bêtise... Le paradoxe -si paradoxe il y a !- c'est Sextus Empiricus. Le réalisme naïf c'est le seul système valable pour lui, dirait-on, et qui tienne la route... Et effectivement d'une certaine façon, d'une façon objective quasiment, c'est vrai: il faut reconnaitre que ça tient la route.
Quel besoin de s'encombrer de la question d'un dieu -même de plusieurs- que ce soit au travers du panthéisme de Spinoza ou du transcendantalisme de Kant ?
Voici un court récapitulatif de certaines de ses phrases qui pour le coup n'ont pas franchement l'air d'avoir été pensé par un "philosophe". Et pourtant...
En français on parle de la "foi du charbonnier" pour exprimer la naïveté quasi dogmatique (je sais, les 2 termes paraissent contradictoires!) du croyant. Avec lui on pourrait parler presque du "scepticime du charbonnier" tellement il semble refuser toute idée même de croyance et de foi. Les sens, la sensibilité et l'intellect, le tout saisi dans l'immédiateté du jugement, voilà tout ce qui compte.

WiKi a écrit:Sextus Empiricus compte dix "arguments" "par lesquels, semble-t-il, on est conduit à la suspension du jugement (tiré de WiKi)

1) "la variété des animaux". "L'eau de mer est désagréable et même toxique aux humains qui la boivent, alors que pour les poissons elle est agréable et potable."
2) "la différence entre les humains". "Ainsi, ceux qui souffrent d'un ictère disent que sont jaunes les choses qui nous apparaissent blanches."
3) "les différentes constitutions des organes des sens". "Les sens ne sont pas d'accord entre eux, c'est obvie. Ainsi, les tableaux présentent à la vue des creux et des reliefs, alors que ce n'est pas le cas pour le toucher... C'est pourquoi nous ne serons pas en mesure de dire ce que chacune de ces choses est de par sa nature, mais il sera possible de dire chaque fois ce qu'elle paraît être."
4) "les circonstances extérieures". "Le même air semble froid aux vieillards et tempéré à ceux qui sont dans la force de l'âge."
5) "les positions, les distances et les lieux". "La même rame paraît brisée dans la mer et droite en dehors."
6) "les mélanges". "Aucun des objets ne nous tombe sous le sens par lui-même, mais toujours avec quelque chose... Le corps plongé dans l'eau est léger, alors que dans l'air il est lourd."
7) "la quantité et la constitution des objets". "Le vin bu avec modération nous fortifie, mais pris en trop grande quantité il affaiblit le corps.".
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Message par Vanleers Mar 5 Juin 2018 - 22:36

axolotl a écrit:Je ne suis pas d'accord avec vous pour assimiler le Dieu-Nature de Spinoza à un dieu transcendantal comme vous l'avez fait au-dessus.

Je suis d’accord avec vous qu’il ne faut pas assimiler le Dieu-Nature de Spinoza à un Dieu que je qualifierais de transcendant (transcendantal est une notion plutôt kantienne), le Dieu des religions du Livre par exemple.
Ce qui vous a peut-être trompé, c’est l’emploi du mot agapè.
Ce mot appartient au vocabulaire chrétien à la suite de Saint Paul.
Je me suis risqué à l’utiliser dans un cadre spinozien en m’appuyant sur le scolie d’Ethique V 36 dans lequel Spinoza écrit que l’amour envers Dieu n’est autre que l’amour de Dieu envers les hommes.

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Message par Vanleers Mer 6 Juin 2018 - 10:51

axolotl a écrit:
Quel besoin de s'encombrer de la question d'un dieu -même de plusieurs- que ce soit au travers du panthéisme de Spinoza ou du transcendantalisme de Kant ?

