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La quête du fondement

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Message par cedric Lun 13 Avr 2015 - 17:05

Salut à tous,

en me remettant à lire, tant bien que mal, du Platon, le Philèbe, force est de constater qu'il ne me paraît pas opportun de développer point par point la thèse que Platon y défend. Platon, la figure de Socrate m'apparaît de plus en plus comme le dépeignait Nietzsche, une sorte de joueur de flûte, d'ensorceleur qui use et abuse d'une rhétorique abstraite et partiale.

La remarque que j'aimerais plutôt mettre en avant est plutôt donc d'ordre epistémologique et psychologique. Pour faire simple, il m'apparaît que cette démonstration perpetuelle des philosophes de ce qu'ils tiennent comme un fondement, pour Platon : l'âme, le bien ... est toujours posée, présupposée par eux, et qu'ils ne font qu'ontologiser ce que j'appelerai un " penchant psychologique " qui correspond à l'angoisse de l'absence de sens, une nécessité de donner du sens.

En ce sens, la philosophie prise comme une discipline qui guérit les maladies de l'âme n'est pas à concevoir comme une science ayant un rapport au réel mais comme une esthétique qui, par la construction d'un système de sens, va précisément pouvoir guérir la maladie majeure de l'âme : la nécessité d'une stabilité, d'une " vérité ". A ce titre, les notions de règle, d'ordre, de lois sont primordiales, et la philosophie va les ontologiser également, pour leur apporter une stabilité maximale.

Je pense qu'on peut dire que l'ontologisation de l'ordre, de la loi, de la règle, plus batarde en philosophie qu'en religion, ou le tout est fondé par Dieu, reflète un penchant psychologique de quête de la sécurité. En effet, qui pourrait supporter de vivre dans un devenir perpetuel de toute chose ... Bref, en ce sens, la philosophie, comme les religions, incarnent un besoin psychique de stabilité, de se rendre stable, par opposition à la folie, envisagée comme une perte totale de repères. Une sorte de comédie du vrai orchestrée par le psychisme, et qui en tire un profit utile : une stabilisation. Un cadre.

Dès lors, on peut penser que la désagrégation de cette tendance à la stabilisation ouvre une brêche dans ce que l'inconscient collectif a toujours voulu éviter. Comment vivre dans un monde ou le vrai a disparu, c'est à dire la notion même de stabilité ? Et comment s'adapter à ce nouveau monde, qui du coup éclate en îlots ? Il me semble que c'est le problème dans lequel nous plonge ce que j'appelle l'hypermodernité.

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Message par poussbois Lun 13 Avr 2015 - 19:20

Les philosophies non fondées sont rares. J'en cherche mais j'ai un peu de mal, il faudrait un comparatif pour bien comprendre les enjeux de cette discussion.

Ceci dit, je dois bien avouer que c'est probablement ce qui m'avait le plus surpris lors de mes premières approches avec cette drôle de matière qu'est la philosophie : ce besoin de fondements et sa dose d'hypothèses qui va avec.
Ce qui m'avait rassuré, d'ailleurs, avec les philosophies matérialistes et utilitaires, c'était justement l'absence de réel fondement et une philosophie qui s'appuie plus sur des constats observables. C'est peut-être d'ailleurs la raison de leur manque de succès : le fait que l'observable et le constat soit mouvant et donc qu'il n'y a pas de constante pour orienter notre vie.

Si j'ai bien compris, j'ai l'impression que ta critique sur cette recherche de fondement est à peu près la même que celle qui cherche à expliquer l'apparition des religions : le besoin de ne pas être perdu seul dans l'univers, mais d'avoir une existence justifiée et souhaitée. Comme tout orphelin, on souhaite tous avoir une raison de vivre mais aussi une raison d'être apparu à la vie.


Ceci étant dit, j'ai le diagnostic inverse au tient sur Platon que je tenais initialement pour un grand manipulateur. Je continue à trouver certaines ficelles un peu grosses, mais c'est dans doute liée à mon incompétence, mais par contre, je reviens progressivement sur mon premier diagnostic. Le rôle de l'intuition et de l'esthétique n'est pas neutre dans sa philosophie. Il y a aussi une forme naturelle et non fondée dans sa pensée. Qu'il cherche ensuite à expliquer ce naturel par la constance parfaite des lois de l'univers est une chose. Qu'il constate l'importance de cette intuition en est une autre.

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Message par cedric Lun 13 Avr 2015 - 20:48

Le fait est qu'il pose comme réels plusieurs " objets " autour desquels va tourner toute sa pensée : l'âme, le bien, le beau, le bon. Et qu'une " morale " de l'excellence guide toute sa pensée. On peut aimer cette esthétique. Mais de là à la démontrer ... Une démonstration philosophique est un plaidoyer. C'est d'ailleurs pour cela que toute philosophie est ouverte à la polémique.

