La céphalophorie.

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Message par neopilina Dim 1 Nov 2015 - 22:24

La céphalophorie est l'action qui consiste pour un martyr chrétien décapité de se relever, de ramasser sa tête, de faire ceci ou cela, puis de s'effondrer. On comprend immédiatement que c'est à cet endroit précis que sera érigé un bâtiment de culte, parfois de la plus haute importance, comme, on va le voir, exemple archétypal, Saint Denis, paroisse des rois de France.
D'abord les certitudes. La céphalophorie est un phénomène purement franc. Ici ou là, antérieurement, on peut bien voir une tête continuer à parler, etc., etc., pas de céphalophorie au sens strict telle qu'on va la découvrir à partir du VII° siècle en Occident chrétien romain. La céphalophorisation, si j'ose dire, de certains saints longtemps après leur supposé martyr, est l'oeuvre d'hagiographes, d'auteurs, francs.
Le phénomène est bien connu, étudié. Mais il subsiste un petit souci : l'origine exacte de cette mode. Parce que nous n'arrivons pas à dater plus finement les plus anciennes mentions. On n'arrive pas à affiner les datations entre les plus anciennes mentions qui concernent donc Saint Denis, donc région parisienne, d'une part, et plusieurs saints lorrains, d'autre part. Soi l'exemple inaugural est Saint Denis, parisien, personnage des plus prestigieux, soit il est lorrain. La région parisienne, avec une extension qui passe par Beauvais, la Normandie et Chartres, et la région contiguë Champagne-Lorraine sont celles qui fournissent les plus anciennes et plus nombreuses céphalophories. Mais si Saint Denis est l'exemple inaugural, on peut légitimement relever que cette mode à eu un succès absolument notoire en Lorraine, avec un cas unique dans toute la chrétienté, une fratrie, celle de Saint Élophe ( Originaire d'un ancien très grand centre gallo-romain, la ville de Grand, aujourd'hui dans les Vosges, situé sur la voie stratégique, impériale, Langres-Trèves. ), de saints céphalophores. De plus, très clairement, il y a un phénomène tache d'huile : plus on s'éloigne géographiquement de ces deux régions, moins il y a de saints céphalophores et plus ils sont tardifs. En bordure de l'aire chrétienne du culte chrétien apostolique et romain, catholique donc, au Portugal par exemple, ceux-ci se comptent en unités. Le cas de l'Ouet et du Nord de l'Allemagne est à part. A cause des immenses pouvoirs, influences, du diocèse de Toul, le plus ancien de France ( L'étymologie de " diocèse " vient de l'empereur Dioclétien. ), véritable centre spirituel franc, par où sont passés et/ou ont été formés, tous ces auteurs lorrains ( Il y avait rien de moins qu'un rite toulois, aboli par la suite, et cet évêché restera longtemps très puissant et battra tout aussi longtemps monnaie. ), et des raisons politico-religieuses, alliances, mariages royaux, princiers ( Cette région connait très tôt des royaumes solidement établis, structurés. Historiquement, la plus ancienne capitale franque est Metz. ), et donc cessions, translations, de reliques, les saints lorrains, notamment ceux de la fratrie Saint Élophe y ont connu le même succès que dans leur région d'origine. La céphalophorie hagiographique franque a posteriori apparait donc à la fin du VII°, se développe au VIII°, connait son acmé aux IX° et X°, et disparait au XI°.
Les historiens relèvent prudemment qu'en plus de l'indéniable succès de cette mode en Lorraine dans les hagiographies, Passions, des saints, pendant celle-ci, les Francs de cette région coupaient la tête de leurs défunts, qu'on peut trouver ici ou là ( Maçonnerie de chapelles, calvaires, façades extérieures de murs d'église, de cimetières, etc. ) des crânes ostentatoires, on parle " d'incrustés ". Les derniers ont disparut à la fin du XX° siècle tout bêtement, idiotement, volés. Même si l'immense majorité avait été discrètement déplacés dans les ossuaires ou fosses communes bien avant, les emplacements, niches, sont encore visibles.


Dernière édition par neopilina le Jeu 19 Nov 2015 - 19:52, édité 1 fois

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Message par neopilina Jeu 19 Nov 2015 - 17:30

J'ajoute quelques éléments.