Le mot « Dieu » qu’emploie Spinoza semble poser problème à nombre de nos contemporains.
On peut le remplacer par « Vie », Spinoza ayant lui-même reconnu cette équivalence :

Spinoza a écrit: Nous entendons donc par “ vie ” la force par laquelle les choses persévèrent dans leur être et, comme cette force est distincte des choses elles-mêmes, nous disons à juste titre que les choses elles-mêmes ont la vie. Mais la force par laquelle Dieu persévère dans son être n’est rien d’autre que son essence : ceux-là parlent donc très bien, qui appellent Dieu “ la vie ”. (Pensées Métaphysiques II 6)

J’ajoute ceci.

Vous posez la question de l’utilité de la philosophie, ce qui entre dans le sujet de ce fil.
En effet, examiner la question du rapport entre la science intuitive dans l’Ethique de Spinoza et la biodanza, c’est supposer implicitement que l’on considère la philosophie comme une manière de vivre, c’est-à-dire retrouver la perspective antique d’avant le christianisme, ce qu’a étudié, notamment, Pierre Hadot.
On peut comparer l’art de vivre que propose Spinoza aux philosophies hellénistiques : Cynisme, Stoïcisme, Epicurisme, Scepticisme, pour ne citer que les plus importantes.
Pour ma part, je trouve le Scepticisme antique très intéressant, surtout celui, radical, de Pyrrhon et, à un degré moindre, celui de Sextus Empiricus.
A mon point de vue, l’éthique spinozienne l’emporte en intérêt sur le pyrrhonisme mais c’est affaire d’appréciation personnelle.

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Message par axolotl Ven 8 Juin 2018 - 11:43

J'imagine que vous connaissez les cours de Deleuze sur Spinoza.
Je mets le lien ici au cas où quelqu'un voudrait les chercher, notamment sur les 3 genres de connaissances
Très bien expliqué.

P.S. Je suis en train de réfléchir sur ces 3 genres de connaissance pour essayer d'inventer une méthode pour arrêter de fumer. Qu'en pensez-vous ?
Je vais l'essayer sur moi et puis voir après si ça peut marcher pour d'autres.
On ne sait jamais.
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Message par Vanleers Ven 8 Juin 2018 - 16:38

Spinoza distingue en effet trois genres de connaissance.
Du troisième genre de connaissance ou science intuitive naît nécessairement un amour intellectuel de Dieu (corollaire d’Ethique V 32), autre nom de la béatitude (corollaire d’Ethique V 36).
Or, c’est parce que nous jouissons de la béatitude que nous pouvons réprimer les « désirs capricieux » (libidines – traduction Pautrat 2010) :

Spinoza a écrit: La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même ; et ce n’est pas parce que nous réprimons les désirs capricieux [libidines] que nous jouissons d’elle, c’est au contraire parce que nous jouissons d’elle que nous pouvons réprimer les désirs capricieux. (Ethique V 42)

Donc, à la connaissance du troisième genre est associé le pouvoir de réprimer ce « désir capricieux » qu’est le désir de fumer.

J’ajoute ceci :

Dans sa traduction de 1998, Pautrat avait traduit libidines par « appétits lubriques ».

Il a justifié son changement de traduction dans Ethica sexualis – Payot 2011. En Ethique V 42, écrit-il, « le mot désigne très largement les « désirs capricieux », déraisonnables, aveugles ou irréfléchis » (p. 236)
Notons que Misrahi traduit libidines en Ethique V 42 par « désirs sensuels », Appuhn par « appétits sensuels », Guérinot par « penchants » et Saisset par « mauvaises passions », ce qui paraît être la meilleure traduction.