Le fond de ma pensée, c'est que toute philosophie est une esthétique, c'est à dire une posture, qui tend à la puissance en prétendant surpasser les autres. Comme si un philosophe voulait créer une famille qui correspondrait à ses critères.

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Message par poussbois Lun 13 Avr 2015 - 22:26

Ca me rappelle une discussion relativement redondante sur les forums qui est d'évaluer dans quelle mesure chacun de nous ne cherche pas à donner un vernis de raison à des fondements personnels non maitrisés, inconscients, et desquels nous dépendons.
Dans ce cadre, l'idée c'est de trouver une philosophie qui permet de calmer nos angoisses. On ne tourne pas le dos impunément à notre expérience existentielle, à notre idiosyncrasie, ce qui fait de nous des êtres originaux construits autour d'un corps et d'un passé.

Nietzsche place cette dépendance de la pensée au niveau du corps :

Nietzsche, préface du Gais Savoir, a écrit:Le travestissement inconscient de besoins physiologiques sous les masques de l’objectivité, de l’idée, de la pure intellectualité, est capable de prendre des proportions effarantes - et je me suis demandé assez souvent si, tout compte fait, la philosophie jusqu’alors n’aurait pas été uniquement une exégèse du corps et un malentendu à propos du corps.

Ce concept d'idiosyncrasie et de l'importance du corps du philosophe est très largement repris par Onfray dans toute sa contre-histoire.

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Message par Ataraxie Lun 13 Avr 2015 - 22:31

cedric a écrit:[les philosophes] ne font qu'ontologiser ce que j'appelerai un " penchant psychologique " qui correspond à l'angoisse de l'absence de sens, une nécessité de donner du sens.
Je suis d'accord sur l'ontologisme. Je pense d'ailleurs que le langage de la philosophie en porte la trace : l'intérêt particulier pour les questions en "qu’est-ce que", les réponses en forme de définition pour dire "c’est quoi" tel concept, la tendance aussi à substantiver à peu près tout, c'est à dire à transformer en substance ce qui linguistiquement est un processus, une qualité ou autre ("le vouloir", "le beau", "l'en-soi"...). Je ne sais pas si on peut parler d'un "registre ontologiste" mais certains éléments font effectivement penser que le discours philosophique est configuré par un discours de fond sur l'être. Cela dit ça me semble normal si la philosophie se propose d'être un discours fondamental. Ca ne m'inciterait pas à la psychologiser.  

cedric a écrit:une esthétique qui, par la construction d'un système de sens, va précisément pouvoir guérir la maladie majeure de l'âme : la nécessité d'une stabilité, d'une " vérité ".
Concernant la stabilité, je ferais quand même des différences de degrés. Les auteurs de traités (donc de systèmes) me semblent plus portés sur la stabilité de leur univers que les auteurs de dialogues, et plus encore que les auteurs de fragments qui pour le coup ne semblent pas très préoccupés par cet aspect des choses (mais ce n'est qu'une vague impression).

Enfin, je ne comprends pas le rapport entre la stabilité et l'angoisse d'une absence de sens. Après tout, l'absence du sens pourrait être tout aussi stable que sa présence. S'il suffit donc d'être stable, l'absence de sens pourrait rassurer tout autant que la présence de sens. Répondre à l'angoisse d'une absence du sens demande à la philosophie de poétiser un peu son discours, d'ailleurs les discours sur l'être me semblent souvent osciller entre démonstration et poésie, raisonnement et révélation, comme si, pour répondre à cette angoisse, il était impossible d'évacuer tout esthétisme. Mais je ne vois pas en quoi c'est lié à la stabilité. Peut-être que je n'ai pas tout compris.
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Message par hks Lun 13 Avr 2015 - 23:20

Il faudrait regarder faire les philosophes.

Je ne sais s'ils se meuvent la peur au ventre, du moins se meuvent- ils.
Incessamment ils bougent.
Ils sont comme disait Merleau- Ponty de Bergson "se faisant".
Ils sont dans l'instabilité. Si la pensée est stabilisée dans le support( le livre ) le philosophe n' a pas le statut du texte ( chose  stable ) qu' il a produit.
Ils sont comme tout un chacun contraints de vivre et de penser "dans un devenir perpétuel de toute chose "...ce qui n'est pas, pour le coup, une posture ...sinon celle du tragique.
Car le philosophe est justement celui qui ne se divertit pas (au sens pascalien du divertissement).
Il est celui qui ne détourne pas le regard de la maladie de l' âme.