Il est parfaitement avéré que c'est Hilduin qui réécrit l'hagiographie de Saint Denis ( Commande de Louis II le pieux en 835. ) et que c'est lui qui ajoute la céphalophorie. On sait qu'Hilduin a fait ses études à l'École palatine, foyer de la renaissance carolingienne, auprès d'Alcuin.

Wikipédia, " Saint Élophe " : " Comme le remarquent les bénédictins de Paris, il faudrait une connaissance approfondie des communautés de clercs de cette région aux IXe et Xe siècles pour comprendre où et dans quelles conditions s'est constitué ce cycle de légendes. Le thème de la céphalophorie, répandu dans tout le nord-est de la France, pourrait être inspiré des légendes de saint Denis, la grande abbaye royale étant largement possessionnée dans ces régions. Il se peut aussi que ce soit l'inverse : le premier christianisme lotharingien ayant servi de modèle aux moines de Saint-Denis ... Dans le diocèse de Chartres, il a donné son nom au village de Saint-Éliph, dans le canton de La Loupe. On y voit une statue céphalophore du XVIIe siècle, en stuc peint et doré, de facture populaire, intégrée dans le maître-autel baroque. L'église toute proche de Vaupillon lui était autrefois dédiée. Là encore, aucun document ancien ne nous dit comment ce martyr lorrain a pu être honoré aux confins du Comté du Perche. Il faut néanmoins, dans ce cas, faire état d'une hypothèse intéressante bien que fragile. On trouve dans les anciennes listes épiscopales de Chartres une série d'évêques, localement non documentés, mais portant des noms d'évêques des régions de la Meuse (Verdun) et de la Moselle (Trèves). On a souvent pensé qu'il pourrait s'agir d'exilés qui, devant l'avancée franque en Rhénanie, se seraient repliés dans le bassin parisien et dont l'un ou l'autre aurait pu occuper le siège de Chartres. Ces relations anciennes entre les Églises, si elles étaient avérées, pourraient expliquer la présence assez incompréhensible dans ce diocèse d'un saint Élophe qui, pour le coup, pourrait bien être un clerc tué dans le trouble des invasions et dont le souvenir aurait été apporté par ces émigrés ".

L'éducation d'Hilduin et/ou un tel mouvement de clercs de l'Est ou encore les liens très étroits entre les communautés religieuses de l'Est, de Champagne et d'Ile de France pourrait expliquer cette présence précoce, quasi-immédiate, contemporaine, de la céphalophorie dans le bassin parisien. Le plus probable est qu'il y a une communauté significative de lieu et de temps qui aujourd'hui nous échappe entre Paris et l'Est, centre de gravité politique et culturel ( L'évêché de Toul émerge comme grand centre dés le IV° siècle, c'est le premier diocèse, l'évêché de Trèves, Aix la Chapelle. ). En tout état de cause, incontestablement, la céphalophorie est un phénomène qui se déploie pleinement avec l'hagiographie impériale, de la renaissance carolingienne.
Ceci dit sans exclure un foyer initial, lorrain, voir un héritage, une persistance, celtes, Toul a été la dernière capitale des Leuques et leur monnaie arborent fréquemment des têtes coupées.

Wikipédia, " Saint Livier " : " D'après Roger Wadier ( Légendes lorraines de mémoire Celte, 2004. ), les chercheurs ont recensé une soixantaine de légendes de saints céphalophores – qui portent leur tête – sur l'ensemble du territoire Lorrain. On peut par exemple citer saint Élophe à Soulosse-sous-Saint-Élophe ou sainte Libaire à Grand. La source et le lieu en hauteur sont également des éléments caractéristiques de ces récits.
Pour Roger Wadier, ceux-ci auraient une origine Celte. Ils résulteraient de l'assimilation, par les premiers chrétiens de la région, de légendes beaucoup plus anciennes. On retrouve par exemple un récit similaire dans la mythologie celtique irlandaise, lors de l'affrontement du géant Uath, par Cúchulainn dans le cycle d'Ulster ".

Avec 60 cas, la Lorraine serait de très très loin la région la plus touchée par ce phénomène.

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