Pour faire le lien avec la connaissance du deuxième genre ou raison, il faut considérer que l’amour intellectuel de Dieu (amor intellectualis Dei) ne surgit pas ex nihilo dans l’Ethique mais apparaît au terme d’une démarche rationnelle concrète visant à réprimer et maîtriser les affects.
Dans la première moitié de la cinquième partie, cette démarche, on pourrait dire ce travail, fondé sur la connaissance du deuxième genre, aboutit à l’amor erga Deum. Pascal Sévérac décrit ce processus :

Pascal Sévérac a écrit: Celui qui s’efforce de comprendre et de modérer ses affects éprouve une joie qu’accompagne l’idée de sa liberté comme modèle : en ce sens il est conduit ex solo libertatis amore [Ethique V 10 sc.]. Cet amour de la liberté peut même être entendu comme ce qui annonce l’amour de Dieu dont les propositions 11 à 20 expliquent l’origine, la nature et la force. En effet, en même temps que, sur la base du développement de la rationalité, se met en place une double logique de destruction de l’imaginaire admiratif simple et de construction de l’imaginaire pluriel simultané, se substitue aux amours mauvaises (l’amour de causes finies imaginées comme libres) l’amour de la cause réellement libre qu’est Dieu. Cet amour envers Dieu est éprouvé dès lors que l’imaginaire du rationnel, impliquant une expansion de la puissance de penser, est rapporté à l’idée de Dieu, cause libre ou cause par soi. L’amor erga Deum naît donc de la compréhension des affects, en tant que celle-ci rapporte les images des choses (les affections du corps), à l’idée de la communauté universelle à toutes choses entendue comme attribut divin : autrement dit, à l’idée de la cause première qu’est Dieu, par lequel s’expliquent toutes choses. (Le devenir actif chez Spinoza p.392 – Honoré Champion 2005)

Pour être complet et relier amor erga Deum et amor intellectualis Dei, citons Chantal Jaquet :

Chantal Jaquet a écrit:[…] entre l’amor erga Deum et l’amour intellectuel de Dieu, il n’y a pas de différence de nature. C’est un seul et même amour qui se spécifie en amor erga Deum lorsqu’il est rapporté à l’esprit en relation avec le corps, et en amour intellectuel de Dieu lorsqu’il est rapporté à l’esprit sans relation avec l’existence du corps. (Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza pp. 75-76 – Publications de la Sorbonne 2005)

En résumé, les désirs capricieux, « déraisonnables, aveugles et irréfléchis » sont réprimés par le désir de vivre dans la félicité ou béatitude (Ethique II 49 sc. fin du I°).

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Message par Vanleers Sam 9 Juin 2018 - 14:52

Pierre Roche a publié un article Normativité, grande santé et persévérance en son être qu’on peut lire en :

https://journals.openedition.org/pistes/3469

En vue d’approcher la notion de santé, l’auteur étudie les concepts de normativité (Canguilhem), de grande santé (Nietzsche) et de persévérance en son être (Spinoza).
A propos de Nietzsche :

Pierre Roche a écrit: Pouvions-nous ici oublier Nietzsche, celui-là même qui assigne à la philosophie la tâche de comprendre la santé plutôt que la vérité ? Assurément non et nous le pouvions d’autant moins que la conception de la santé comme augmentation de la puissance normative de Canguilhem rejoint les réflexions qu’il développe autour de la notion de grande santé afin de ressaisir la vie dans sa relation avec la création et de battre en brèche la culture nihiliste et morbide du ressentiment.

Mais ce qui nous intéresse ici, en rapport plus direct avec le sujet, c’est ce qu’il écrit à propos de Spinoza :

Pierre Roche a écrit: [pour Spinoza,] la santé est augmentation de la puissance d’agir non pas in abstracto mais dans la multiplicité des normes et des allures de vie. Elle se construit donc contre toute forme d’affectivité passionnelle, triste ou joyeuse, qui tend à brider la multiplicité normative de la puissance d’agir et à rétrécir le « milieu » de vie.
Enfin, pour ne pas manquer l’essentiel et une dimension qui spécifie ici fortement Spinoza eu égard à Canguilhem et Nietzsche, n’oublions pas de souligner que la santé, dans une telle approche, ne peut être abordée que relationnellement. C’est en raison de leur pouvoir d’affecter les autres ou d’être affectés par eux (potestas) que les individus augmentent ou diminuent leur puissance d’agir (potentia). C’est en raison de ce pouvoir-là qu’ils construisent ou détruisent leur santé. S’ils entrent dans une relation de composition positive avec d’autres puissances, humaines et extrahumaines, s’ils font de « bonnes » rencontres, ils éprouvent des affects actifs et augmentent leur puissance d’agir ; s’ils entrent dans des relations négatives avec celles-ci, s’ils font de « mauvaises » rencontres, ils éprouvent des affects passifs et diminuent leur puissance d’agir. C’est dire que la construction de la santé, dans une telle perspective, requiert la construction de rapports sociaux à l’intérieur desquels les individus s’affectent mutuellement d’une façon positive et non négative