Peut-être peut- on lui reprocher et seulement cela, de se sentir, et de se sentir malade de sa situation...quelque part.
Il ne sait ni où ni pourquoi il se sent mal ...mais bien évidemment cherche à aller mieux. La quête du fondement 2101236583

Ce qu'on peut aussi lui reprocher... que ne lui reproche- t -on pas ? La quête du fondement 177519025
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Message par poussbois Mar 14 Avr 2015 - 2:39

Moui... tu proposes une vision tragique et romantique du philosophe, alors que Cédric, de ce que j'en comprends, a une vision beaucoup plus pessimiste et freudienne, et le voit en charge de se construire "une consolation qui soit plus qu'une consolation et bien plus grande qu'une philosophie, c'est-à-dire, une raison de vivre" (Stieg Dagerman).

C'est effectivement pessimiste et je dois dire que je passe régulièrement par cette phase. L'impression que nos incompréhensions réciproques ne sont pas dues à des mésinterprétations, mais à des certitudes structurantes inattaquables, qui se confrontent, miroir contre miroir, et qui rendent tout échange impossible. "Chacun sa vérité" comme dirait l'autre.
Bon, très bien, constatons, chez de nombreux philosophes, le fondement de leur doctrine a bien du mal à se débarrasser de tout credo ontologiste invérifiable. Pourquoi pas, mais ensuite, l'intérêt de la philosophie en est-il réduit ? Est-ce que l'analyse du sens, l'acuité du raisonnement en sont amoindries ?
Bien entendu, on rêverait d'un Socrate procédant à une réelle maïeutique, qui permette à tout un chacun de construire sur ses propres credo des raisonnements cohérents, et non pas un copier-coller systématique de l'idéalisme platonicien, mais les succès de librairie ne traduisent pas forcément la pratique au quotidien de la philosophie. Pour écrire un livre, qu'on soit romancier ou philosophe, j'ai toujours pensé qu'il fallait être un peu taré. Génial et taré. à partir de là, tous les livres ont une forme d'excès, mais ça ne veut pas dire que la philosophie est condamnée à ses excès. Il y a une forme de pratique quotidienne de la philosophie qui suit les chemins d'une réelle maïeutique "généraliste". Un de mes professeurs m'avait d'ailleurs prévenu des dérives à une trop grande concentration sur les textes : "méfiez-vous des discussions byzantines, la philosophie, ce n'est pas cela". Et j'imagine ne pas avoir été le seul à recevoir ce conseil.

Dernières approches, et j'arrêterai là le soliloque, il y a aussi l'accident existentiel, l'happax, la catastrophe qui oblige à tout remettre en question, à trouver un nouvel ordre. Ce sont des moments qui peuvent être terribles, déstructurants, douloureux. Jankélévitch disait que toute vraie occasion est un hapax. La remise en question existe donc, mais elle ne garantie pour autant pas que le nouvel ordre ne se reconstruise pas, à nouveau, sur d'autres bases ontologiques tout aussi invérifiable. On en revient donc, alors que je pensais m'en éloigner, à l'hypothèse de Cédric...

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Message par baptiste Mar 14 Avr 2015 - 8:44

poussbois a écrit:Moui... tu proposes une vision tragique et romantique du philosophe, alors que Cédric, de ce que j'en comprends, a une vision beaucoup plus pessimiste et freudienne, et le voit en charge de se construire "une consolation qui soit plus qu'une consolation et bien plus grande qu'une philosophie, c'est-à-dire, une raison de vivre" (Stieg Dagerman).

...///....
Dernières approches, et j'arrêterai là le soliloque, il y a aussi l'accident existentiel, l'happax, la catastrophe qui oblige à tout remettre en question, à trouver un nouvel ordre. Ce sont des moments qui peuvent être terribles, déstructurants, douloureux. Jankélévitch disait que toute vraie occasion est un hapax. La remise en question existe donc, mais elle ne garantie pour autant pas que le nouvel ordre ne se reconstruise pas, à nouveau, sur d'autres bases ontologiques tout aussi invérifiable. On en revient donc, alors que je pensais m'en éloigner, à l'hypothèse de Cédric...

Nous avons besoin de visions du monde...car nous ne savons pas faire sans.

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Message par euthyphron Mar 14 Avr 2015 - 10:44

Il ne me semble pas que vision du monde et fondement ce soit la même chose.
Si l'on parle de la vision du monde, je veux bien admettre pour faire plaisir qu'il en faut (bien qu'en réalité je ne vois absolument pas ce qui interdit d'en avoir plusieurs, donc de ne pas s'enfermer dans une seule). Donc il y a des visions du monde, nul n'en est strictement dépourvu, soit. Mais ce n'est pas la philosophie qui les invente, elles sont là avant toute réflexion philosophique puisqu'on vient de dire qu'on n'y échappait pas. Le besoin de philosophie n'a donc rien à voir avec le besoin de se créer une vision du monde, il est donc au contraire remise en question de celui-ci et présuppose une insatisfaction quant aux visions du monde déjà là.
Quant à la question du fondement elle naît du besoin de certitude. Comment faire le tri entre ce que je crois savoir et que pourtant j'ignore d'une part, et ce que je crois savoir et qu'effectivement je sais d'autre part? Dans les deux cas je dirai bien sincèrement que je sais. Mais ce ne sera vrai que dans le second.
Il ne suffit donc pas de la conviction intime d'avoir raison, il faut répondre à la question "au nom de quoi?". Au nom de quoi est-ce que je prétends ce que je prétends. En ce sens, nul n'échappe non plus à l'exigence de fondement, pas même les mégalos moustachus teutons.
Mais là où les philosophes peuvent être distingués, c'est dans la recherche ou non d'un fondement ultime. Trois possibilités :
1) celle qui est visée par Cedric (si j'ai bien compris) et qui est celle de Descartes (et non celle de Platon!) : trouver le fondement ultime et le maîtriser intellectuellement, de façon à suivre ensuite le déroulé des conséquences. Elle est évidemment très optimiste quant aux capacités de l'homme à atteindre la vérité.
2) celle qu'on attribue préférentiellement à Nietzsche : renoncer à tout espoir d'énoncer un quelconque fondement en postulant qu'il ne saurait en exister dans l"univers, et que donc tout fondement affirmé ne serait que convention.
3) la position qu'on peut considérer comme intermédiaire : le fondement ultime dépassant les limites de notre intelligence, il ne peut être énoncé mais seulement visé. C'est plutôt dans cette catégorie que je placerais Platon.
Quant à l'idée que tout cela est pathologique, n'oublions jamais qu'en cette matière c'est celui qui le dit qui y est.

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Message par cedric Mar 14 Avr 2015 - 11:03

Vos remarques sont toutes intéressantes.

Modestement, l'enjeu de la discussion, c'est de savoir, au fond, quel est l'objet de la philosophie ? Et de dire, bon, ok, l'objet de la philosophie n'est peut-être pas celui qu'ont toujours cru les philosophes, à savoir : le réel ; mais de dire que l'objet de la philosophie, qui est en fait l'objet d'un philosophe, à chaque fois, n'est autre que sa propre pensée et son propre rapport à sa propre pensée ! C'est sûr que c'est pas aussi grandiose ! Et si tel est bien le cas, alors la philosophie n'est pas tant une science qu'une esthétique, qu'une posture, qu'une construction qui se rejoue sans cesse entre individus d'une " même famille ", la famille des obsédés de la pensée.

Dans une autre discussion récente sur le forum, ou il s'agisait de l'ego, j'ai noté une remarque qui soulignait que la pensée ne travaillait pas tout le monde de la même manière. Oui ! Le philosophe est celui que sa pensée travaille. Avant tout.

Ma position ici est clairement Nietzschéenne. J'y reviens ... malgré moi. Mais il me semble assez difficile de sauvegarder la philosophie comme science du vrai et comme ontologie ! Au mieux on peut la conserver dans le périmètre vague des sciences humaines comme une capacité d'interrogation. Et la philosophie antique, qui tourne autour de la notion de tempérance, n'a au fond pas besoin d'ontologie. Et Platon fait de l'ontologie, donc, d'une certaine façon, bien qu'il accorde beaucoup plus d'attention, ou semble en accorder, aux cinq sens, je le regarde tout de même un peu comme je regarde un Descartes.

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Message par euthyphron Mar 14 Avr 2015 - 11:23