On remplacera simplement « affects actifs » par « affects joyeux » et « affects passifs » par « affects tristes » car il y a des passions joyeuses.

A propos de la question, plus spécifique, de la santé du corps, citons une note du chapitre 4 de Le conservatisme paradoxal de Spinoza de François Zourabichvili :

François Zourabichvili a écrit: Spinoza définit la santé par l’aptitude d’un corps à tout ce qui peut suivre de sa nature (Ethique IV 45 sc.), c’est-à-dire son pouvoir d’être affecté et d’affecter de multiples façons (Ethique IV 39 dém.). Parmi les exercices ou aliments qu’il recommande figurent non seulement les jeux du corps, mais la musique, le théâtre, les parfums, etc. On ne saurait donc ramener cette santé aux performances d’un athlète. Il s’agit plutôt d’un corps à la fois agile et sensible. Faute de mieux, c’est-à-dire d’un mot non seulement capable de réunir ces deux significations, mais qui reste proche de l’expérience de Spinoza, nous proposons dansant qui fait inévitablement mais qui oserait dire fâcheusement ? songer à Nietzsche.

Voilà qui nous ramène à la biodanza.

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Message par Vanleers Lun 11 Juin 2018 - 10:41

A propos de la santé, Hélène Levy-Benseft écrit, dans sa présentation de la biodanza en :

http://www.imagesetmots.fr/pages/divers/biodanse_presentation.htm

Hélène Levy-Benseft a écrit: Les thérapies et la médecine ont bien cerné le parcours qui va de l’émotion à la maladie, elles s’adressent aux causes de celle-ci et aux moyens de la soigner, voire de l’éradiquer.

La biodanza se penche sur les causes de la santé et s’adresse aux ressources, aux conditions environnantes et aux différents facteurs qui permettent de la préserver et de l’amplifier.

La question de la santé dans l’œuvre de Spinoza est étudiée par Alison Bouffet dans « Affectuum remedia » : le remède, la santé et le salut dans l’œuvre de Spinoza en :

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01427060/document

Citons la fin de sa conclusion :

Alison Bouffet a écrit: Dès lors, il ne s’agit pas, dans le concept spinoziste de « remèdes aux affects », de combattre et vaincre la maladie et la mort : elles sont les conséquences du déterminisme, les effets nécessaires de notre rapport avec les autres modes. Il s’agit au contraire de nous proposer une méditation de la vie : « L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie » (Ethique IV 67). Confronté à la douloureuse question de l’insignifiance, le sujet spinoziste trouvera ces remèdes qu’il désire ardemment, sans prier ni s’effrayer, mais en développant ses forces propres. […]. Le seul vrai remède pour la nature humaine est son accomplissement, défini par la reconnaissance de la continuité de son corps et de son esprit. Affronté à la déchirante question de la perte et de l’amour (cf. TRE § huit), Spinoza trouvera le dernier mot de la pratique thérapeutique dans l’érotique, et la Joie d’un Amour constant : l’Amor Erga Deo.

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Message par Vanleers Mer 13 Juin 2018 - 11:57

On retrouve, dans un article d’Henrique Diaz, l’idée que, pas plus que la biodanza (cf. dans le post précédent, ce qu’écrit Hélène Levy-Benseft), l’éthique de Spinoza ne saurait se réduire à une thérapie. C’est en :

http://spinozaetnous.org/wiki/Pour_lire_Spinoza

Avec Spinoza, il s’agit d’éviter les souffrances inutiles, de vivre légèrement et d’accéder à une joie de vivre éternelle et continuelle :

Henrique Diaz a écrit: Et puis l'illusion fait finalement beaucoup plus souffrir que la lucidité. Combien d'efforts faut-il pour se convaincre que nos illusions n'en sont pas ? Combien de déceptions, de dépressions, d'accusations, de jalousies, de haines à cause de l'illusion ? A l'inverse, quand on a laissé de côté tous ses châteaux en Espagne, quand on s'est déchargé de la tâche infinie de se convaincre que nos illusions n'en sont pas, comme la vie devient légère et simple ! On peut donc lire Spinoza pour se défaire de la servitude des illusions, pour vivre la vie telle qu'elle est et la vivre légèrement.

Lire Spinoza, une thérapie ? un moyen donc de soigner les souffrances mentales dues aux illusions ? Oui, si l'on veut. Mais il s'agit là surtout des souffrances ordinaires que l'on s'inflige ou que l'on en vient à infliger aux autres pour défendre nos chères illusions. Pour les cas pathologiques graves, il est sans doute nécessaire de se faire aider par un tiers, autant que possible compétent, bienveillant et neutre. La "thérapie" spinozienne s'adresse surtout aux souffrances dont on s'aperçoit à peine, parce que l'illusion domine. Mais c'est un bon moyen de prévenir contre les névroses, voire les psychoses.

Et aussi "l'éthique" de Spinoza ne saurait se réduire à une thérapie. Une thérapie ne vise qu'à vaincre les causes d'une souffrance, à détruire ce qui me détruit. Il ne s'agit pas avec Spinoza de se contenter de ne pas souffrir, de définir le bonheur comme une simple absence de souffrance. Vivre "légèrement" ne signifie pas ici vivre banalement, comme une vache attachée au piquet de l'instant. Vivre sans la contrainte que génère l'illusion, c'est libérer la force d'exister, de s'affirmer et de cultiver cette force.

La joie de vivre est dynamisme : "augmentation de ma puissance d'exister" dit Spinoza. L'éthique de Spinoza ne propose rien moins que de donner accès à une joie éternelle et continuelle de vivre. Comment ? Par la connaissance de soi et de sa relation essentielle avec la nature. En examinant cela, Spinoza fait d'une pierre deux coups, il détruit les préjugés et construit les moyens d'une existence sereine et active. Renoncer à l'illusion n'est pas renoncer à la joie de vivre, si l'on se donne les moyens d'une joie sûre, fondée non sur les vains désirs issus de l'imagination, mais sur le désir essentiel d'exister qui se comprend à la fois rationnellement et intuitivement.

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Message par Vanleers Mar 19 Juin 2018 - 20:20

Rappelons, une fois encore, la définition de la science intuitive ou connaissance du troisième genre.

Spinoza a écrit: Et ce genre de connaître procède de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l’essence des choses. (Ethique II 40 sc. 2)

La science intuitive est le discours de l’ange, médiateur (άγγελος) entre la nature naturante (les attributs de Dieu) et la nature naturée (les choses), étant précisé que dans la philosophie de Spinoza il n’y a pas de distinction réelle mais seulement une distinction modale entre ces deux natures.
C’est aussi le discours de l’esprit de consolation qui stimule la joie de vivre et s’oppose à la tristesse, l’esprit de désolation.
La figure de l’ange est reprise par la biodanza qui la considère plutôt comme un archétype au sens jungien. Voir :

http://www.biodanza-france.com/pdf/L%27ange.pdf

« Voir l’ange chez les personnes » comme l’énonce la biodanza se traduit en spinozien par « connaître les personnes » au sens de la connaissance du troisième genre dont la définition a été rappelée ci-dessus, connaissance intuitive, à la fois intellectuelle et affective.
C’est la connaissance qui saisit toute chose sous un même statut ontologique : celui d’un mode de la nature infinie, d’une expression particulière de Dieu.

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