Je trouve tes remarques intéressantes, mais je suis un peu gêné par l'abondance des présupposés, d'autant que ce ne sont pas les miens. Je liste donc mes désaccords, non pas pour le plaisir de contredire, mais pour clarifier la discussion.
cedric a écrit:
Modestement, l'enjeu de la discussion, c'est de savoir, au fond, quel est l'objet de la philosophie ? Et de dire, bon, ok, l'objet de la philosophie n'est peut-être pas celui qu'ont toujours cru les philosophes, à savoir : le réel ; mais de dire que l'objet de la philosophie, qui est en fait l'objet d'un philosophe, à chaque fois, n'est autre que sa propre pensée et son propre rapport à sa propre pensée !
L'un n'empêche pas l'autre. La philosophie n'appréhende le réel que par la pensée sur sa propre pensée. Ce n'est ni infamant ni ignoré.
cedric a écrit:Et si tel est bien le cas, alors la philosophie n'est pas tant une science qu'une esthétique, qu'une posture, qu'une construction qui se rejoue sans cesse entre individus d'une " même famille ", la famille des obsédés de la pensée.
Le fait de ne pas être une science (100% d'accord) n'oblige absolument pas à être une posture ni une esthétique. C'est le refus de penser et non son acceptation qui est pathologique.  
cedric a écrit:Le philosophe est celui que sa pensée travaille. Avant tout.
Je veux bien mais... et alors? C'est mal?  
cedric a écrit:Mais il me semble assez difficile de sauvegarder la philosophie comme science du vrai et comme ontologie !
100% d'accord là aussi. Mais cela n'est pas un problème, au contraire. C'est la prétention d'énoncer le vrai qui est un problème, pas la philosophie ou recherche du vrai.
cedric a écrit: Et Platon fait de l'ontologie, donc, d'une certaine façon, bien qu'il accorde beaucoup plus d'attention, ou semble en accorder, aux cinq sens, je le regarde tout de même un peu comme je regarde un Descartes.
Où cela? De Platon je ne connais que les écrits, et aucun ne s'intitule "Essai d'Ontologie". Et la lettre VII dit clairement qu'il ne faut pas chercher l'énoncé du vrai dans les textes de Platon. Ce n'est pas Nietzsche qui le dit, c'est Platon lui-même. Mais il est exact que cela a arrangé les scientistes d'ignorer ce point.

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Message par cedric Mar 14 Avr 2015 - 11:47

Oui la philosophie, ou plutôt le philosophe, n'appréhende le réel que par sa " pensée sur sa propre pensée ". Mais précisément, quelle valeur peut avoir cette démarche et dans quelle mesure peut-elle prétendre au " réel ".

D'un point de vue étymologique, la pathologie signifie un " examen des passions ". En ce sens on pourrait dire de la pensée philosophique, et particulièrement socratique, qu'elle est pathologique. Penser, ne pas penser ... la question porte plutôt sur la pensée qui prétend à la vérité.

En soulignant que le philosophe est celui que sa pensée travaille, je souligne le caractère intime, personnel, de " la " pensée, quelque part, son insignifiance et sa fermeture au monde qui l'entoure. Ta pensée t'ouvres au monde dans le même temps ou elle t'en éjecte.

La philosophie comme recherche du vrai, c'est précisément cela qu'il convient de mettre en question. Le vrai de quoi ? Du " monde ", du " réel " ... Autant de substantifs.

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Message par hks Mar 14 Avr 2015 - 12:02

à poussbois

J' opte pour la troisième solution écrite par euthyphron
3) la position qu'on peut considérer comme intermédiaire : le fondement ultime dépassant les limites de notre intelligence, il ne peut être énoncé mais seulement visé. C'est plutôt dans cette catégorie que je placerais Platon.

C'est en ce sens que je parlais d'un mouvement incessant.
Le mouvement n'est pas propre au philosophe, certes  pas ...ce qui lui est propre c'est effectivement la pensée ..
Mais la pensée "philosophique"

Ce que j' assimile difficilement à une "posture esthétique".

et "posture" et esthétique ne conviennent pas.
........................................
quant au vérifiable

 D'une part on va critiquer ces philosophes un peu  simplets qui recherchent "le fondement"
mais d'un autre côté on valorise fort le vérifiable lequel me parait pour le coup servir de fondement.

Je pense que même Nietzsche se serait  insurgé si on lui avait fait le reproche que ses remarques étaient "invérifiables".
Il n'y a pas pires soucis pour un philosophe... que ce qu'il prétend lui avoir comme certitudes bien vérifiées, soient invérifiables (par personne d'autre que lui)

Va- t-on reprocher à Descartes que son cogito est invérifiable ?
c'était une remarque sur les fondements

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La violence est ce rythme de perturbations non acceptables, du moins pas sans dommages potentiels."  

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Message par euthyphron Mar 14 Avr 2015 - 12:07

cedric a écrit:La philosophie comme recherche du vrai, c'est précisément cela qu'il convient de mettre en question. Le vrai de quoi ? Du " monde ", du " réel " ... Autant de substantifs.
C'est toi et personne d'autre qui ajoute des substantifs indigestes à la définition de la philosophie comme recherche du vrai.
Il n'est absolument pas nécessaire de se prononcer par avance sur ce qu'est le monde en soi ou le réel en soi ou autres abstractions de même farine pour commencer à réfléchir. Il est même plutôt utile et fortement recommandé de s'en abstenir.
En revanche, il est nécessaire de s'ouvrir au négatif de sa propre pensée, ce qui d'une part définit la philosophie, et d'autre part témoigne plutôt d'une bonne santé, sur le plan mental j'entends. C'est ce que ne permet pas l'affirmation que la pensée est pathologique. Cette affirmation est donc elle-même pathologique, puisque incapable de supporter son autre.

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Message par hks Mar 14 Avr 2015 - 12:17

euthyphron a écrit: Il n'est absolument pas nécessaire de se prononcer par avance sur ce qu'est le monde en soi ou le réel en soi ou autres abstractions de même farine pour commencer à réfléchir.
Pour sûr... on ne donne pas les réponses avant les questions...
je ne suis même pas persuadé qu'on ait vraiment conscience de rechercher le vrai avant que le vrai n'intervienne comme question.
On ne cherche même pas à questionner ...ça vient de soi .
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Message par cedric Mer 15 Avr 2015 - 12:33

Mouais. En tout cas la notion de famille me semble importante, de famille de pensée. C'est bien connu, les philosophes discutent avant toute chose entre eux. L'intérêt du philosophe au niveau de la cité est nul ou à la marge. Le philosophe roi est un fantasme que personne n'a plus. Au fond personnellement je me sens grec, avec en plus l'apport du christianisme et des spiritualités orientales. Et je déambule dans notre époque avec ces yeux là. C'est cocasse.

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Message par euthyphron Mer 15 Avr 2015 - 14:56

cedric a écrit:Le philosophe roi est un fantasme que personne n'a plus.
Tant mieux, non?
Personnellement, puisque l'on ne peut parler que pour soi, la notion de famille de pensée je m'en fous à un point tel que ce n'est même pas permis, je discute avec tout le monde qui accepte de discuter et je n'ai pas de message pour la société même si je me sens utile et reconnu dans mon métier. Donc, comment dire? le portrait que tu sembles dessiner dans ta tête du philosophe me ressemble si peu que je ne sais quoi dire sinon t'informer que je ne m'y reconnais pas. La quête du fondement 2101236583

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Message par cedric Mer 15 Avr 2015 - 19:35

Quel est pour toi l'objet de la philosophie ?

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Message par neopilina Mer 15 Avr 2015 - 20:04

Par l'absurde, a posteriori, a contrario, etc., il y a des fondements relatifs et d'autres absolus. Ce sans quoi, sans même aller jusqu'à ce message, la vie de l'insecte ne serait pas possible.
Mon Bien et Mon Mal ne sont pas les Mêmes que ceux d'Euthyphron, du facteur, du papou, etc., et ils ont tous leurs fondements, variables donc, ontogéniquement dit. Et si on cherche courageusement, tenacement, là où on ne veut même pas jeter les yeux, on finit par trouver.
Et les fondements absolus ? D'abord les possibilités scientifiques, biologiques, physiologiques, neurologiques et ontologiques. Sans Sujet, mains, cellules nerveuses, oxygène, atomes, etc., etc., il est très difficile de jouer à la belote, c'est à dire, de façon générale, de générer des Étants, Uns, uns et Miens ( Cogito. ). Ils sont, entre autres, notoirement, Mon ( Cogito.) Lien a priori avec Mon ( Cogito. ) Monde.
Les possibilités de l'expérience par un Sujet quelconque, c'est l'existence des choses, du monde, de la nature, de l'univers, comme il plaira, dont celle du dit Sujet. Ça, c'est un fondement, etc.
L'ontologie, ce n'est pas grand chose ? Je peux le concevoir très facilement. Mais a contrario, faire sans, c'est radicalement impossible, c'est la possibilité même de la vie au sens le plus basique qui soit qui est impossible, ne parlons même pas de la plus empirique des connaissances.
Ce n'est pas parce que la métaphysique, la philosophie, n'induisent plus, depuis, à cause du et avec le cogito en l'état qu'il faut s'y habituer.
Le religieux, le sacré, le spirituel, le politique, le philosophique, etc., etc., c'est la préhistoire de la métaphysique. Et il va de soi que c'est le lieu du pouvoir par excellence. Ce qu'atteste constitutivement histoire et actualité.
Il y a du sens, scientifiquement dit, premier domaine de la connaissance. La nature ayant fortuitement ( Merci quid ! ) accouchée du Sujet, de facto advenait le Sens, et donc l'autre, le second, domaine de la connaissance.
Bon, c'était à la louche, voire au godet de pelleteuse, mais ce fil m'avait bien consterné !
Il y en a qui ont besoin d'un atterrissage d'urgence.
Allez ! Signé Furax ! Il faut que j'y retourne ! Quoi faire ? Ramer, bien sûr. Ramer en Enfer, le Mien, comme ce bon Ulysse.


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Message par hks Mer 15 Avr 2015 - 22:14

neopilina a écrit:L'ontologie, ce n'est pas grand chose ? Je peux le concevoir très facilement. Mais a contrario, faire sans, c'est radicalement impossible,

Exact.

C' est l'étant qui pose  problème en première instance. Parce que sont statut est " suspect" ... Il a besoin d 'être affirmé:  soit comme stable soit comme mouvant... soit comme tenant de deux.
Il est suspect parce que justement il tient des deux et qu'il est ainsi/donc contradictoire. L' étant est contradictoire.

Or la contradiction pose toujours un problème.

Je ne dis pas que le cogito échappe totalement à la contradiction .
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Message par euthyphron Jeu 16 Avr 2015 - 11:23

cedric a écrit:Quel est pour toi l'objet de la philosophie ?
Question essentielle, en effet, pour bien comprendre en quoi la philosophie n'est pas une science. Car en voici la première raison, décisive : la philosophie n'a pas d'objet. Je veux dire qu'elle ne peut pas se définir par l'objet dont elle serait censée s'occuper, à l'inverse des sciences qui commencent par fixer leurs objets, jusque dans leur appellation (la biologie est ainsi ce qui a pour objet le vivant, par exemple).
Cela veut dire que la philosophie peut traiter de tout. Contrairement à ce que disent mes camarades, je soutiens qu'il n'y a aucune question interdite (là dessus ils sont peut-être d'accord), ni même obligatoire. On peut pratiquer correctement la philosophie en estimant par exemple que les spéculations sur l'étant sont des billevesées d'intellectuel psychologiquement fragile et qu'il vaut mieux se réserver pour tout autre sujet (je précise que ce n'est pas ce que je pense, mais si d'aventure c'était ce que tu pensais, cela ne t'exclurait pas d'emblée de la philosophie, malgré les risques d'obscurantisme qui s'attachent à ce genre de position un peu méprisante).
S'ensuit-il de là que le philosophe est un Pangloss, un "je sais tout"? Non, car la philosophie n'est pas une manière de venir après la vérité, pour l'expliquer ou la prouver, mais elle se tient avant, pendant l'ignorance, afin de progresser vers la vérité. Cela passe d'abord par la délimitation du problème, ce qui impose le regard critique sur les façons de dire qui sont celles de l'opinion répondant à la question dont on s'occupe.

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Message par cedric Jeu 16 Avr 2015 - 11:58

Donc tu avances que la philosophie n'est pas une science en tant qu'elle n'a pas d'objet précis. Cependant son objectif est d'atteindre une vérité. Tu places la philosophie au niveau du questionnement si j'ai bien compris, mais aussi dans sa capacité à y répondre.

Si la philosophie peut traiter de tout, toute question est-elle philosophique ? Qu'est-ce qui rend philosophique une question ?

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Message par euthyphron Jeu 16 Avr 2015 - 12:22

Ce qui rend philosophique une question, tu le devines, c'est la manière de l'appréhender, comme question justement, je veux dire comme question qui se pose.
Il y a en effet deux types de questions qui ne se posent pas : celle dont la réponse attendue est connue et complète (ex: en quelle année Socrate est-il mort?) et celle dont on voit, telles qu'elles sont posées, qu'il est impossible d'y répondre (ex: le schmilblic schtroumpfe-t-il?). Classer une question dans l'une de ces deux catégories, c'est la traiter comme non philosophique.
Il s'ensuit que la première démarche face à une question, celle qui fait entrer en philosophie, c'est de se demander pourquoi elle se pose. On appelle ordinairement cela poser un problème.

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Message par Ataraxie Jeu 16 Avr 2015 - 16:21

euthyphron a écrit: Car en voici la première raison, décisive : la philosophie n'a pas d'objet. Je veux dire qu'elle ne peut pas se définir par l'objet dont elle serait censée s'occuper, à l'inverse des sciences qui commencent par fixer leurs objets, jusque dans leur appellation (la biologie est ainsi ce qui a pour objet le vivant, par exemple).
Oui les sciences se définissent, entre autres, par leur objet mais j'ajoute qu'elles sont souvent incapables de définir cet objet même si elles se sentent obligées d'essayer (ce qui est normal et tout à fait louable).

euthyphron a écrit:Il s'ensuit que la première démarche face à une question, celle qui fait entrer en philosophie, c'est de se demander pourquoi elle se pose. On appelle ordinairement cela poser un problème.
Si ce qui rend philosophique une question c'est la qualité de la problématisation, comment tu expliques qu'on considère si facilement qu'une question philosophique doive aboutir à l'énonciation de la vérité comme tu le dis ailleurs ? Car je pense que cette idée, même si tu la récuses, n'est pas tombée du ciel. Elle n'est pas ce qu'elle est par hasard, quelque chose doit sûrement l'expliquer. Je sais que tu utilises parfois la métaphore spatiale de l'amont et de l'aval. Peut-on dire alors que la philosophie est orientée vers la vérité ? Ou qu'elle la désire ? Si c'est le cas, l'idée que la philosophie énonce la vérité pourrait s'expliquer par une sorte de raisonnement métonymique, comme on en fait très souvent sans s'en rendre compte, dans lequel le point de départ s'est substitué à sa direction (je n'entends pas métonymie au sens stylistique ici bien sûr mais comme un schéma de raisonnement).

Dans l'énonciation de la vérité, le problème n'est pas tellement la vérité mais le fait qu'elle soit énoncée. Une énonciation est un acte de parole. Enoncer la vérité c'est donc agir sur quelqu'un (sur le cours des choses) par la vérité. Et c'est peut-être dans cet "agir sur" que la philosophie ne se reconnaît pas. Alors que la vérité comme orientation, plutôt que comme instrument d'action, serait quelque chose dans laquelle la philosophie se reconnaîtrait. Par ailleurs, toute énonciation nécessite qu'une entité (humaine ou morale, réelle ou imaginaire) prenne en charge la responsabilité (y compris juridique) de ce qui est énoncé. Une énonciation sans responsable, c'est par définition impossible. Mais comment peut-on être le responsable de la vérité ? Est-ce que la philosophie se comporte comme la responsable de la vérité mais refuse de l'assumer ? (Tout en sachant qu'une responsabilité renvoie à un pouvoir). On peut faire ce genre de procès à la philosophie mais je crois que si une telle attitude peut exister, elle n'est pas représentative de la philosophie. Enfin si la vérité devient un acte de parole, c'est à dire une énonciation, elle s'offre à la subjectivité de l'énonciateur. Pour cette raison, divers spécialistes du discours n'ont pas manquer de constater que l'énonciation de la vérité est une fixation, une attitude anormalement constante, dans les pamphlets et qu'elle est presque toujours associée à une mise en scène de la solitude du pamphlétaire/polémiste face aux forces hégémoniques de l'imposture (des pamphlets qui peuvent d'ailleurs être faits par des gens de bon aloi qui défendent la liberté, le progrès, la démocratie, etc.). Ce que je veux dire en substance c'est que l'énonciation de la vérité est un réflexe de polémiste. Ca va être difficile de considérer la philosophie comme une polémique ininterrompue.


Dernière édition par Ataraxie le Jeu 16 Avr 2015 - 18:46, édité 1 fois
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Message par neopilina Jeu 16 Avr 2015 - 16:31

euthyphron a écrit: On peut pratiquer correctement la philosophie en estimant par exemple que les spéculations sur l'étant sont des billevesées d'intellectuel psychologiquement fragile et qu'il vaut mieux se réserver pour tout autre sujet (je précise que ce n'est pas ce que je pense, mais si d'aventure c'était ce que tu pensais, cela ne t'exclurait pas d'emblée de la philosophie, malgré les risques d'obscurantisme qui s'attachent à ce genre de position un peu méprisante).

Je te remercie de te soucier de ma santé mentale, mais je tiens à te rassurer, 12 ans de psychothérapie y ont largement suppléés. Mon psychiatre m'a congédié parce que j'étais capable de terminer seul. Ça m'a tout de même considérablement chagriné : ça me privait de sa formidable, magnifique, conversation. Au demeurant je me suis montré bon élève. Je peux faire décompenser un crétin qui me prend la tête au bar, quelques trucs.

Revenons à nos moutons, ou plutôt " fondements ". Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur, par exemple, un Bien et un Mal, une morale, un régime politique, une religion, etc., etc., sans fondement. En plus d'être psychologiquement fragile, je dois certainement être aussi un garçon très limité, je n'arrive pas à concevoir une foule de choses sans fondement.

Plus sérieusement. Tant que la philosophie " fera l'économie " de l'ontogenèse du Sujet, " fera l'impasse " sur le névrotique qui est aussi du dialectique, constitutif du et inducteur a priori chez le Sujet, n'entamera pas un Dialogue avec les psydisciplines, elle se condamnera elle-même au bavardage, fut-il le plus savant, érudit, etc., du monde. Ce qui d'ailleurs constitue une des innombrables manières de détourner le regard, ou encore de, bien à propos je vais citer Donatien Sade, " tuer le temps ".

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